Après correction, le meneur Serenus,
Avec sa troupe sur le dos,
S’en va chercher l’Eldorado
Dans les bois, sous l’humus,
Il déniche une grotte dans la pierre
Creusée comme un théâtre
Et devant, les parois de terre
Font un amphithéâtre.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Quoi de neuf au Portugal,
Votre Grâce Royale ?
Au Portugal, il y a de neuf
Qu’on a rasé un œuf !
Don Basile soulève la princesse,
La jupe se trousse à la ceinture,
La princesse se débat, montre ses fesses
Le public rit de voir toute cette nature.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
De la croisade, le père siffle son retour.
Un glaive en sa droite ; en sa gauche, la croix.
La mère et le fils le regardent avec amour,
À cette sainte famille, le public ne croit pas.
Le fils rit de la croix, la poursuite commence :
Le père après le fils, la mère après le père.
De son bourdon, le père, l’enfant tance.
Le public rit de ce trio exemplaire.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Avec sa troupe sur le dos,
S’en va chercher l’Eldorado
Dans les bois, sous l’humus,
Il déniche une grotte dans la pierre
Creusée comme un théâtre
Et devant, les parois de terre
Font un amphithéâtre.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Quoi de neuf au Portugal,
Votre Grâce Royale ?
Au Portugal, il y a de neuf
Qu’on a rasé un œuf !
Don Basile soulève la princesse,
La jupe se trousse à la ceinture,
La princesse se débat, montre ses fesses
Le public rit de voir toute cette nature.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
De la croisade, le père siffle son retour.
Un glaive en sa droite ; en sa gauche, la croix.
La mère et le fils le regardent avec amour,
À cette sainte famille, le public ne croit pas.
Le fils rit de la croix, la poursuite commence :
Le père après le fils, la mère après le père.
De son bourdon, le père, l’enfant tance.
Le public rit de ce trio exemplaire.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 2/3/2020 - 15:44
×
Chanson française – La Sainte Famille – Marco Valdo M.I. – 2020
ARLEQUIN AMOUREUX – 43
Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.
La Sainte Famille, maintenant, Marco Valdo M.I. ; encore une fois, laisse-moi te demander : quel titre est-ce là ? À quoi ça rime un titre comme ça ? Et d’abord, de quelle Sainte Famille est-il question ? Celle des religions ou celle de la philosophie que deux messieurs allemands ont écrite, il y a longtemps ?
Allons, Lucien l’âne mon ami, je te réponds sans tergiverser qu’il s’agit d’une troisième Sainte Famille qui est en quelque sorte assez terre à terre, même si, il faut en convenir, elle est à l’image de la famille biblique : le père, la mère et le fils, telle donc enfin que la conçoit la tradition. J’espère que te voilà satisfait de cette précision.
Comment et pourquoi ne le serais-je pas ?, demande Lucien l’âne. Sur ce point, je suis satisfait, mais le fait est que je ne sais rien du reste, ni de quoi il s’agit.
Oh, Lucien l’âne mon ami, il te souviendra que le précédent épisode de cette longue histoire du déserteur s’achevait sur une rébellion et sur la répression qui en était la suite logique. Rappelle-toi cette fin sous forme de rébus :
« Le bétail crève, les gens ont faim ;
Les prix volent toujours plus haut.
On arrête le meneur de la révolte du grain ;
Ivre, il raconte la bataille de Marengo. »
Mais, Marco Valdo M.I. mon ami, c’était une fausse énigme, car qui d’autre là-bas à ce moment-là dans un village au fond de la Bohême que le déserteur Matěj Kuře aurait pu « Ivre, raconter la bataille de Marengo » ? Il fallait quand même l’avoir vécue pour connaître tant de détails à en faire un récit d’ivrogne.
Je te l’accorde, Lucien l’âne mon ami, personne sauf quelqu’un qui y était à la bataille de Marengo, mais aussi, dans cette émeute de la faim. Heureusement, la châtelaine du lieu fut fort bienveillante et l’événement était sans gravité, il tenait plus d’une manifestation de mécontentement que d’une révolution. Pour toute sanction, on chassa le meneur, à charge pour lui de ne plus remettre les pieds dans le fief. Le meneur Serenus, alias, alias, alias et donc, notre Matthias, montreur de marionnettes, reprend dès lors le chemin de la fuite et s’en va se réfugier dans une grotte, une ancienne carrière creusée dans la montagne proche. Là, il rentre dans son univers fantasmatique où il vit en symbiose avec sa petite bande et reprend la folle errance de ses méditations ; il imagine que cette grotte est un théâtre, que le versant boueux qui fait face est un amphithéâtre, il y voit – comme en rêve – un public, et animant ses acteurs de bois, il monte un spectacle : un spectacle improvisé où il laisse libre cours à la petite troupe que depuis le début de cette odyssée, il véhicule dans une hotte sur son dos.
Oui, je sais, dit Lucien l’âne, il est à lui seul, ainsi, un théâtre ambulant. Mais quel est donc ce spectacle improvisé ?
Il reprend, Lucien l’âne mon ami, devant – note-le bien – devant un public imaginaire, l’histoire de la princesse du Portugal qui vire – pour éveiller le public – carrément à la pantalonnade. Puis, afin d’apaiser les débordements, on en revient à une scène sévère et classique du retour du croisé en ses foyers, mais cette pieuse scène refroidit le public, il faut à nouveau pimenter l’affaire : le père prodigue est bousculé et moqué par son fils et du coup, il s’empresse de vouloir infliger la bastonnade à son rejeton. Une poursuite s’engage que n’auraient pas désavouée les frères Marx eux-mêmes : le fils file, le père court derrière avec son gourdin levé ou alors, c’est son épée, on ne sait et la mère tente de retenir le geste du père ; et le public rit. Ainsi se dessine l’image d’une famille exemplaire : sainte, certes, puisque le croisé rentre de croisade, mais conforme aux aventures familiales de l’époque où les pères châtient les fils et les mères s’essayent à protéger leur progéniture de ces brutalités paternelles.
Quel exemple, dit Lucien l’âne, mais sans doute en était-il vraisemblablement ainsi dans ces familles patriarcales – du moins, en gros. En tout cas, il semble que le public y reconnaissait mieux ce qu’il attendait d’un spectacle fait pour distraire et amuser, un spectacle populaire dans la foulée de la commedia dell’arte. Cela dit, je me demande s’il n’y a pas derrière tout ça une mise en cause de cette sainte institution, conservatrice de la société et une dénonciation de l’ennui qui submerge cette dernière quand un pouvoir trop lourd l’écrase. Je me souviens soudain qu’au moment où Jiří Šotola écrit cette histoire, la Bohême se trouve au cœur de la Tchécoslovaquie, laquelle étouffe et s’ennuie à mourir sous l’éteignoir soviétique. À finir pour finir, il nous reste, comme tel est notre usage, à tisser le linceul de ce vieux monde ennuyeux, sévère, tutélaire, lourd et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane