L’autre soir, au café-citoyen,
On m’a dit que j’étais, c’est magnifique,
Un citoyen parmi d’autres citoyens,
Un citoyen de la grande République
De tous les humains
Et que c’est chose démocratique.
Rentré chez moi, j’ai repensé
À ce merveilleux destin de l’être humain :
Être un citoyen.
Alors, je me suis dit : à la vérité,
Moi, je suis un sujet,
Sans doute, aussi un humain ;
Un peu citoyen, mais un sujet :
Cela, j’en suis certain.
Je suis même le sujet.
Un humain un peu distrait.
Citoyen de nulle part et de rien,
Un citoyen incertain.
L’autre soir, au café citoyen,
On m’a dit que j’étais, c’est magnifique,
Un citoyen parmi d’autres citoyens,
Un citoyen de la grande République
De tous les humains
Et que c’est chose démocratique.
Quand je dis : je suis,
Je suis celui que je dis qui est,
Je est le sujet.
Quand tu me dis, tu es ;
Je suis celui que tu dis qui est ;
Tu est le sujet.
Je suis encore le sujet
Quand, parlant de moi, il dit : il est ;
Je suis toujours encore le sujet.
Je suis celui qu’il dit qui est ;
Il est le sujet.
Là, je suis toujours le sujet
L’autre soir, au café citoyen,
On m’a dit que j’étais, c’est magnifique,
Un citoyen parmi d’autres citoyens,
Un citoyen de la grande République
De tous les humains
Et que c’est chose démocratique.
Tout bien considéré, je suis le sujet
De tous les verbes, à tous les temps :
Au présent, au parfait et à l’imparfait
Et au futur et j’en suis fort content.
Je suis le sujet, mais discret,
Presque carrément secret.
Je suis le sujet du verbe, moi,
Mais pas le sujet d’un roi,
Moins encore le fils d’une nation,
Le fidèle d’une religion,
Le membre d’une communauté,
Le frère d’une confraternité.
L’autre soir, au café citoyen,
On m’a dit que j’étais, c’est magnifique,
Un citoyen parmi d’autres citoyens,
Un citoyen de la grande République
De tous les humains
Et que c’est chose démocratique.
Être sujet est un curieux destin
Ma seule raison d’exister est d’être sujet,
J’en ai fait mon dessein,
Ma requête, mon affirmation :
Juste sujet, pas sujet d’intérêt,
Juste sujet de mon imagination,
Je suis en somme qu’un homme
Ni sujet d’attention, ni sujet de conversation,
Et tel sur le pommier, la pomme,
De mon balcon, je regarde le temps passer ;
Je suis celui qui est né,
Qui est, qui sera et qui aura été.
L’autre soir, au café citoyen,
On m’a dit que j’étais, c’est magnifique,
Un citoyen parmi d’autres citoyens,
Un citoyen de la grande République
De tous les humains
Et que c’est chose démocratique.
On m’a dit que j’étais, c’est magnifique,
Un citoyen parmi d’autres citoyens,
Un citoyen de la grande République
De tous les humains
Et que c’est chose démocratique.
Rentré chez moi, j’ai repensé
À ce merveilleux destin de l’être humain :
Être un citoyen.
Alors, je me suis dit : à la vérité,
Moi, je suis un sujet,
Sans doute, aussi un humain ;
Un peu citoyen, mais un sujet :
Cela, j’en suis certain.
Je suis même le sujet.
Un humain un peu distrait.
Citoyen de nulle part et de rien,
Un citoyen incertain.
L’autre soir, au café citoyen,
On m’a dit que j’étais, c’est magnifique,
Un citoyen parmi d’autres citoyens,
Un citoyen de la grande République
De tous les humains
Et que c’est chose démocratique.
Quand je dis : je suis,
Je suis celui que je dis qui est,
Je est le sujet.
Quand tu me dis, tu es ;
Je suis celui que tu dis qui est ;
Tu est le sujet.
Je suis encore le sujet
Quand, parlant de moi, il dit : il est ;
Je suis toujours encore le sujet.
Je suis celui qu’il dit qui est ;
Il est le sujet.
Là, je suis toujours le sujet
L’autre soir, au café citoyen,
On m’a dit que j’étais, c’est magnifique,
Un citoyen parmi d’autres citoyens,
Un citoyen de la grande République
De tous les humains
Et que c’est chose démocratique.
Tout bien considéré, je suis le sujet
De tous les verbes, à tous les temps :
Au présent, au parfait et à l’imparfait
Et au futur et j’en suis fort content.
Je suis le sujet, mais discret,
Presque carrément secret.
Je suis le sujet du verbe, moi,
Mais pas le sujet d’un roi,
Moins encore le fils d’une nation,
Le fidèle d’une religion,
Le membre d’une communauté,
Le frère d’une confraternité.
L’autre soir, au café citoyen,
On m’a dit que j’étais, c’est magnifique,
Un citoyen parmi d’autres citoyens,
Un citoyen de la grande République
De tous les humains
Et que c’est chose démocratique.
Être sujet est un curieux destin
Ma seule raison d’exister est d’être sujet,
J’en ai fait mon dessein,
Ma requête, mon affirmation :
Juste sujet, pas sujet d’intérêt,
Juste sujet de mon imagination,
Je suis en somme qu’un homme
Ni sujet d’attention, ni sujet de conversation,
Et tel sur le pommier, la pomme,
De mon balcon, je regarde le temps passer ;
Je suis celui qui est né,
Qui est, qui sera et qui aura été.
L’autre soir, au café citoyen,
On m’a dit que j’étais, c’est magnifique,
Un citoyen parmi d’autres citoyens,
Un citoyen de la grande République
De tous les humains
Et que c’est chose démocratique.
Contributed by Marco Valdo M.I. - 2020/2/17 - 22:21
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Chanson française – Le Sujet – Marco Valdo M.I. – 2020
L’autre soir, Lucien l’âne mon ami, je suis allé – on m’avait invité – au café-citoyen. Ce n’était pas le Procope de la grande époque, mais il s’en inspirait un peu.
Marco Valdo M.I. mon ami, souviens-toi, j’y étais avec toi comme c’est souvent le cas. Et donc, un café-citoyen, pour ce que j’en ai vu, est un endroit où on cause, mais de façon, en quelque sorte, citoyenne. Et ça change tout.
Ah bon !, s’exclame Marco Valdo M.I., ça change tout ?
Oui, ça change tout, répond Lucien l’âne, car c’est une conversation de café, mais organisée, lâchement disciplinée et sérieuse ; on y cause de sujets graves et même, gravement : de sujets citoyens. Cela dit, comme j’ai pu le constater, les gens ne s’interpellent pas du nom de citoyen Machin, citoyenne Machine. Il n’y était heureusement pas plus question d’une autre appellation du genre : frère Truc, Sœur Bidule, ou autre ; on s’en tenait sagement au prénom.
Je vois, j’entends, je pressens, Lucien l’âne mon ami, que tu as suivi cette expérience d’un œil d’âne entomologiste. Mais n’importe ; de mon côté, j’en ai fait une chanson dont je te livre la primeur. Une chanson à la Mani Matter, ce Suisse au-dessus de tout soupçon vu qu’il est l’auteur de « Si hei dr Wilhälm Täll ufgfüert », écrite et chantée par lui en Schwyzertüütsch – en Alémanique – et même plus exactement, en Bärndüdsch – en bernois, chanson dont j’avais fait deux versions françaises sous le titre « On a joué Guillaume Tell ».
Oh, je me souviens, dit Lucien l’âne, de cette chanson et elle me rappelle toujours, irrésistiblement « Il Figlio di Guglielmo Tell », chanson en comasque – la langue du pays de Côme, en français : « Le fils de Guillaume Tell », de l’aussi talentueux Davide Van De Sfroos, que tu as eu le mérite d’amener en français. Mais, je t’en prie, ne nous égarons pas dans les montagnes.
En effet, dit Marco Valdo M.I., nous étions au café-citoyen et après en rentrant chez moi – comme le chante Mani Matter, encore lui et toujours en Bärndüdsch – en bernois, dans Dynamit, j’y ai repensé à cette soirée.
« Einisch ir Nacht won i spät no bi gloffe
D'Bundesterrasse z'düruf gäge hei
...
Une nuit, je rentre tard chez moi,
Je traverse la Terrasse Fédérale... »
Et pour m’éclaircir les idées, j’ai mis quelques mots sur le papier (si tu veux, je te le montrerai) et j’en ai fait ceci. Je sais, je sais, ce sont des petits mots, mais ce sont les miens et très exceptionnellement, ils parlent de moi et plus exactement, de n’importe quel moi pris, comme l’est mon moi, dans les tourments de La Guerre de Cent mille ans, ballotté dans les vagues folles de cet océan. Un moi qui essaye de ne pas connaître le sort du petit bateau de pêche que chantait Georges Brassens, un petit bateau dont je t’avais déjà parlé quand on dialoguait d’El barco de papel, que j’ai traduis par « Le Bateau de Papier ». Bref, j’étais tout retourné d’avoir pour un soir expérimenté l’être du citoyen.
Et alors ?, dit Lucien l’âne.
Et alors, Lucien l’âne mon ami, cette expérience m’a servi de leçon ; j’ai compris que je ne suis pas du tout citoyen, que les caucus m’effrayent et que la vie en bande me désole et m’ennuie. Je te l’avoue, je suis cavernicole, je me sens ermite et j’éprouve un fort penchant pour les cénobites tranquilles. Maintenant, deux mots de la chanson elle-même. Son secret de construction qui tient au fait inéluctable que « Je est le sujet », même si on a prétendu que « Je est un autre » – ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas d’être sujet, mais là c’est une autre affaire. À partir de cette simple affirmation : « Je suis sujet », a commencé la chanson. Comprends bien, Lucien l’âne mon ami, que le sujet est celui qui vit, qui fait, qui agit, qui est le fondement de sa vie. C’est la chanson de chacun, révélé à lui-même, car au début comme à la fin, la vie est par le sujet. Sans lui, elle n’existe pas. C’est donc à lui, au sujet de ne jamais se soumettre, car pour lui, se soumettre, ce serait cesser d’exister. D’aucuns ajoutent, mais ils parlent de la seule pensée, qu’il convient de ne se soumettre ni à un dogme, ni à un parti, ni à une passion, ni à un intérêt, ni à une idée préconçue, ni à quoi que ce soit, si ce n’est aux faits eux-mêmes, parce que, pour elle (la pensée), se soumettre, ce serait cesser d’être, reprenant à vrai dire une phrase d’Henri Poincaré. Donc, il convient de ne jamais se soumettre sous peine de passer de sujet-acteur du verbe à sujet de quelqu’un, sujet de quelque chose et de perdre sa liberté et son unicité, ce petit rien qui fait la vie.
Oh, dit Lucien l’âne, arrête tout de suite, tu philosophes et ce n’est pas le lieu, ni le temps.
Comme toujours !, dit Marco Valdo M.I.
Alors, conclut Lucien l’âne, tissons le linceul de ce vieux monde citoyen, démocratique, massifiant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane