Ils étaient trois frères Ernest, Maurice et Armand
Ils étaient trois comme les mages d'Orient
Ils étaient trois comme les petits enfants
Qui s'en allaient glaner aux champs
Ils étaient nés avant mil neuf cent.
Le quartier, l'école, le fleuve, puis les bois
Les campagnes et les prés encore un peu au-delà.
L'enfance, l'adolescence s'étaient passées là.
Le temps d'apprendre à devenir malin.
Dans leur ville crasseuse et noire
La Meuse passait sous le pont de Seraing
Toute terrils, aciéries et laminoirs
Les fières demoiselles de magasin
Se tenaient droites derrière le comptoir
Fières, elles entendaient être comprises,
Elles y mettaient des formes, elles y mettaient des gants.
Elles résistaient voulant être conquises.
L'entreprise était lente, l'amour demandait du temps
Ils étaient trois frères Ernest, Maurice et Armand
Ils étaient nés avant mil neuf cent.
Le temps d'apprendre les techniques du feu et du fer
Voici la tornade qui s'abat, voici venir la guerre
C'était l'été, les blés chantaient
Le temps de l'amour bredouillait
Là-haut, les rapaces pacifiques planaient.
Au-dessus de la colline, en grand uniforme blanc
Un officier déboucha raide sur son cheval blanc
Dans les bois communaux, là-haut, un fusil claqua
L'Officier du Kaiser salit son uniforme blanc
De pétales d'une fleur au mitan
Tout comme les mûres, de rouge sang.
En quelques heures, les combats remplirent de corps
Les taillis des jeux adolescents.
Mais les forts cependant tenaient encore.
Dans sa colère, l'envahisseur détruisait la ville
Tuait les enfants, tous les gens, militaires ou civils.
Ils étaient trois frères Ernest, Maurice et Armand
Ils étaient nés avant mil neuf cent.
Les deux plus jeunes purent évacuer
Et s'en furent en Angleterre fabriquer
Des canons, des obus, des mortiers
Un seul, Armand, soldat, fut prisonnier
Ce fut une très longue captivité
Kriegsgefangene à Soltau dans le lager
Prisonnier de guerre, insulté, maltraité
Cinq ans de poux, cinq ans de misère
Cinq ans foutus en l'air, à glander
Une drôle de jeunesse à ne rien faire
À saboter, à résister, à rêver
À songer à la ville crasseuse et noire
À la Meuse qui passait sous le pont de Seraing.
Après cinq ans seule derrière son comptoir,
Sera-t-elle encore là la demoiselle de magasin ?
Me reconnaîtra-t-elle sur la place de Seraing ?
Ils étaient trois comme les mages d'Orient
Ils étaient trois comme les petits enfants
Qui s'en allaient glaner aux champs
Ils étaient nés avant mil neuf cent.
Le quartier, l'école, le fleuve, puis les bois
Les campagnes et les prés encore un peu au-delà.
L'enfance, l'adolescence s'étaient passées là.
Le temps d'apprendre à devenir malin.
Dans leur ville crasseuse et noire
La Meuse passait sous le pont de Seraing
Toute terrils, aciéries et laminoirs
Les fières demoiselles de magasin
Se tenaient droites derrière le comptoir
Fières, elles entendaient être comprises,
Elles y mettaient des formes, elles y mettaient des gants.
Elles résistaient voulant être conquises.
L'entreprise était lente, l'amour demandait du temps
Ils étaient trois frères Ernest, Maurice et Armand
Ils étaient nés avant mil neuf cent.
Le temps d'apprendre les techniques du feu et du fer
Voici la tornade qui s'abat, voici venir la guerre
C'était l'été, les blés chantaient
Le temps de l'amour bredouillait
Là-haut, les rapaces pacifiques planaient.
Au-dessus de la colline, en grand uniforme blanc
Un officier déboucha raide sur son cheval blanc
Dans les bois communaux, là-haut, un fusil claqua
L'Officier du Kaiser salit son uniforme blanc
De pétales d'une fleur au mitan
Tout comme les mûres, de rouge sang.
En quelques heures, les combats remplirent de corps
Les taillis des jeux adolescents.
Mais les forts cependant tenaient encore.
Dans sa colère, l'envahisseur détruisait la ville
Tuait les enfants, tous les gens, militaires ou civils.
Ils étaient trois frères Ernest, Maurice et Armand
Ils étaient nés avant mil neuf cent.
Les deux plus jeunes purent évacuer
Et s'en furent en Angleterre fabriquer
Des canons, des obus, des mortiers
Un seul, Armand, soldat, fut prisonnier
Ce fut une très longue captivité
Kriegsgefangene à Soltau dans le lager
Prisonnier de guerre, insulté, maltraité
Cinq ans de poux, cinq ans de misère
Cinq ans foutus en l'air, à glander
Une drôle de jeunesse à ne rien faire
À saboter, à résister, à rêver
À songer à la ville crasseuse et noire
À la Meuse qui passait sous le pont de Seraing.
Après cinq ans seule derrière son comptoir,
Sera-t-elle encore là la demoiselle de magasin ?
Me reconnaîtra-t-elle sur la place de Seraing ?
envoyé par Marco Valdo M.I. - 19/2/2009 - 23:36
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Chanson française – La Demoiselle de Magasin – Marco Valdo M.I. – 2009
On connaît (même si certains les nient, mais ce sont d'immenses crétins... ou de gigantesques salauds) les camps de prisonniers que les Allemands ont si industriellement développés à la Seconde Guerre Mondiale; on se souvient moins de ceux qu'ils avaient installés à la Première Guerre Mondiale. C'étaient – sans aller jusqu'à l'extermination volontaire et planifiée pratiquée par l'administration hitlérienne, sans pousser jusqu'aux raffinements nazis – c'étaient des camps de concentration assez effrayants. C'étaient des lagers, les modèles des suivants. On y avait des poux, on y mourrait de typhus, la tuberculose faisait des ravages, on y survivait affamé... On y pratiquait le travail obligatoire, la schlague et autres techniques de persuasion. Cette canzone raconte l'histoire du soldat Armand arrêté le premier jour de combat – le 4 août 1914 sur les hauteurs de Seraing, cité industrielle proche de Liège et qui revînt à Seraing en 1919 après un séjour prolongé dans divers camps, dont le lager de Soltau.
Né peu après 1890, Armand avait vingt ans et courtisait une demoiselle de magasin, qui œuvrait dans une belle boutique de la place de Seraing; ils allaient se fiancer d'abord et plus tard, après le délai de convenance, ils allaient se marier. Au fait, pour la petite histoire, elle s'appelait Lucie. On était à l'été 1914... Il avait l'âge, on le mobilisa. Il en revînt tuberculeux; il en réchappa. Il avait une sacrée chance : derrière son comptoir, la demoiselle était toujours là. On sait que ce ne fut pas toujours le cas.
Heureusement qu'Armand retrouva Lucie, sinon, cette canzone n'existerait pas.