En Zinovie, le guide nous éclaire.
Tout l’art doit être populaire.
L’œuvre commune, l’enfant de la nation,
La création est affaire de tradition,
L’art est patrimonial et folklorique :
Cuillères, tasses, objets en bois peint ;
Broderies et foulards « faits main » ;
Poupées-gigognes, chansons historiques,
Sagas, légendes et bylines rimées
Par de vieilles femmes inventées.
Tout l’art populaire est sacré,
C’est le cœur du peuple incarné.
En Zinovie, les gars et les filles un jour
Perdent distraitement leur virginité ;
Loin dans les temps passés, suranné,
A-t-il jamais existé ce premier amour ?
L’amour, le roman, les vrais béguins,
Les joies, les tendresses, les chagrins,
Ici, les gens vivent les sentiments plus tard.
La petite voisine est enceinte, chose regrettable.
Où trouver un mari convenable ?
Il faut régler ça sans retard.
Sinon, elle va se pendre, elle va se noyer.
Déjà marié, il lui disait que c’était sans danger.
L’autre jour, j’avais des amis en soirée.
On m’a dénoncé. La milice a débarqué.
Les agents ont exigé les papiers.
Ils ont tout noté. Ma soirée était gâchée.
Derrière mon dos, sous mes pieds, autour de moi,
Il y a quelque chose de gluant, de pourri, de retors.
Ce que c’est, je ne sais pas. On veut me faire du tort.
Qui c’est ? Et pourquoi ? Et pourquoi moi ?
Les amis sont repartis immédiatement.
Depuis, un juge d’instruction m’a convoqué,
Il dit : il faut purger le pays des dissidents.
Dix heures durant, il m’a interrogé.
En Zinovie, il est facile à présent
D’être courageux et intelligent ;
À l’époque, celle de la gloire d’antan,
On suivait l’esprit du temps,
Marche triomphale, révolution grandiose,
On ne posait pas de questions.
Cinq ans au camp, ce n’était pas grand-chose.
À présent, avec l’évolution,
On nie les disparitions, on dément ;
Cependant, on y colle les gens comme avant.
C’est juste une question de prix
Pour vivre tranquille sa vie ici.
Tout l’art doit être populaire.
L’œuvre commune, l’enfant de la nation,
La création est affaire de tradition,
L’art est patrimonial et folklorique :
Cuillères, tasses, objets en bois peint ;
Broderies et foulards « faits main » ;
Poupées-gigognes, chansons historiques,
Sagas, légendes et bylines rimées
Par de vieilles femmes inventées.
Tout l’art populaire est sacré,
C’est le cœur du peuple incarné.
En Zinovie, les gars et les filles un jour
Perdent distraitement leur virginité ;
Loin dans les temps passés, suranné,
A-t-il jamais existé ce premier amour ?
L’amour, le roman, les vrais béguins,
Les joies, les tendresses, les chagrins,
Ici, les gens vivent les sentiments plus tard.
La petite voisine est enceinte, chose regrettable.
Où trouver un mari convenable ?
Il faut régler ça sans retard.
Sinon, elle va se pendre, elle va se noyer.
Déjà marié, il lui disait que c’était sans danger.
L’autre jour, j’avais des amis en soirée.
On m’a dénoncé. La milice a débarqué.
Les agents ont exigé les papiers.
Ils ont tout noté. Ma soirée était gâchée.
Derrière mon dos, sous mes pieds, autour de moi,
Il y a quelque chose de gluant, de pourri, de retors.
Ce que c’est, je ne sais pas. On veut me faire du tort.
Qui c’est ? Et pourquoi ? Et pourquoi moi ?
Les amis sont repartis immédiatement.
Depuis, un juge d’instruction m’a convoqué,
Il dit : il faut purger le pays des dissidents.
Dix heures durant, il m’a interrogé.
En Zinovie, il est facile à présent
D’être courageux et intelligent ;
À l’époque, celle de la gloire d’antan,
On suivait l’esprit du temps,
Marche triomphale, révolution grandiose,
On ne posait pas de questions.
Cinq ans au camp, ce n’était pas grand-chose.
À présent, avec l’évolution,
On nie les disparitions, on dément ;
Cependant, on y colle les gens comme avant.
C’est juste une question de prix
Pour vivre tranquille sa vie ici.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 12/1/2022 - 18:51
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Chanson française – Jours tranquilles au Pays – Marco Valdo M.I. – 2022
LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.
Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens
Épisode 16
Jours tranquilles au pays, dit Lucien l’âne, c’est là un beau titre et j’ai comme l’impression de l’avoir déjà vu.
Pas étonnant, Lucien l’âne mon ami, que tu aies une impression de déjà-vu, car il s’inspire directement et à raison du titre d’un célèbre roman d’un voyageur, roman dont le titre est « Jours tranquilles à Clichy », écrit par l’exilé étazunien Henry Miller, qui disait de ce long passage à Paris : « Quand je repense à Clichy, j’ai le souvenir d’un petit séjour au paradis. », propos que je ne peux m’empêcher de raccrocher à la quatrième étape de ce voyage en Zinovie, que j’avais intitulée : « Le Paradis sur Terre ». Évidemment, ce sont des paradis très différents.
Je m’en doute, dit Lucien l’âne. Pour moi, j’ai l’idée que ça n’a rien à voir. Cependant, parle-moi maintenant de ces jours tranquilles en Zinovie.
On y parle, répond Marco Valdo M.I. ; au fait, ce « on » est vraiment le mot qui convient, précis, impersonnel et anonyme, qui sous ses deux lettres se fait l’écho de toutes sortes d’interlocuteurs zinoviens ; par ailleurs, ce « on » est sans doute un des plus grands acteurs de la vie zinovienne, mais j’y reviendrai un peu plus tard. Dans ce voyage en Zinovie, on entend tout un charivari qui vise probablement les guides et autres responsables du pays et pas seulement ceux d’hier ou d’avant-hier. D’abord, il faut préciser que le guide est une institution très ancienne en Zinovie ; elle remonte à la nuit des temps, quand la Zinovie n’était encore qu’un embryon de ce gigantesque pays qu’elle est devenue au fil des temps. Le guide en lui-même est une figure centrale de toute configuration de groupe en Zinovie ; il surgit spontanément dans tout agglomérat humain en voie de stabilisation. Ainsi, il y a en haut de la pyramide zinovienne « Le Guide » et depuis la révolution grandiose, il y en a eu une kyrielle ; celui-là, on le dit le guide suprême ; c’est le guide des guides, qui eux-mêmes, vraies poupées gigognes, sont les guides de multitudes de guides de moins en moins suprêmes, mais qui toujours incarnent Le Guide, incarnation suprême du peuple. En gros, cette Zinovie a cent ans ; c’est elle qui se révèle aux voyageurs. Considérons donc ce voyage comme une exploration, notons en les échos et laissons dire les chansons.
Eh, dit Lucien l’âne, on dirait que tu as oublié que tu m’as promis de me parler du « on » et de son rôle apparemment essentiel en Zinovie.
Juste, répond Marco Valdo M.I. ; il me faut m’exécuter. Donc, le « on » apparaît dans la troisième strophe :
Ce que c’est, je ne sais pas. On veut me faire du tort. »
et dans la quatrième également :
On suivait l’esprit du temps,
Marche triomphale, révolution grandiose,
On ne posait pas de questions.
Cinq ans au camp, ce n’était pas grand-chose.
À présent, avec l’évolution,
On nie les disparitions, on dément ;
Cependant, on y colle les gens comme avant. »
Il s’agit bien de « on » sans pourtant être les mêmes. Le « on » est protéiforme. On trouve ici seulement certaines de ses personnifications, car il en a beaucoup d’autres. Il y en a de trois sortes ici :
— le premier « on », celui de « On veut me faire du tort », c’est une entité mystérieuse, faite d’ombres cachées et fuyantes, ce sont des « on » honteux ;
— le second, c’est le « on » collectif, celui qui dit : « On suivait l’esprit du temps / On ne posait pas de questions » ; il rapporte l’avis commun d’un grand nombre et qui protège les gens de l’avoir exprimé.
— le troisième, est très évident, il aime à faire planer son ombre sur la société et il aurait plutôt tendance à faire fuir – c’est le « on » dominateur, imbus de sa puissance. C’est le « on » qui nie les disparitions, qui dément, qui colle les gens dans les « y » de on y colle. Les « y », ce sont les prisons, les camps, les institutions psychiatriques (Mémorial : https://youtu.be/oY5HBV8PPjw)
Oui, dit Lucien l’âne, mais allez saisir le « on », toujours il s’échappe et c’est sa raison d’être à cet être Potemkine. Quant à nous, tissons le linceul de ce vieux monde intranquille, populaire, regrettable, triomphal, grandiose et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane