Le meilleur Élève

Dialogue Maïeutique



Aujourd’hui, Lucien l’âne mon ami, notre voyage en Zinovie continue une fois encore avec le monologue du trouvère, lequel comme sans doute tu le sais, est un aède du nord.

C’est ce que j’imaginais, dit Lucien l’âne, et que raconte-t-il ? La dernière fois, si je me souviens bien, il était arrivé dans la capitale où il avait rejoint son père et son frère et vivait avec eux et vingt autres personnes dans une cave. Ensuite, il était allé à l’école de la capitale en évitant de courir les rues et de s’inféoder à l’une ou l’autre bandes errantes. Je me souviens aussi de son plaidoyer pour l’école, indiquant qu’elle l’avait si bien aidé et qu’elle lui avait donné tant.

Eh bien, cette fois, Lucien l’âne mon ami, il reparle de l’école, mais vue sous la silhouette de l’élève modèle — ce qu’il n’était assurément pas lui-même, même s’il s’en sortait plutôt bien — et sous l’angle de la profonde discrimination sociale qui s’installait au profit des enfants de la classe supérieure (les dirigeants), née de la révolution. Il se voit offrir, malgré ses capacités intellectuelles, une carrière d’ouvrier.

Une carrière d’ouvrier ?, dit Lucien l’âne. Cette proposition ainsi formulée me paraît assez ironique.

Elle l’est évidemment, reprend Marco Valdo M.I.; cette distance, introduite par l’ironie, sert à mettre en exergue l’opposition qui se fait jour entre les idéaux de la révolution et les ambitions du pouvoir :

« L’école enseignait une merveilleuse ronde,
Des idées, des principes moraux élevés ;
Le pouvoir envisageait le meilleur des mondes. »

et la conséquente politique de répression s’installe.

On dirait, soupire Lucien l’âne, la confrontation du rêve et de la réalité de l’Histoire. Il est de ces réveils épouvantables, difficiles à encaisser.

Certainement, reprend Marco Valdo M.I., et je voudrais souligne la petite coquetterie du trouvère qui illustre son propos de deux ou trois références à certains de ses prédécesseurs, dont Jean-Roger Caussimon qui commençait sa chanson Monsieur William : « C’était vraiment un employé modèle… », ici parodié en : « C’était vraiment un élève modèle… »; ensuite, l’allusion à Bruxelles de Jacques Brel en reprenant le « C’était au temps où », mais en beaucoup plus acerbe.

« C’était au temps où le Grand Guide régnait,
La surveillance était terrible, on se taisait.
C’était au temps où les têtes tombaient.
La vie était pénible, on se terrait. »

Et enfin, le « vent mauvais » qui emporte, tiré lui de La Chanson d’Automne de Paul Verlaine.

Holà, dit Lucien l’âne, restons-en là et tissons le linceul de ce vieux monde injuste, pénible, terrible, terrorisé et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane