Tout est calme depuis un moment,
Après des jours et des jours de provocations,
Depuis hier, moins de détonations.
Zenel contemple l’autre côté du torrent.
Ici, c’est la berge albanaise du ravin ;
Là, ce sont les tranchées grecques :
Parallèles ; entre les deux fossés, ce matin,
Rampe perpendiculaire, un large sillon grec.
Il se traîne vers la tranchée, tout droit ;
Il inquiète terriblement les soldats.
C’est un boyau désert, non armé.
À tenir à l’œil, dit l’officier.
Un serpent noir qui avance,
La pointe mortelle d’une lance,
Un soc qui déchire la terre.
Zenel n’aime pas la guerre.
Zenel le sapeur vient du nord du pays.
Zenel s’ennuie, le jour, la nuit.
Zenel regarde le reptile progresser.
Zenel dit : Pourquoi l’ont-ils creusé ?
Le monstre crie : « Zenel, tu as peur ?
Ta fiancée, ta mère, ta sœur,
Je vais les baiser là à terre. »
Zenel est très très en colère.
Zenel ne dort pas, il va au boyau.
Il creuse, il dépose un cadeau.
À l’aube, le crieur arrive, et
Explosion ! Le serpent est écrasé.
Après des jours et des jours de provocations,
Depuis hier, moins de détonations.
Zenel contemple l’autre côté du torrent.
Ici, c’est la berge albanaise du ravin ;
Là, ce sont les tranchées grecques :
Parallèles ; entre les deux fossés, ce matin,
Rampe perpendiculaire, un large sillon grec.
Il se traîne vers la tranchée, tout droit ;
Il inquiète terriblement les soldats.
C’est un boyau désert, non armé.
À tenir à l’œil, dit l’officier.
Un serpent noir qui avance,
La pointe mortelle d’une lance,
Un soc qui déchire la terre.
Zenel n’aime pas la guerre.
Zenel le sapeur vient du nord du pays.
Zenel s’ennuie, le jour, la nuit.
Zenel regarde le reptile progresser.
Zenel dit : Pourquoi l’ont-ils creusé ?
Le monstre crie : « Zenel, tu as peur ?
Ta fiancée, ta mère, ta sœur,
Je vais les baiser là à terre. »
Zenel est très très en colère.
Zenel ne dort pas, il va au boyau.
Il creuse, il dépose un cadeau.
À l’aube, le crieur arrive, et
Explosion ! Le serpent est écrasé.
Contributed by Marco Valdo M.I. - 2020/6/11 - 16:37
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Chanson française – Le Serpent noir – Marco Valdo M.I. – 2020
Quelques histoires albanaises, tirées de nouvelles d’Ismaïl Kadaré, traduites par Christian GUT et publiées en langue française en 1985 sous le titre La Ville du Sud.(8)
Je ne sais, Lucien l’âne mon ami, si on pourra un jour venir à bout de ces disputes qui fleurissent régulièrement aux frontières et qui éclatent sporadiquement en conflits armés.
Oh, dit Lucien l’âne, l’histoire est toute semée de ces prurits nationalistes et même, comme on peut le penser quand on réfléchit à La Guerre de Cent mille ans, ces hostilités se manifestent jusqu’à la plus petite unité de propriété immobilière, jusqu’aux bords des plus petits morceaux de terrain : on les nomme des conflits de voisinage. Ce sont évidemment des événements minuscules qu’on oublie aisément lors des grands recensements des massacres géants que sont les guerres, mais – on peut me croire sur ce point – c’est la base de tout le reste de la polémologie. On fait toujours la guerre d’abord à son voisin et souvent, pour des riens. Ce sont des affrontements qu’on pourrait éviter rien qu’en en parlant entre soi.
Tu as certainement raison, dit Marco Valdo M.I. ; du moins, je le pense. Cela dit, Pour en venir à la chanson, à ce « serpent noir » qui devrait t’intriguer, car c’est un titre énigmatique de plus, comme tous ceux où il est question d’un animal aussi mystérieux. Donc, la chanson raconte une sorte de conflit entre ces proches voisins que sont la Grèce et l’Albanie, un conflit larvé, une guerre d’après la dernière guerre mondiale et qui n’a jamais vraiment éclaté et dont les tensions persistent encore. Cependant, dans ces années-là, c’étaient les années cinquante-soixante du siècle dernier, je ne sais trop exactement, mais certainement pas plus tard, les choses avaient pris une tournure un plus active. On s’était mobilisé des deux côtés, sur la berge d’un ravin, on avait creusé des tranchées et on y avait installé des soldats. On se tirait dessus à l’occasion, mais pas trop, sans pur autant qu’il y ait d’invasion de part et d’autre. Tel est le contexte de cette chanson.
Ainsi, c’est une guerre qui est une guerre sans être une guerre, dit Lucien l’âne, et ainsi aussi, cette sorte de guerre ne s’arrêtait jamais entre la Grèce et l’Albanie et peut-être même, est-elle toujours pendante. Si j’ai bien compris, techniquement, depuis 1940, la Grèce n’a jamais mis à l’état de guerre avec son voisin ; mais il est vrai aussi que des discussions sont en cours entre les deux pays. Maintenant, dis-moi, ce serpent noir, que vient-il faire ici ?
Eh bien, Lucien l’âne mon ami, il faut te figurer un ravin qui sert de frontière, des tranchées de chaque côté et de la tranchée grecque part un fossé, qui avance tout droit vers la tranchée adverse. La terre qui est déblayée et rejetée tout au long de ce sillon est noire. Voilà le serpent et pour la sentinelle albanaise, un sapeur nommé Zenel, c’est là un animal venimeux. D’autant plus que celui qui creuse cette galerie à ciel ouvert vient – par ennui, par désœuvrement, par taquinerie, par haine – à l’aide d’un porte-voix, provoquer Zenel.
Ah, dit Lucien l’âne, provoquer Zenel la sentinelle ; et comment ?
Donc, je t’explique, Lucien l’âne mon ami, quand son fossé est assez près de la tranchée adverse pour que la sentinelle puisse entendre ce qu’il crie, ce soldat grec (on ne saura rien d’autre de lui) insulte les femmes proches de Zenel et annonce qu’il se propose de les baiser ignoblement.
Évidemment, dit Lucien l’âne, ce sont des manières grossières de provocation profondément idiotes mais qui mettent à coup sûr en colère ceux qui s’en soucient.
C’est précisément ce qui se passe, Lucien l’âne mon ami, et Zenel la sentinelle, simple paysan mobilisé en sapeur, c’est-à-dire en mineur, en poseur de mines, va ruminer sa colère et trouver une parade mortelle. Je te laisse la découvrir dans la chanson.
C’est mieux ainsi, dit Lucien l’âne, je craignais que tu dévoiles toute l’affaire. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde rusé, querelleur, bête, borné et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane