Les enfants ne peuvent pas jouer dans les rues.
Les soldats grecs finalement entrent en ville.
Au milieu de quelques rares civils,
Ils promènent leurs étranges tenues.
Les Anglais ne bombardent plus, of course !
Moi, je reste en cage comme l’ourse.
L’aéroport est désert ; le nez au vent,
Les vaches paissent en musardant.
Je déteste ces vaches, je les hais.
Je m’ennuie ferme à la maison,
Huit jours durant, je tourne en rond.
C’est très monotone, cette paix.
Les Italiens avaient fui sans trompette ni tambour,
Nous, on peut jouer sur la rue, dans les cours.
D’un coup, dans un beau charivari,
Tout le quartier est envahi.
Les gosses s’élancent en fanfare, joyeux ;
On attaque l’autre bande comme des furieux
Et soudain, tout s’arrête ; la sirène gémit.
C’est la trêve, tous aux abris !
Dans le ciel par-dessus le toit passe l’avion.
Ce ronflement énorme d’un dragon,
Je le connais, c’est lui, c’est le grand avion.
Les bombes tombent loin de la maison.
Le vacarme cesse, c’est la fin de l’alarme.
Je me relève le visage plein de larmes.
Je tremble, je cherche ma respiration.
Les vaches sont mortes au champ d’aviation.
Les soldats grecs finalement entrent en ville.
Au milieu de quelques rares civils,
Ils promènent leurs étranges tenues.
Les Anglais ne bombardent plus, of course !
Moi, je reste en cage comme l’ourse.
L’aéroport est désert ; le nez au vent,
Les vaches paissent en musardant.
Je déteste ces vaches, je les hais.
Je m’ennuie ferme à la maison,
Huit jours durant, je tourne en rond.
C’est très monotone, cette paix.
Les Italiens avaient fui sans trompette ni tambour,
Nous, on peut jouer sur la rue, dans les cours.
D’un coup, dans un beau charivari,
Tout le quartier est envahi.
Les gosses s’élancent en fanfare, joyeux ;
On attaque l’autre bande comme des furieux
Et soudain, tout s’arrête ; la sirène gémit.
C’est la trêve, tous aux abris !
Dans le ciel par-dessus le toit passe l’avion.
Ce ronflement énorme d’un dragon,
Je le connais, c’est lui, c’est le grand avion.
Les bombes tombent loin de la maison.
Le vacarme cesse, c’est la fin de l’alarme.
Je me relève le visage plein de larmes.
Je tremble, je cherche ma respiration.
Les vaches sont mortes au champ d’aviation.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 24/5/2020 - 18:20
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Chanson française – Le Retour du grand Avion – Marco Valdo M.I. – 2020
Quelques histoires albanaises, tirées de nouvelles d’Ismaïl Kadaré, traduites par Christian GUT et publiées en langue française en 1985 sous le titre La Ville du Sud.(5)
Oui, Lucien l’âne mon ami, je te le confirme, il s’agit bien du même avion que celui dont on parlait dans la chanson de l’autre jour, intitulée « Le grand Avion ». Ce grand avion qui s’en était allé un beau matin de l’aérodrome que l’enfant voyait de sa fenêtre. Toute cette histoire se passe à Gjirokastër à la fin de 1940 ou au printemps 1941. Le grand avion était parti avec toute l’escadrille italienne, mais il était le seul de son genre à cet endroit : un immense bombardier. Ils avaient quitté le nid au moment de la retraite italienne à laquelle l’armée grecque avait contraint l’envahisseur. Toute la région de Gjirokastër était tombée sous la coupe des Grecs.
Ah bien, dit Lucien l’âne, et si je comprends l’affaire, ce grand avion va revenir. Ce que je comprends pas, c’est pourquoi et ce qu’il vient faire là. Il veut retrouver son bercail ?
Pas du tout, Lucien l’âne mon ami. Je résume la situation. Dans la ville, les soldats grecs – dans leurs drôles d’uniformes d’evzones – ont remplacé les Italiens ; sur le terrain d’atterrissage, les vaches ont remplacé les avions, les enfants jouent à nouveau dans les rues : ils jouent à la guerre. Pour eux, tout retrouve un cours normal. Jusqu’au moment où…
Jusqu’au moment où ?, demande Lucien l’âne, au moment où quoi ? Qu’est-ce qui se passe ?
Jusqu’au moment où se met à hurler la sirène ; puis, on commence à entendre un terrible grondement et l’enfant voit revenir trois des avions partis il y a quelques jours. Au milieu de ceux-ci, il voit son ami le « grand avion ». Un drôle d’ami en vérité, car il va bombarder la ville et ce qui était son propre nid : l’aérodrome et massacrer les paisibles vaches qui y paissent avec une grande insouciance.
C’est malin, dit Lucien l’âne, bombarder des vaches, a-t-on idée ? Quel boucher ! Un tueur de vaches ! C’est assassin et grotesque. Ça me rappelle « Drôle de Drame », un film de 1937, où William Krans, le tueur de bouchers, une réincarnation végane de Jack l’Éventreur, expliquait ses crimes en disant – je cite de mémoire :
« Moi, j’aime les vaches ; elles ont de si beaux yeux. Et les bouchers tuent les vaches. Alors, moi, je tue les bouchers. »
Eh bien, Lucien l’âne mon ami, voilà un syllogisme de premier plan et que j’approuve. C’est de la logique pure signée Jacques Prévert et souviens-toi la mémé disait dans « Le grand Avion » à l’avant-dernier quatrain :
Ils vont tuer des gens, mon garçon. »
Ainsi se termine toute l’histoire du grand avion de la chanson, mais, pour conclure, je te propose un anecdote à propos de ce grand avion Piaggio 108. Il faut savoir que s’il n’a été produit qu’en peu d’exemplaires, un de ceux-ci (un avion résistant, sans doute) s’est écrasé en juin 1941 tuant l’équipage et son commandant qui n’était autre que Bruno Mussolini, le fils du Duce.
Ho là, dit Lucien l’âne, c’était peut-être lui qui le pilotait lors de ce bombardement de Gjirokastër. C’est fou ce qui se cache derrière ces petites chansons. Par exemple, la chanson dit :
Je trouvais la formule curieuse, puis vraiment scandaleuse, car si elles avaient été des hommes, ces vaches seraient mortes au champ d’honneur. Maintenant, pour en finir avec le grand avion, tissons le linceul de ce vieux monde ludique, infantile assassin, tueur, mortel et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane