Dans la grande école de la vie, le politique
Doit apprendre à berner les citoyens.
Il faut savoir se salir les mains,
Car tout n’est pas propre en politique.
Dans les tavernes, le politique sourit
À l’électeur, le salue et lui dit
Son très vif intérêt en deux mots
Et pressé, s’en va vers d’autres pots.
Comme citoyen, au bistrot, ce qui plaît
Au politique, c’est qu’on lui foute la paix.
Avant de créer le Parti, j’ai appris la vie
À la grande école de la tromperie,
Comme rédacteur au Monde des Animaux,
Là, on vit de l’innocence des animaux
On vit là de la crédulité des gens.
Le patron criait, mentait, faisait semblant ;
En politique, le patron serait au moins député.
Le patron est mort, il faut en dire du bien.
Le patron me considérait comme un chien,
Moi, je considérais le patron comme un âne bâté.
Le Monde des Animaux est très populaire,
Il ne contient rien d’extraordinaire.
Tout est découpé de journaux étrangers,
Sauf les animaux rares qu’on a inventés.
C’est le magazine national unique.
Au Monde des Animaux, on dupait la terre entière.
On écrivait l’histoire des chiens prolétaires
Crevant de faim, battus, faméliques.
Sa devise : « Dis toujours du bien de toi ! »
Est celle du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi.
À propos d’animaux rares,
Le parti avait trois ailes.
Dans chacune d’elles, on savait boire.
La première au restaurant La Chandelle
Pratiquait la gastronomie politique
Et sirotait les alcools, les spiritueux et les vins.
On y vit le procureur de la future république.
Au Café Slave, la seconde entonnait les bières sans faim.
Au Litre d’Or, chez la troisième, en une puissante unité
Confluaient les trois courants en une convaincante ébriété.
Doit apprendre à berner les citoyens.
Il faut savoir se salir les mains,
Car tout n’est pas propre en politique.
Dans les tavernes, le politique sourit
À l’électeur, le salue et lui dit
Son très vif intérêt en deux mots
Et pressé, s’en va vers d’autres pots.
Comme citoyen, au bistrot, ce qui plaît
Au politique, c’est qu’on lui foute la paix.
Avant de créer le Parti, j’ai appris la vie
À la grande école de la tromperie,
Comme rédacteur au Monde des Animaux,
Là, on vit de l’innocence des animaux
On vit là de la crédulité des gens.
Le patron criait, mentait, faisait semblant ;
En politique, le patron serait au moins député.
Le patron est mort, il faut en dire du bien.
Le patron me considérait comme un chien,
Moi, je considérais le patron comme un âne bâté.
Le Monde des Animaux est très populaire,
Il ne contient rien d’extraordinaire.
Tout est découpé de journaux étrangers,
Sauf les animaux rares qu’on a inventés.
C’est le magazine national unique.
Au Monde des Animaux, on dupait la terre entière.
On écrivait l’histoire des chiens prolétaires
Crevant de faim, battus, faméliques.
Sa devise : « Dis toujours du bien de toi ! »
Est celle du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi.
À propos d’animaux rares,
Le parti avait trois ailes.
Dans chacune d’elles, on savait boire.
La première au restaurant La Chandelle
Pratiquait la gastronomie politique
Et sirotait les alcools, les spiritueux et les vins.
On y vit le procureur de la future république.
Au Café Slave, la seconde entonnait les bières sans faim.
Au Litre d’Or, chez la troisième, en une puissante unité
Confluaient les trois courants en une convaincante ébriété.
Contributed by Marco Valdo M.I. - 2021/9/17 - 14:32
×
Note for non-Italian users: Sorry, though the interface of this website is translated into English, most commentaries and biographies are in Italian and/or in other languages like French, German, Spanish, Russian etc.
Chanson française – Le Monde des Animaux – Marco Valdo M.I. – 2021
Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.
Épisode 12
Pieter Bruegel l’Ancien – 1562
Le Monde des Animaux, Lucien l’âne mon ami, n’est cette fois, pas un documentaire animalier cinématographique, ni télévisé, ni vidéolisé, mais bien un journal illustré publié à Prague, qui, je te le rappelle, se trouvait encore à l’époque dans l’Empire austro-hongrois ; on était au début du XXᵉ siècle. Comme quoi, les animaux ont toujours été des sujets de publication pour un large public.
Oh, dit Lucien l’âne, ça ne m’étonne pas. Cependant, je serais bien incapable de dire quel fut le premier journal du genre, en quel pays et à quel moment. En tout cas, je pense que compte tenu la nécessaire technique d’impression en grand nombre et des photographies, il faut imaginer que ce ne peut être avant la moitié du XIXᵉ siècle. C’est lié du journal à grand tirage lui-même. Mais on n’est pas là pour faire de l’encyclopédisme technologique. Tout ça est fort bien, mais encore ?
Tout juste, Lucien l’âne mon ami. J’en viens donc à la chanson et à ce Monde des Animaux en ce qu’il a marqué l’aventure politique de Jaroslav Hašek et son Parti. Comme il le dit lui-même, le Monde des Animaux fut son école politique ; une terrible école de réalisme, comme on le découvre dans la description (par la chanson) de ce journal où quasiment tout est faux, copié, volé, plagié. En cela, il a raison de se prétendre : « le magazine national unique ». Bien sûr, comme toujours avec l’auteur de Chveik, il faut lire entre les lignes et au-delà du mur de la dérision.
Oui, dit Lucien l’âne, je vois ; c’est ce même Jaroslav Hašek dont tu déclaras dans notre dialogue à propos de La chanson de Chveik le soldat :
« Chveik serait une sorte de bombe à comique ».
Oui, celui-là même, répond Marco Valdo M.I. ; celui-là même aussi qui de rédacteur au Monde des Animaux passe à la politique et crée le Parti, dont on s’occupe présentement ici.
« Avant de créer le Parti, j’ai appris la vie
À la grande école de la tromperie,
Comme rédacteur au Monde des Animaux »
Il avait transporté au Parti la devise du Monde des Animaux. Une bonne devise au demeurant et toujours efficace, surtout dans les affaires, le commerce et la politique.
Oui, je pense bien qu’il s’agit de lui, dit Lucien l’âne, mais au fait, quelle est donc cette fameuse devise ?
Oh, dit Marco Valdo M.I., elle vaut la peine d’être connue et répercutée de par le monde :
« Dis toujours du bien de toi ! »
En effet, il n’y a pas mieux, dit Lucien l’âne, pour se faire voir et se faire apprécier du public. C’est un slogan fort rentable. Quant à nous, de nous, nous ne dirons rien de semblable. Ça n’a aucun intérêt et c’est d’ailleurs strictement inutile. On n’ambitionne rien, on n’a rien à demander, on n’a rien à vendre et puis, dans le fond, comme disait notre grand-mère, on s’en fout et elle ajoutait même, « Je m’en fous tellement, que je m’en fous ! » Nous, c’est pareil. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde intéressé, agité, ambitieux, merveilleux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient, Marco Valdo M.I. et Lucien Lane