Dans la demi-clarté du soir
De Rome emplie d’oiseaux
L’ordre de la clinique, de la prison,
De la caserne et de tous les Ordres,
Est d'une extraordinaire dureté.
Teresina parle de la Callas et de Pasolini.
Lucia me parle en piémontais
Pour exorciser les morts
Et la réalité vermillon.
Terre remuée et assez humide
Pour des lombrics et des généraux.
Chaque parole est fille de parole
Et mère d’une autre.
Sans la grâce des asphodèles,
Les grands cyprès sont éternellement noirs,
Ça vous suffit, comme condensé du monde ?
Et la violette va là, va là…
Les dimanches anciens sur les collines,
Où passaient les garçons, les couples,
Les ramasseurs de champignons, les ivrognes.
Pas même une étincelle dorée
Ne naît de ces reliques desséchées
Cette vision d’aveugles libératoire
Est le fruit empoussiéré de la mémoire,
Avec cette couleur sang ocré.
Un sommeil qui descend derrière les yeux
Entre le front et les tempes
Choses déjà broyées et pulvérisées,
Entrelacements de la forêt vierge,
Digérés par un animal posthistorique.
Sans la grâce des asphodèles,
Les grands cyprès sont éternellement noirs,
Ça vous suffit, comme condensé du monde ?
Et la violette va là, va là…
Tôles, transistors cassés, bouteilles, ordures,
Des enfants blancs, jaunes ou noirs,
Se battent pour un bout de verre ou une cigarette.
Tout est déjà outretombe,
Gorgones vieillies et pesantes,
Sirènes agonisant sur des rives gluantes,
Chômeurs qui racontent le passé,
Paladins sans croix, cavaliers
Descendus de leurs petits chevaux,
Hercules sans force, héros sans échafaud
Chimères peignées et amadouées,
Composts violets de sanies coagulées
De corps sur lesquels sont passées des armées.
Sans la grâce des asphodèles,
Les grands cyprès sont éternellement noirs,
Ça vous suffit, comme condensé du monde ?
Et la violette va là, va là…
Sous la Lune, sans couleur,
passe claudiquant un vagabond
Et un instant s’arrête pour reprendre souffle,
Ou parce qu’il a heurté une pierre,
Ou parce que des enfants qui sautent dans leurs carrés Magiques l’obligent à s’arrêter.
Et à cet instant, dans ce lieu sans visage,
Les choses sans avenir adviennent.
Depuis des milliers d’années,
Semblables à des pipistrelles qui pendent
Poussières poilues et repoussantes.
Au plafond de pierre d'une Domus de Jana,
Trains courants, tempêtes, inondations,
Tromperies, mélopées et sons,
Sans la grâce des asphodèles,
Les grands cyprès sont éternellement noirs,
Ça vous suffit, comme condensé du monde ?
Et la violette va là, va là…
De Rome emplie d’oiseaux
L’ordre de la clinique, de la prison,
De la caserne et de tous les Ordres,
Est d'une extraordinaire dureté.
Teresina parle de la Callas et de Pasolini.
Lucia me parle en piémontais
Pour exorciser les morts
Et la réalité vermillon.
Terre remuée et assez humide
Pour des lombrics et des généraux.
Chaque parole est fille de parole
Et mère d’une autre.
Sans la grâce des asphodèles,
Les grands cyprès sont éternellement noirs,
Ça vous suffit, comme condensé du monde ?
Et la violette va là, va là…
Les dimanches anciens sur les collines,
Où passaient les garçons, les couples,
Les ramasseurs de champignons, les ivrognes.
Pas même une étincelle dorée
Ne naît de ces reliques desséchées
Cette vision d’aveugles libératoire
Est le fruit empoussiéré de la mémoire,
Avec cette couleur sang ocré.
Un sommeil qui descend derrière les yeux
Entre le front et les tempes
Choses déjà broyées et pulvérisées,
Entrelacements de la forêt vierge,
Digérés par un animal posthistorique.
Sans la grâce des asphodèles,
Les grands cyprès sont éternellement noirs,
Ça vous suffit, comme condensé du monde ?
Et la violette va là, va là…
Tôles, transistors cassés, bouteilles, ordures,
Des enfants blancs, jaunes ou noirs,
Se battent pour un bout de verre ou une cigarette.
Tout est déjà outretombe,
Gorgones vieillies et pesantes,
Sirènes agonisant sur des rives gluantes,
Chômeurs qui racontent le passé,
Paladins sans croix, cavaliers
Descendus de leurs petits chevaux,
Hercules sans force, héros sans échafaud
Chimères peignées et amadouées,
Composts violets de sanies coagulées
De corps sur lesquels sont passées des armées.
Sans la grâce des asphodèles,
Les grands cyprès sont éternellement noirs,
Ça vous suffit, comme condensé du monde ?
Et la violette va là, va là…
Sous la Lune, sans couleur,
passe claudiquant un vagabond
Et un instant s’arrête pour reprendre souffle,
Ou parce qu’il a heurté une pierre,
Ou parce que des enfants qui sautent dans leurs carrés Magiques l’obligent à s’arrêter.
Et à cet instant, dans ce lieu sans visage,
Les choses sans avenir adviennent.
Depuis des milliers d’années,
Semblables à des pipistrelles qui pendent
Poussières poilues et repoussantes.
Au plafond de pierre d'une Domus de Jana,
Trains courants, tempêtes, inondations,
Tromperies, mélopées et sons,
Sans la grâce des asphodèles,
Les grands cyprès sont éternellement noirs,
Ça vous suffit, comme condensé du monde ?
Et la violette va là, va là…
Contributed by Marco Valdo M.I. - 2009/4/7 - 14:00
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Paroles et musique par Marco Valdo M.I.
Cycle du Cahier ligné – 4.
Et la violette va là, va là… est la quatrième canzone du cycle du Cahier ligné. Dans cet univers onirique, sur l'écran intérieur de l'aveugle, continuent à s'agiter les images revenues du néant ou du passé, ce qui est la même chose. Carlo Levi avait fait l'expérience directe des prisons fascistes (Le Nuove à Turin, Regina Coeli à Rome, Le Murate à Florence), des casernes, des hôpitaux et du confinement à Aliano en Lucanie. Il n'a jamais connu personnellement les Ordres... En toile de fond, on entend parler les sœurs, garde malades ou infirmières. Se mêlent passé et présent, l'enfance, des bribes de voyage et des images du monde. Ces matériaux qui gisent pêle-mêle dans le grand dépotoir mental où l'on va puiser pour penser le monde. Et cette antienne bouleversante :
« Sans la grâce des asphodèles,
Les grands cyprès sont éternellement noirs,
Ça vous suffit, comme condensé du monde ?
Et la violette va là, va là… »
Pour moi, ça va.
Tout comme me va bien, cette description de champ de bataille :
« Terre remuée et assez humide
pour des lombrics et des généraux. »
Ou encore ces
« Composts violets de sanies coagulées
De corps sur lesquels sont passées des armées. »
Il faut se rappeler que Carlo Levi était aussi peintre et , je me propose d'illustrer ces quelques vers de cette canzone leviane d'un de ses tableaux présentant justement un moment de guerre...
Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.