Un homme s’était assis à notre table ;
Sûr de son incognito, la mine ravie,
Il s’invitait ; il lui serait agréable
De converser en notre compagnie.
On ne le connaissait ni de Dieu, ni du Diable ;
Sauf Frank, notre secrétaire, neveu du préfet.
« C’est Mark », nous souffla Frank en catimini.
Du coup, on a tous su ce qui se passait,
D’où ce mystérieux Mark venait
Et ce que ce quidam venait quérir ici.
On nous l’apprit plus tard :
Pour cette besogne mercenaire,
Mark touchait cinq couronnes par soir –
En plus de son maigre salaire
De simple employé au commissariat.
Cinquante-deux florins par mois,
Avec une femme et six enfants à nourrir
C’était un supplément nécessaire
Et un travail facile à faire :
Juste s’asseoir, parler et laisser discourir.
Maheu dit alors : « C’est convenu. »
« Est-ce qu’ils savent déjà tout ? »
« Oui. », dit l’ingénieur Kun, « Tout ,
Et de Moravie, tout un groupe est venu. »
« Les Moraves sont de notre côté, »
Dit Mark, « et l’Empereur Ferdinand,
Est un Habsbourg et un tyran.
Ils avaient raison nos Frères tchèques révoltés
De défenestrer les hommes du roi,
De chasser les jésuites et les soldats. »
Alors, nous tous ensemble, on l’accusa
« Vous avez dit ci, vous avez dit ça. » ,
Vous blasphémez le seigneur et la religion,
Vous clamez même, « Vive la révolution ! »
Vous nous incitez à l’athéisme,
Vous nous poussez à l’anarchisme.
Frank dit : Je suis le neveu du préfet.
Monsieur l’agent, arrêtez ce trublion,
Menez-le tout droit en prison !
Et Mark disparu ainsi à jamais.
Sûr de son incognito, la mine ravie,
Il s’invitait ; il lui serait agréable
De converser en notre compagnie.
On ne le connaissait ni de Dieu, ni du Diable ;
Sauf Frank, notre secrétaire, neveu du préfet.
« C’est Mark », nous souffla Frank en catimini.
Du coup, on a tous su ce qui se passait,
D’où ce mystérieux Mark venait
Et ce que ce quidam venait quérir ici.
On nous l’apprit plus tard :
Pour cette besogne mercenaire,
Mark touchait cinq couronnes par soir –
En plus de son maigre salaire
De simple employé au commissariat.
Cinquante-deux florins par mois,
Avec une femme et six enfants à nourrir
C’était un supplément nécessaire
Et un travail facile à faire :
Juste s’asseoir, parler et laisser discourir.
Maheu dit alors : « C’est convenu. »
« Est-ce qu’ils savent déjà tout ? »
« Oui. », dit l’ingénieur Kun, « Tout ,
Et de Moravie, tout un groupe est venu. »
« Les Moraves sont de notre côté, »
Dit Mark, « et l’Empereur Ferdinand,
Est un Habsbourg et un tyran.
Ils avaient raison nos Frères tchèques révoltés
De défenestrer les hommes du roi,
De chasser les jésuites et les soldats. »
Alors, nous tous ensemble, on l’accusa
« Vous avez dit ci, vous avez dit ça. » ,
Vous blasphémez le seigneur et la religion,
Vous clamez même, « Vive la révolution ! »
Vous nous incitez à l’athéisme,
Vous nous poussez à l’anarchisme.
Frank dit : Je suis le neveu du préfet.
Monsieur l’agent, arrêtez ce trublion,
Menez-le tout droit en prison !
Et Mark disparu ainsi à jamais.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 13/7/2021 - 18:41
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Chanson française – Le Provocateur – Marco Valdo M.I. – 2021
Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.
Épisode 1 – Le Parti ; Épisode 2 – Le Programme du Parti ; Épisode 3 – Le Fils du Pasteur et le Voïvode ; Épisode 4 – La Guerre de Klim; Épisode 5 – La Prise de Monastir ; Épisode 6 – La Vérité sur La Prise de Monastir ; Épisode 7 – Le Parti et les Paysans; Épisode 8 – Le Premier Chrétien
Épisode 9
Marc Chagall – 1935 (?)
Cette fois, dit Marco Valdo M.I., le titre de la chanson « Le Provocateur » est on ne peut plus explicite et ne laisse planer aucun doute sur la nature du personnage qu’elle présente. Il s’agit de ce Monsieur Mark à propos duquel s’interrogeait la chanson précédente :
« On vit venir alors Monsieur Mark,
Un brave homme, père de six enfants.
Qui était ce Monsieur Mark ?
On devait l’apprendre rapidement. »
En effet, répond Lucien l’âne, c’est assez clair. Cependant, si ce personnage est un provocateur, il s’agit de savoir de quel genre de provocateur il s’agit ; car, je n’apprendrai certainement rien à personne en précisant qu’un provocateur – au sens où on l’entend dans le domaine politique ou dans La Guerre de Cent mille ans que les riches et les puissants font aux pauvres et aux plus faibles – un provocateur, donc, peut agir ouvertement ou sournoisement, peu importe, dans l’intérêt de l’un ou l’autre camp. Du côté des révoltés (appelons-les ainsi), une provocation peut avoir pour objectif de déclencher un mouvement de grande envergure et transformer une manifestation censément calme en un tohu-bohu indescriptible qui peut rapidement tourner à l’émeute. À l’opposé, d’une autre manière, une provocation peut être utilisée pour amener des gens à dévoiler leurs intentions et leurs véritables ambitions. De toute façon, il y a encore d’autres subtilités telles que par exemple, une provocation effectuée (secrètement) par certain groupe (le parti nazi mettant le feu au Reichstag) et attribuée aux adversaires.
Je vois, dit Marco Valdo M.I., que tu connais le phénomène de la provocation et que tu en déduiras aisément que celui qui opère une manœuvre de cette sorte porte le nom de provocateur.
C’est bien comme ça que je l’entends, dit Lucien l’âne, mais ne peux-tu en dire plus ?
Certes que si, Lucien l’âne mon ami ; le provocateur dont la chanson relate la mission manquée est ce Monsieur Mark qui avait – au pied levé – remplacé Monsieur Kopek – « Le Premier Chrétien », lequel avait été le premier à tenter de s’immiscer dans le Parti. L’un comme l’autre, je le confirme, sont des espions, des agents de la Sûreté et des saboteurs. Ils cherchent à pousser le Parti ou certains de ses membres à la faute afin de pouvoir les faire arrêter. Cette opération n’est pas vraiment originale, dit Lucien l’âne, et elle est fort pratiquée dans les régimes politiques forts ou dans ceux communément appelés, régimes policiers.
Oui, dit Lucien l’âne, c’est une façon de faire répandue dans les dictatures et dans les États à Parti unique ; bref, dans les régimes totalitaires ou en passe de le devenir. Elle aussi pratiquée par certains groupes ou partis en vue d’accéder au pouvoir ou de nuire à leurs adversaires. Ça tient à la conception que l’on a du monde et de la liberté.
Avant de conclure, Lucien l’âne mon ami, je voudrais te rassurer à propos du destin de ce pauvre Monsieur Mark et t’assurer qu’il a eu beaucoup de chance de tomber dans une réunion de membres du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi, lesquels ne l’ont ni frappé, ni torturé, ni tué ; ils l’ont simplement remis à la police.
Ah, dit Lucien l’âne, je me réjouis de voir comment cette affaire se termine, car il doit y avoir là une surprise. Enfin, tissons le linceul de ce vieux monde secret, curieux, malicieux, sournois et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient, Marco Valdo M.I. et Lucien Lane