Je veux me pendre pour de bon
Avec une corde attachée au plafond,
Mais pas ici, il fait trop glacial.
Je veux me pendre, point final.
Et toi, va au diable, vieux bonimenteur !
Donneur de leçons, joli menteur !
Je suis Dieu, tu le sais bien.
J’ai si peu de pouvoir, je ne peux rien.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Matthias, quittons cette ville et vite !
Pour toi, la campagne est plus sûre.
On trouvera un fenil vide.
Notre pomme est mûre.
Pas ici, pas maintenant, plus tard,
On réfléchit plus à l’aise dans le noir.
Dans la grange, couché dans le foin,
Caché au chaud dans un coin,
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Eh, Pollo, dit encore la voix sombre,
Toute pâle dans son manteau à grelots,
Que va-t-il nous arriver, Pulcino ?
Arlecchina, est-ce toi cette ombre ?
Matthias, les pieds nus, la troupe attend là-bas ;
Pour finir le spectacle, elle n’attend plus que toi.
Ôte tes brodequins, danse, c’est l’heure, on y va,
Ensemble pour toujours, comme de vieux chats.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Avec une corde attachée au plafond,
Mais pas ici, il fait trop glacial.
Je veux me pendre, point final.
Et toi, va au diable, vieux bonimenteur !
Donneur de leçons, joli menteur !
Je suis Dieu, tu le sais bien.
J’ai si peu de pouvoir, je ne peux rien.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Matthias, quittons cette ville et vite !
Pour toi, la campagne est plus sûre.
On trouvera un fenil vide.
Notre pomme est mûre.
Pas ici, pas maintenant, plus tard,
On réfléchit plus à l’aise dans le noir.
Dans la grange, couché dans le foin,
Caché au chaud dans un coin,
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Eh, Pollo, dit encore la voix sombre,
Toute pâle dans son manteau à grelots,
Que va-t-il nous arriver, Pulcino ?
Arlecchina, est-ce toi cette ombre ?
Matthias, les pieds nus, la troupe attend là-bas ;
Pour finir le spectacle, elle n’attend plus que toi.
Ôte tes brodequins, danse, c’est l’heure, on y va,
Ensemble pour toujours, comme de vieux chats.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 28/4/2020 - 19:46
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Chanson française – Les Pieds nus – Marco Valdo M.I. – 2020
ARLEQUIN AMOUREUX – 57
Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.
« Les Pieds nus », demande Lucien l’âne, que peut bien pouvoir dire ce titre ?
Je te promets une réponse assez complète, dit Marco Valdo M.I., et pur cal, il me faut resituer cette chanson et t’annoncer que c’est la dernière de la saga d’Arlequin amoureux. Comme les précédentes, elle est fortement éprise de poésie et baigne dans une atmosphère métaphorique. Il le faut, car il s’agit de l’agonie et de la mort d’Arlecchino, de la dernière désertion du déserteur. Ainsi, comme tu le devines, elle dit plus qu’elle ne dit ou dit autrement, l’ensemble des mots de son discours dépasse le cadre apparent que constitue la simple addition de ceux-ci. Car. Car, lorsqu’on rapproche les mots selon certaines formes, dans certaines configurations, il se produit des phénomènes d’interaction qu’on ne peut anticiper. Les mots, considérés comme des objets inertes et quelque sorte morts, se mettent à vivre, à converser entre eux et on voit surgir une physique et une chimie des mots.
Halte-là, Marco Valdo M.I. mon ami, si je te laisse aller ainsi, tu vas bientôt faire intervenir d’étranges théories telles l’évolution, la gravitation ou les quantas.
Dans le fond, pourquoi pas ?, répond Marco Valdo M.I. en souriant, mais il faudrait d’abord y réfléchir, car on ne manipule pas les mots aussi innocemment que ça. Mais soit, j’admets qu’il serait intéressant d’appliquer une démarche de ce genre au langage et surtout, aux mots considérés comme des particules, des atomes, des électrons, des neutrons, que sais-je ; bref, des machins en interaction. Il faudrait en déceler les forces qui les attirent ou les éloignent, qui bâtissent certaines affinités entre eux, qui donnent un sens au mouvement désordonné des paroles. Comme à l’ordinaire, je n’irai pas plus loin dans cette esquisse, quitte à y revenir plus tard ou à laisser à d’autres le soin de le faire. Cela dit, j’en reviens aux pieds nus.
Bonne idée, dit Lucien l’âne, car j’en suis encore à me demander…
Donc, pieds nus, Lucien l’âne mon ami, renvoie au fait que tous les petits personnages du théâtre de bois reviennent auprès du directeur-déserteur à la fin de la chanson pour, exigent-ils, terminer le spectacle. Or, tous morts, ils se présentent tous les pieds nus ainsi qu’Arlecchina-La Tournesse, morte elle aussi, qui dit à Matthias-Arlecchino-Pollo-Pulcino-Kuře de retirer ses brodequins afin de partir tous ensemble comme des chats. À pieds nus, car seuls les vivants ont besoin de chaussures.
Oui, dit Lucien l’âne, les cadavres ne portent pas de souliers. C’est bien, l’Arlequin amoureux est maintenant fini ; « Un mort, c’est complet, c’est terminé. On n’est pas complet, tant qu’on n’est pas mort », disait Boris Vian. À propos, dis-moi, de quoi est-il mort l’Arlecchino ?
Pour ce que j’en sais, répond Marco Valdo M.I., l’Arlecchino est mort de la mort des autres, de la mort des petits comédiens de bois, de celle d’Arlecchina, de Barbora et de Lukas. L’Arlecchino meurt volontairement pour reprendre le vagabondage du déserteur et cet art théâtral qui font son histoire.
Oui, dit Lucien l’âne, mais alors, nous, qu’allons-nous devenir, qu’allons-nous faire, nous ne pouvons, pas plus que lui, interrompre notre errance. Qu’allons-nous faire comme nouveau voyage dans l’imaginaire ?
On y réfléchit d’abord, dit Marco Valdo M.I., on avisera demain.
Alors, finissons-en et tissons le linceul de ce vieux monde boiteux, halluciné, égrotant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane