Karel Pelant est du Parti.
Son seul nom effraie dans le pays
Les abonnées à La Croix ou à Marie.
Les vieilles se signent et prient
Pour son âme d’athée et de bandit.
Ce mécréant ne croit pas en Dieu, il l’écrit,
Il le dit, il le proclame urbi et orbi.
Sa bête noire est l’Église catholique,
Contre elle, sans cesse, il polémique.
Il l’invective sans répit, elle le maudit.
Karel Pelant, demain, ira en Amérique
Prêcher aux Indiens baptisés
Le refus de ce Dieu venu de l’étranger
Et l’abandon de sa croix totémique.
À Prague, en attendant,
Il marche en tête fièrement
Du grand cortège libre-penseur
Défilant bannières au vent.
Tous sont de bonne humeur.
Ce le premier jour de mai, c’est le printemps.
Par quatre cents policiers encadrée,
Venant d’une autre allée,
En toute chrétienne innocence,
De vieilles, de vieux, d’enfants de chœur,
Chantant : « Nous te louons, Seigneur ! »,
Une religieuse procession s’avance :
C’est l’archevêque qu’on honore
D’ostensoirs et d’oriflammes multicolores.
Tous vont dans le même sens,
Rien encore ne trouble les consciences.
Voici une troupe encore qui s’en va en ville,
Des femmes, des hommes, au moins trente mille.
Sous les banderoles et les drapeaux rouges,
Tout un peuple remue et bouge.
Voici les socialistes, voici les anarchistes.
Ils scandent « À bas la calotte ! »
Et toutes sortes d’hymnes antipapistes.
Soudain, les foules s’emberlificotent
Et les bondieusards pieux prient Dieu
Et tremblent parmi les banlieusards tumultueux.
Son seul nom effraie dans le pays
Les abonnées à La Croix ou à Marie.
Les vieilles se signent et prient
Pour son âme d’athée et de bandit.
Ce mécréant ne croit pas en Dieu, il l’écrit,
Il le dit, il le proclame urbi et orbi.
Sa bête noire est l’Église catholique,
Contre elle, sans cesse, il polémique.
Il l’invective sans répit, elle le maudit.
Karel Pelant, demain, ira en Amérique
Prêcher aux Indiens baptisés
Le refus de ce Dieu venu de l’étranger
Et l’abandon de sa croix totémique.
À Prague, en attendant,
Il marche en tête fièrement
Du grand cortège libre-penseur
Défilant bannières au vent.
Tous sont de bonne humeur.
Ce le premier jour de mai, c’est le printemps.
Par quatre cents policiers encadrée,
Venant d’une autre allée,
En toute chrétienne innocence,
De vieilles, de vieux, d’enfants de chœur,
Chantant : « Nous te louons, Seigneur ! »,
Une religieuse procession s’avance :
C’est l’archevêque qu’on honore
D’ostensoirs et d’oriflammes multicolores.
Tous vont dans le même sens,
Rien encore ne trouble les consciences.
Voici une troupe encore qui s’en va en ville,
Des femmes, des hommes, au moins trente mille.
Sous les banderoles et les drapeaux rouges,
Tout un peuple remue et bouge.
Voici les socialistes, voici les anarchistes.
Ils scandent « À bas la calotte ! »
Et toutes sortes d’hymnes antipapistes.
Soudain, les foules s’emberlificotent
Et les bondieusards pieux prient Dieu
Et tremblent parmi les banlieusards tumultueux.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 28/10/2021 - 19:18
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Chanson française – La Manifestation de Prague – Marco Valdo M.I. – 2021
Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.
Épisode 16
Oh, dit Lucien l’âne, la manifestation de Prague. Qu’est-ce ? Laquelle ? Car ce ne doit pas être la seule manifestation qu’il y ait eu à Prague et je me demande ce qui justifie cette formulation et ce que cette manifestation peut avoir de particulier. Il y a eu des tas de manifestations à Prague et même, c’est le seul endroit au monde où il y a eu trois défenestrations – au moins.
Certes, Lucien l’âne mon ami, mais ce n’est pas pareil. Comme la chanson le raconte, il s’agit d’un événement très original et qui n’est pas près de se répéter – à Prague ou ailleurs.
Quoi ? Quel est ce mystère ?, s’étonne Lucien l’âne. Une manifestation ?, mais il n’y a rien là de bien original ; il y en a des milliers – sinon plus, chaque année de par le monde. Ce n’est pas non plus la seule chanson à raconter une manifestation. Par exemple, on en parlait pas plus tard que hier quand on dialoguait maïeutiquement de la chanson « Le grand métingue du Métropolitain ».
C’est exact, répond Marco Valdo M.I., et je m’en vais te dévoiler le mystère de cette manifestation véritablement exceptionnelle, qui l’est d’ailleurs à plusieurs titres. D’abord, quand tu sauras de quoi il s’agit exactement, il te suffira de l’imaginer aujourd’hui à Rome pour en comprendre toute la particulière dimension. Ensuite, je te prie de noter qu’il ne s’agit pas d’une manifestation du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi.
Mais alors, s’étonne Lucien l’âne, que vient-elle faire ici dans l’histoire du P.P.M.L.L. ?
Eh bien, Lucien l’âne mon ami, elle est consacrée à un membre du Parti, dénommé Karel Penant, lequel a réellement existé, comme d’autres membres du Parti et d’autres personnages qui paraissent dans cette histoire, à commencer par Jaroslav Hašek. D’ailleurs, pour ce que j’en sais, ce qu’en dit la chanson est globalement exact. Voici ce que j’ai pu rassembler comme information biographique (en espéranto) à son sujet : Karel Penant (1874-1925), journaliste tchèque, espérantiste, libre-penseur, athée, pamphlétiste anticlérical et antibourgeois (un ancêtre de Jacques Brel : Les Bourgeois), traducteur anglais et français vers la langue tchèque et l’espéranto.
Bien, dit Lucien Lane, Karel Penant est membre du P.P.M.L.L. et ça nous mène où ?
À la manifestation, justement, répond Marco Valdo M.I. en riant. En tête du cortège des libres-penseurs où marche Karel Penant. Déjà, en soi, une manifestation de libres-penseurs avec drapeaux, bannières, etc., c’est un événement remarquable, exceptionnel ; mais l’affaire se corse quand la manifestation s’augmente d’une procession catholique en l’honneur de l’archevêque, escortée de 400 policiers, et qui se dirige vers la même place Wenceslas par le même boulevard en chantant des hymnes religieux tandis que les mécréants entament en chœur « À bas la calotte ! ».
Ça, dit Lucien l’âne, ce devait être quelque chose, un fameux spectacle ; je l’admets.
Et ce n’est pas tout, reprend Marco Valdo M.I., car débouche sur la même avenue la manifestation du Premier Mai et, ses drapeaux rouges, ses fanfares et ses 30.000 socialistes, qui se joignent aux athées et englobent la procession. C’est ainsi que cette manifestation composite finit sur le grand-place pour saluer l’archevêque de « Louons le Seigneur ! » et d’« À bas la calotte ! »
Le saint homme a dû être un peu surpris, dit Lucien l’âne. Mais soit, je te l’accorde, cette manifestation de Prague était vraiment un moment original et ma foi, réjouissant, digne des frères Marx et des Monty Python. Il ne reste plus à toute cette bande de bigotes et d’anticléricaux qu’à chanter en chœur « Always Look on the Bright Side of Life » ; quant à nous, tissons le linceul de ce vieux monde trop religieux, trop crédule, trop croyant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane