Oui, dit le trouvère, j’avoue
J’ai écrit, j’ai été écrivain.
Au début, tout allait bien.
On ne me traînait pas dans la boue,
Je contais la vie, le quotidien,
Les riens, les petits événements
De personnages insignifiants,
De silhouettes, de pantins.
Avec mon clown sénile grimaçant
Sur la scène de l’Histoire
Ont commencé mes déboires.
Ils ont reconnu le Guide, immédiatement.
À la récréation, l’enfant raconte
Des histoires anodines en riant
Du vieux clown titubant.
Elle ne sait rien des contes
Et des légendes de Zinovie,
Elle ignore les chants d’honneur.
Et les poèmes à réciter par cœur
À la gloire du Guide et de la patrie.
L’institutrice accuse la famille,
La mauvaise influence des parents.
L’école s’efforce d’écarter la fille
De ce milieu familial débilitant.
De l’école, l’enfant est rentrée en pleurant.
Sous sa robe et son foulard sombres,
Ses yeux cachaient une ombre,
Quelque chose de terrifiant.
La directrice avait fait fouiller
Les cartables, les vêtements.
On avait pris leurs bracelets d’amitié,
Confisqué leurs livres, leurs romans.
On les avait fouillées au corps.
On avait emmené la nouvelle dehors.
On lui avait coupé les ongles trop à ras.
La fille saignait et punie, elle pleura.
En Perse, on connaît tous les bonheurs
Grâce à Dieu et ses censeurs.
Transgresser en secret leur Loi.
Un vrai festin de rois,
Plaisir pur, joie sauvage,
Repas coupable des dieux,
Ah, le clandestin croque-monsieur
Le sandwich jambon-fromage,
Rire entre copines et copains,
Manger des glaces à deux,
Tomber follement amoureux,
Marcher en se tenant la main.
J’ai écrit, j’ai été écrivain.
Au début, tout allait bien.
On ne me traînait pas dans la boue,
Je contais la vie, le quotidien,
Les riens, les petits événements
De personnages insignifiants,
De silhouettes, de pantins.
Avec mon clown sénile grimaçant
Sur la scène de l’Histoire
Ont commencé mes déboires.
Ils ont reconnu le Guide, immédiatement.
À la récréation, l’enfant raconte
Des histoires anodines en riant
Du vieux clown titubant.
Elle ne sait rien des contes
Et des légendes de Zinovie,
Elle ignore les chants d’honneur.
Et les poèmes à réciter par cœur
À la gloire du Guide et de la patrie.
L’institutrice accuse la famille,
La mauvaise influence des parents.
L’école s’efforce d’écarter la fille
De ce milieu familial débilitant.
De l’école, l’enfant est rentrée en pleurant.
Sous sa robe et son foulard sombres,
Ses yeux cachaient une ombre,
Quelque chose de terrifiant.
La directrice avait fait fouiller
Les cartables, les vêtements.
On avait pris leurs bracelets d’amitié,
Confisqué leurs livres, leurs romans.
On les avait fouillées au corps.
On avait emmené la nouvelle dehors.
On lui avait coupé les ongles trop à ras.
La fille saignait et punie, elle pleura.
En Perse, on connaît tous les bonheurs
Grâce à Dieu et ses censeurs.
Transgresser en secret leur Loi.
Un vrai festin de rois,
Plaisir pur, joie sauvage,
Repas coupable des dieux,
Ah, le clandestin croque-monsieur
Le sandwich jambon-fromage,
Rire entre copines et copains,
Manger des glaces à deux,
Tomber follement amoureux,
Marcher en se tenant la main.
Contributed by Marco Valdo M.I. - 2023/10/27 - 16:07
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Chanson française — Le Clown sénile — Marco Valdo M.I. — 2023
LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.
Épisode 165
Sergey Yackovlevich Dunchev - 1950
Cette fois, Lucien l’âne mon ami, la canzone nous laisse entrevoir une partie du passé du trouvère, personnage central de ce monde où nous voyageons depuis bientôt deux ans ; elle fait entendre d’où est venue sa pratique d’aède errant. Ainsi, au début, il avait commencé à écrire sans trop savoir où son pendant pour l’écriture l’emmènerait. Il voulait juste, comme il l’avoue ici, être écrivain. Il faut évidemment souligner toute l’ironie qu’il y a dans cette manière de dire qui est celle qu’exige tout juge d’un accusé contre son gré.
Je sais, dit Lucien l’âne, car je commence à voir quelle sorte de pays est la Zinovie. Et puis, de toute façon, je trouve qu’être écrivain est une ambition plutôt honorable. Enfin, tout dépend de ce qu’on écrit, de ce qu’on fait de ce métier. Il en est qui asservissent leur plume. Ainsi, il en va des écrivains comme des autres gens ; la boussole est l’éthique universelle.
Exactement, répond Marco Valdo M.I., et notre écrivain, malgré la banalité des choses qu’il rapportait et leur insignifiance, malgré qu’il se tenait ainsi à l’écart des affaires politiques et des critiques ouvertes de l’État et de ses dirigeants, fut mis au ban à partir du moment où un de ses pantins – « le clown sénile grinçant sur la scène de l’Histoire » – fut repéré par les Services comme étant l’incarnation du Guide et de ce fait, tout pantin innocent qu’il fut, dénoncé figure subversive et ennemie de l’État.
« Avec mon clown sénile grimaçant
Sur la scène de l’Histoire
Ont commencé mes déboires.
Ils ont reconnu le Guide, immédiatement. »
C’est en effet une interprétation possible, dit Lucien l’âne en riant. Comment a-t-il pu ne pas se rendre compte du danger qu’il y avait à mettre en scène un tel clown ?
D’abord, les Services n’étaient pas si idiots, dit Marco Valdo M.I., le « clown sénile » est bien entendu le Guide. Il n’est pas dit dans la chanson que l’écrivain ne se rendait pas compte de ce que son clown représentait comme danger, mais pour ce que j’en sais, la réalité est qu’on volait ses manuscrits au fur et à mesure, qu’on les photocopiait et qu’on les remettait à leur place, de sorte que l’écrivain ne savait pas qu’ils savaient ou faisait semblant de ne pas savoir en pensant que tant qu’il ne publierait pas ses textes à propos du « clown sénile » ou d’autres du genre, il ne pouvaient rien lui reprocher. On ne lui a même pas laissé le temps de le publier ; on a fait comprendre à l’écrivain certaines choses qui l’ont incité à disparaître et à se réfugier dans la peau d’un trouvère itinérant, personnage mouvant et insaisissable.
Oui, dit Lucien l’âne, insaisissable, mouvant et dont la voix isolé est condamnée à se perdre parmi les multiples voix du brouhaha quotidien. Aussi intéressante et critique qu’elle soit, la voix du trouvère ne touche que quelques personnes et on peut aisément suivre sa trace et interrompre son parcours. D’un autre côté, s’il fallait arrêter tous les gens qui brocardent le Guide et les dirigeants …
On lui a donc laissé une certaine latitude, poursuit Marco Valdo M.I. ; quant à ses déboires, ils ne sont pas précisés par la chanson. On sait déjà qu’il a perdu son emploi et qu’il est errant. Toutefois, il raconte ce qu’on a fait à sa fille – une petite gamine qui entre à l’école primaire – quand l’institutrice s’en aperçue que l’enfant n’était pas conforme aux exigences réglementaires.
« L’institutrice accuse la famille,
La mauvaise influence des parents.
L’école s’efforce d’écarter la fille
De ce milieu familial débilitant. »
C’est terrible, dit Lucien l’âne, ces systèmes et ces régimes et bien entendu, ces écoles qui veulent caporaliser les enfants pour les embrigader à vie. Depuis que je parcours le monde, j’ai acquis la conviction que c’est ainsi que font les religions, les nations et les partis ; il s’agit de coloniser l’enfance.
Oui, dit Marco Valdo M.I., de leur point de vue, le monde doit être uniforme et conforme. C’est la logique de l’élevage du troupeau, c’est une logique de berger. On élève, on surveille, on dresse, on conduit et on encadre de chiens de garde. La fin de la chanson montre que la même ambiance totalitaire et inquisitoriale s’appesantit sur les écolières de Perse auxquelles il convient d’inculquer la Loi, en l’occurrence celle édictée par le Guide suprême pour le compte du Prophète et d’instaurer un monde de suspicion et de terreur. Pour conclure, je signale que l’avant-dernière strophe est tout à fait ironique et montre comment la résistance secrète se développe dans et par la transgression de la Loi, y compris dans ses plus infimes et ridicules détails.
Voyons ça, dit Lucien l’âne, dans la canzone elle-même, car on ne peut tout décortiquer ici. Il vaut mieux laisser chanter le langage poétique de la chanson. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde moutonnier, oppressif, oppressant, absurde, religieux (La peste soit des religions et des religieux !) et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Tous les épisodes précédents sont accessibles ici :
LA ZINOVIE
Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l'État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ; Épisode 64 : Que faire ? ; Épisode 65 : Ni chaud, ni froid ; Épisode 66 : Le Congé éternel ; Épisode 67 : À perdre la Raison ; Épisode 68 : Les Sauveurs de l’Humanité ; Épisode 69 : L’Eau qui dort ; Épisode 70 : Le Régime en Place ; Épisode 71 : Un Conflit avec l’Étranger ; Épisode 72 : Petit Manuel de Survie ; Épisode 73 : La Banalité ; Épisode 74 : La Ligne de Conduite ; Épisode 75 : Les Femmes de Zinovie ; Épisode 76 : La Légende ; Épisode 77 : Le Devoir sacré ; Épisode 78 : Les nouveaux Soldats ; Épisode 79 : Bruit de Fond ; Épisode 80 : Une résistible Ascension ; Épisode 81 : La Zone interdite ; Épisode 82 : Les Pommes ; Épisode 83 : La Normalité ; Épisode 84 : L’Autorisation ; Épisode 85 : L’Exclusion ; Épisode 86 : Quelle Affaire ? ; Épisode 87 : Le Vase vide ; Épisode 88 : Introspection ; Épisode 89 : Le Pays gris ; Épisode 90 : Tout un Style ; Épisode 91 : L’État unique ; Épisode 92 : Le Veilleur de Nuit ; Épisode 93 : Le Questionnaire ; Épisode 94 : Le Roi des Rats ; Épisode 95 : Si tu veux la Paix ; Épisode 96 : Les Vieilles et la Guerre ; Épisode 97 : L’Étoile filante ; Épisode 98 : La Guerre nécessaire ; Épisode 99 : Les Méditations ; Épisode 100 : La Guerre des Boutons ; Épisode 101 : Hurler avec les Loups ; Épisode 102 : Les Cantines éternelles ; Épisode 103 : L’Homme debout ; Épisode 104 : Les Nouveaux Cerisiers ; Épisode 105 : La Logique du Soldat Mort ; Épisode 106 : Les Fuites ; Épisode 107 : Les Ratures ; Épisode 108 : Les Lombrics philosophiques ; Épisode 109 : Les Réservistes ; Épisode 110 : La Logique de la Paix ; Épisode 111 : Le Citoyen et le Régime ; Épisode 112 : Les Ennemis extérieurs ; Épisode 113 : L’Oiseau de Feu ; Épisode 114 : Le Rêve du Guide ; Épisode 115 : Le Bourbier atomique ; Épisode 116 : L'Exilé ; Épisode 117 : La Journée ordinaire ; Épisode 118 : Les Commandeurs ; Épisode 119 : Sainte et Martyre ; Épisode 120 : La Patrie en Danger ; Épisode 121 : Les Églantiers sauvages ; Épisode 122 : Le Temps restant ; Épisode 123 : L’Invincible Armée ; Épisode 124 : L’Explorateur ; Épisode 125 : La Mémoire ; Épisode 126 : Souvenirs du Vieux Temps ; Épisode 127 : La Pauvreté chaleureuse ; Épisode 128 : Du Village à la Ville ; Épisode 129 : À l’École de la Capitale ; Épisode 130 : Le meilleur Élève ; Épisode 131 : Le Rire doux ; Épisode 132 : Les belles Jambes ; Épisode 133 : La Guerre et la Paix ; Épisode 134 : Le Moyen Âge ; Épisode 135 : Roman ; Épisode 136 : L’Aventure guerrière ; Épisode 137 : L’Âme de la Guerre ; Épisode 138 : Les Illusions perdues ; Épisode 139 : Contes et Mécomptes ; Épisode 140 : Les Apories ; Épisode 141 : Les Bâtisseurs de l’Avenir radieux ; Épisode 142 : Les Écrevisses ; Épisode 143 : La Fin des Ascèses ; Épisode 144 : En aparté ; Épisode 145 : Le beau Voyage ; Épisode 146 : La Marche de l’Histoire ; Épisode 147 : Les Morts froids ; Épisode 148 : L’Industrie de la Guerre ; Épisode 149 : Les Fruits mûrissent ; Épisode 150 : Les Faux Pas ; Épisode 151 : Les Soldats ; Épisode 152 : Les Mamelles de la Guerre ; Épisode 153 : Le Trouvère ; Épisode 154 : Les Pillards ; Épisode 155 : La sainte Reddition ; Épisode 156 : Amiral, on coule ; Épisode 157 : L’Art naïf ; Épisode 158 : Les Filles de là-bas ; Épisode 159 : Les Oies cendrées ; Épisode 160 : Les Grondements ; Épisode 161 : L’État de Guerre ; Épisode 162 : Comme autrefois ; Épisode 163 : Traîtres à la Nation ; Épisode 164 : Les Journalistes