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Les Chaussettes roses

Marco Valdo M.I.
Language: French




Grand-Mère annonce : les filles de Perse
Vivent en deuil, le cœur en perce.
Des anges barbus et noirs les bercent
D’injonctions perverses.
Les martyrs héroïques couverts de roses
Étouffent nos vies, volent nos destins,
Nous sommes de toutes petites choses.
Nos mémoires équarries, nos émois clandestins,
Notre souffle, nos rires indisposent.
Les guerres, elles, tuent en un instant,
Nous sommes à vie des morts-vivants.
Que pensez-vous de nos chaussettes roses ?

Rien de pire, dit le trouvère
Qu’un univers totalitaire.
Vaut mieux se cacher, se taire,
Marcher les pieds de travers.
Respirer précautionneusement
À petits coups l’air ambiant.
Il n’y a aucun mérite
À participer aux réunions,
Accompagner la foule aux exécutions,
Accomplir les rituels et les rites,
À être, malgré soi, complices
Des interrogatoires, des procès, des supplices.

C’est pour avoir refusé tout ça, dit le trouvère
Qu’on m’a jeté à terre
Et je ne pourrai revenir en arrière
Sans renier ma vie entière.
Je n’aime pas la trahison,
Je ne pourrais plus me regarder.
On m’a chassé de ma maison
Et je ne peux y retourner
Jouer un rôle d’étranger
Dans mon vieux costume étriqué.
Mon passé me pousse dans les reins
Hors des grands chemins.

Le soldat dit : là-bas, sur place,
La guerre est d’un ennui mortel.
La tranchée n’a rien d’un hôtel,
Encore moins d’un palace.
C’est un trou au milieu de nulle part.
Dans la brume d’un monde à part,
Courbés, à genoux, debout,
On passe nos jours dans la boue.
Où s’en vont nos pensées ?
Au loin, comme les oies cendrées,
Elles fuient les tirs meurtriers
Sans jamais se retourner.



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