Sans boisson, un nouveau parti reste rachitique,
Car l’alcool est le lait de la politique.
À l’époque où le Parti est né, il régnait
Dans le peuple, une solide aversion pour les abstinents.
Par principe, à l’encontre de l’opinion, le Parti n’allait jamais ;
Ainsi, contre ses principes, le Parti dut suivre le courant
Et tenir les réunions plénières, ordinaires et extraordinaires
Dans un lieu où on sert de l’excellente bière.
Le Parti établit alors ses permanences
Au Litre d’Or, une auberge de toute confiance.
En politique prospère l’homme des tavernes,
À ne pas confondre avec celui des cavernes :
En ces lointains temps préhistoriques,
On ne faisait pas encore de politique.
Le Parti est convaincu en conscience et en âme
De la nécessité d’avoir un programme
D’affirmer et de pratiquer la liberté fondamentale
De parole et de réunion.
Au meeting du Parti social national,
On nous chassa à coups de horions.
Naturellement, le Parti vit
Pour l’emporter sur ses ennemis.
Ainsi, la victoire, la victoire,
La victoire est son plus grand espoir.
La raison d’être du Parti est la victoire,
Mais il y a victoire et victoire.
Pour la majorité, la victoire est facile :
C’est la victoire globale.
Pour la minorité, la victoire est difficile :
C’est la victoire morale.
Un parti neuf est minoritaire et inconscient
De l’âpreté de la lutte, du combat, de la confrontation.
Il a des idées, des volitions, des sentiments ;
Il est pour la paix, il est plein de bonnes intentions ;
Un bel enthousiasme soutient le nouveau concurrent,
Une ambition civilisatrice nourrit ses slogans,
Mais les idées nouvelles entrent mal dans la tête des gens :
La promotion intellectuelle est dure physiquement.
Aux partisans, il faut souvent des soins urgents.
Sauf accident, un parti débutant vaincra moralement.
Car l’alcool est le lait de la politique.
À l’époque où le Parti est né, il régnait
Dans le peuple, une solide aversion pour les abstinents.
Par principe, à l’encontre de l’opinion, le Parti n’allait jamais ;
Ainsi, contre ses principes, le Parti dut suivre le courant
Et tenir les réunions plénières, ordinaires et extraordinaires
Dans un lieu où on sert de l’excellente bière.
Le Parti établit alors ses permanences
Au Litre d’Or, une auberge de toute confiance.
En politique prospère l’homme des tavernes,
À ne pas confondre avec celui des cavernes :
En ces lointains temps préhistoriques,
On ne faisait pas encore de politique.
Le Parti est convaincu en conscience et en âme
De la nécessité d’avoir un programme
D’affirmer et de pratiquer la liberté fondamentale
De parole et de réunion.
Au meeting du Parti social national,
On nous chassa à coups de horions.
Naturellement, le Parti vit
Pour l’emporter sur ses ennemis.
Ainsi, la victoire, la victoire,
La victoire est son plus grand espoir.
La raison d’être du Parti est la victoire,
Mais il y a victoire et victoire.
Pour la majorité, la victoire est facile :
C’est la victoire globale.
Pour la minorité, la victoire est difficile :
C’est la victoire morale.
Un parti neuf est minoritaire et inconscient
De l’âpreté de la lutte, du combat, de la confrontation.
Il a des idées, des volitions, des sentiments ;
Il est pour la paix, il est plein de bonnes intentions ;
Un bel enthousiasme soutient le nouveau concurrent,
Une ambition civilisatrice nourrit ses slogans,
Mais les idées nouvelles entrent mal dans la tête des gens :
La promotion intellectuelle est dure physiquement.
Aux partisans, il faut souvent des soins urgents.
Sauf accident, un parti débutant vaincra moralement.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 26/7/2021 - 17:40
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Chanson française – La Victoire morale – Marco Valdo M.I. – 2021
Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.
Épisode 1 – Le Parti ; Épisode 2 – Le Programme du Parti ; Épisode 3 – Le Fils du Pasteur et le Voïvode ; Épisode 4 – La Guerre de Klim ; Épisode 5 – La Prise de Monastir ; Épisode 6 – La Vérité sur La Prise de Monastir ; Épisode 7 – Le Parti et les Paysans ; Épisode 8 – Le Premier Chrétien ; Épisode 9 – Le Provocateur
Épisode 10
DANS LA BRASSERIE DE MÜNICH
Philip Alexius de Laszlo – 1892
Je dois t’avouer, Lucien l’âne mon ami, que lorsque je me suis lancé dans cette série de chansons – qui sont faites au fur et à mesure de leur apparition et qui se doivent de narrer L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi, j’étais un peu incertain de mener cette épopée bien loin et surtout, de pouvoir lui donner une pertinence et une profondeur suffisantes pour intéresser le lecteur curieux. Quand je dis suffisantes, c’est par rapport à ce que j’en attendais, à ce que j’imaginais qu’elle pourrait découvrir.
Ah, dit Lucien l’âne, je pense qu’Homère a essuyé les mêmes doutes quand il s’est lancé à son tour dans l’élaboration de ses épopées ; je veux dire L’Iliade et L’Odyssée. Je précise tout de suite que tu n’es pas tenu d’atteindre pareils sommets. C’est finalement juste question de s’y mettre et de s’y tenir suffisamment longtemps ; d’autant que tu l’as déjà fait. Je songe à l’Arlequin amoureux (L'Amoureuse d'Arlequin), aux Chansons lévianes (Souvenirs napoléoniens), aux Histoires d’Allemagne (Histoires d'Allemagne), à Dachau Express (Dachau Express), à La Geste de Liberté (Katheline, la bonne sorcière). Et puis, ce qui ne paraît nulle part qu’entre nous et qui est ta version française de Shakespeare, celle que tu fais pour t’amuser, pour – comme on dit – ton édification personnelle ; jusqu’à présent, seulement, on a parcouru ensemble : Le Songe d’une Nuit d’Été, Roméo et Juliette, Hamlet, Macbeth, Le Roi Lear et Les Joyeuses Commères de Windsor. Oh, je te suis, même là. Si, si, j’ai vu passer les sorcières, les fées, le fantôme, Hamlet, Lear, Cordélia, Kent, Roméo, Juliette, Falstaff et je suppose que tu n’as pas envie d’arrêter. Quand on y songe, Shakespeare, c’est quand même beaucoup.
Ho !, Lucien l’âne mon ami, la cour est pleine, n’en jette plus. Pour en revenir à la chanson du jour, il y a énormément à en dire et je ne t’en dirai qu’une partie, à charge pour toi d’en trouver le reste dans ton cerveau d’âne et dans ce magma qui le remplit et que généralement, on appelle culture ou pensée ; c’est selon. Venons-y. D’abord, son titre La Victoire morale, pour en donner le sens et la portée, on attendra la fin de la chanson. Primo, le Parti. Oui, le Parti comme tous les partis est à la recherche de la popularité, sinon, il ne serait pas en lice politique. Donc, d’un côté, il y a l’opinion générale, celle qui pense bien, mais pas nécessairement politique et de l’autre, les nécessités du genre électoral. Comme dans les affaires, il y a ce qui correct, moral et il y a les affaires qu’il faut faire quand on est en affaires. Le Parti affirme hautement son attachement aux volontés de la population et d’autre part, il cherche des partisans et des électeurs. Ainsi à l’encontre de sa profonde moralité, il s’astreint à tenir ses réunions dans des débits de boissons : bistros, auberges, tavernes, caves à bières et bien entendu, autre hofbrauhauss, retiens bien ce mot.
« Sans boisson, un nouveau parti reste rachitique,
Car l’alcool est le lait de la politique. »
Oh, dit Lucien l’âne, la chose n’est pas nouvelle, on se soûlait déjà dans la plus haute Antiquité.
Ensuite, avec le deuxième dizain, comme d’habitude ici, il y en a quatre, dit Marco Valdo M.I. ; pour celui-là, il te faudra faire un effort de danseuse étoile, une sorte de grand écart entre l’homme des tavernes et l’homme des cavernes. Comme tu le sais, l’homme des cavernes, c’est en quelque sorte, façon de parler, ce bon vieil ami qu’était (pour toi qui l’as porté sur ton dos) l’homme de Cro-Magnon (L'Homme de Cro-Magnon). Ensuite vient le passage où on découvre que le Parti d’Hašek (Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi) n’a rien, rien de rien de commun avec certain parti national social, né dans une brasserie pragoise ou avec celui qui naîtra également dans une brasserie munichoise des années et une guerre mondiale plus tard. Comme on le voit dans la chanson, les relations et les idées de ces partis sont plutôt antagonistes.
On nous chassa à coups de horions. »
Évidemment, dit Lucien l’âne, comment un être pensant peut être en accord avec ces gens-là (Jacques Brel: Ces Gens-là) et leur façon de
De parole et de réunion. »
Et c’est ainsi, Lucien l’âne mon ami, que le Parti parvint à la victoire morale. Un concept assez proche de la défaite honorable. C’est une grande leçon de politique électorale destinée aux nouveaux arrivants sur la scène et la conclusion est péremptoire : il faut du temps pour s’installer sur l’éventail politique, pour jouer un rôle significatif dans la pièce du monde ; il y faut aussi la volonté d’y arriver envers et contre tous. Bref, il faut le temps et c’est un temps long, qui se compte en dizaines d’années, qui met à l’épreuve la constance de générations entières.
Et souvent même, interrompt Lucien l’âne, la chose se révèle inutile ; pour preuve, La fille de Madame Angot le disait elle-même :
Ce n’était pas la peine,
Non pas la peine, assurément
De changer de gouvernement ! »
de façon aussi incongrue que de dire dans les Chansons contre la Guerre que la Grande Duchesse du Gerolstein ) aimait les militaires (J’aime les militaires). Elle vaut la peine celle-là d’être reprise dans un répertoire contre la guerre. En fait, toute la duchesse et il vaudrait la peine aussi de parcourir l’opéra de l’avant-dernier siècle. Soit, il faut en avoir le temps, mais quand même.
Laisse-moi cependant te dire, Lucien l’âne mon ami, comment on parvient à la victoire morale et quel en est le prix. En fait, on y arrive toujours par la défaite, la défection, la fuite, car la chanson a raison :
Certes, dit Lucien l’âne, on en restera là, mais crois-moi, tu as encore fait une chanson, dont je ne sais si elle est bonne ou mauvaise, mais une chose est sûre, elle est. D’ici que La Guerre de Cent mille ans cesse, nous avons le temps ; alors tissons le linceul de ce vieux rhumatisant, guerrier, belliqueux (de cheval), ennuyeux, féroce, injuste, inique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient, Marco Valdo M.I. et Lucien Lane