« Silence les Gueux ! Sans parler, sans chanter,
Sans bruit, filons tout droit à l’étoile. »
Les fins patins de fer griffent la glace.
« Qui tombe se relève !, dit Till. Venez ! »
Pas une ombre humaine sur le sol gelé,
Pas un oiseau ne frémit dans l’air léger,
« Les chiens de la ferme ont aboyé.
Déchaussez vos patins, on est arrivés. »
Till frappe le portail du grand heurtoir,
À l’étage, une fenêtre s’ouvre dans le noir.
« Qui va là ? », « Messager d’Albe ».
La porte s’ouvre. Vingt Gueux entrent.
Till dit : « Slosse, traître batelier
Qui en embuscade fit tomber
Dix-huit Gueux, l’autre printemps,
Paie à présent le prix du sang ! »
« Ô Gueux ! Votre pitié, votre pardon !
Je ne savais, j’ignorais
Le sort qui les attendait. »
« Où caches-tu le salaire de l’espion ? »
« Je n’ai pas cet argent, je n’ai plus cet or. »
D’une planche, un pot à fleurs tombe alors ;
Ducats et florins roulent à terre en tintant fort.
« Tiens, le voilà revenu, le trésor ! »
Et Slosse tempête et hurle « Aux voleurs ! »
Valets et servantes viennent au secours.
Les Gueux garrottent les hommes en un tour ;
Les femmes, en linge, sanglotent de peur.
Plus tard, tous repartent vers les bateaux,
Poussant les traîneaux chargés de tonneaux,
Pourchassant par les cornes, par les naseaux,
Bœufs, cochons, moutons, chevaux.
Mettez les ceintures aux vaches et aux veaux,
Tirez les poulies, hissez bien haut !
Les pigeons dans les paniers roucoulent,
Dans les cages, caquètent chapons et poules.
Dans la cale, oies et poulardes seront mieux.
Je suis le Maître Queux ! Vive les Gueux !
« Demain, dit Lamme, sera musique de cuisine ;
Demain, tous ensemble, chez Lamme, on dîne. »
Sans bruit, filons tout droit à l’étoile. »
Les fins patins de fer griffent la glace.
« Qui tombe se relève !, dit Till. Venez ! »
Pas une ombre humaine sur le sol gelé,
Pas un oiseau ne frémit dans l’air léger,
« Les chiens de la ferme ont aboyé.
Déchaussez vos patins, on est arrivés. »
Till frappe le portail du grand heurtoir,
À l’étage, une fenêtre s’ouvre dans le noir.
« Qui va là ? », « Messager d’Albe ».
La porte s’ouvre. Vingt Gueux entrent.
Till dit : « Slosse, traître batelier
Qui en embuscade fit tomber
Dix-huit Gueux, l’autre printemps,
Paie à présent le prix du sang ! »
« Ô Gueux ! Votre pitié, votre pardon !
Je ne savais, j’ignorais
Le sort qui les attendait. »
« Où caches-tu le salaire de l’espion ? »
« Je n’ai pas cet argent, je n’ai plus cet or. »
D’une planche, un pot à fleurs tombe alors ;
Ducats et florins roulent à terre en tintant fort.
« Tiens, le voilà revenu, le trésor ! »
Et Slosse tempête et hurle « Aux voleurs ! »
Valets et servantes viennent au secours.
Les Gueux garrottent les hommes en un tour ;
Les femmes, en linge, sanglotent de peur.
Plus tard, tous repartent vers les bateaux,
Poussant les traîneaux chargés de tonneaux,
Pourchassant par les cornes, par les naseaux,
Bœufs, cochons, moutons, chevaux.
Mettez les ceintures aux vaches et aux veaux,
Tirez les poulies, hissez bien haut !
Les pigeons dans les paniers roucoulent,
Dans les cages, caquètent chapons et poules.
Dans la cale, oies et poulardes seront mieux.
Je suis le Maître Queux ! Vive les Gueux !
« Demain, dit Lamme, sera musique de cuisine ;
Demain, tous ensemble, chez Lamme, on dîne. »
envoyé par Marco Valdo M.I. - 6/12/2018 - 10:50
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Chanson française – Visite à la Ferme – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 115
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, XVII)
L’autre jour, dit Lucien l’âne, on a fait ici la version française d’une chanson italienne (La fattoria degli animali), une version qu’on avait intitulée « La Ferme des Animaux ». Est-ce la suite ?
Oh non, pas du tout, se récrie Marco Valdo M.I., et tu le sais fort bien, puisque celle-ci est une chanson de la Légende, un épisode de la Geste de Till. De plus, faux devin, elle ne raconte pas du tout la même chose. C’est forcé, rappelle-toi, nous avions laissé Till, Lamme et compagnie – toute une flotte en vérité – devant Amsterdam. Depuis des jours, Till et son équipage vivaient sur la Brielle prise par le gel au beau milieu du détroit de l’IJ et le temps passant, les vivres vinrent à manquer.
Ohé, ohé !, chante soudain Lucien l’âne. Ohé, ohé, matelot…
Non, Lucien l’âne mon ami, on ne tirera pas à la courte paille pour savoir qui sera mangé, car Lamme se révèle et impose une expédition à terre pour s’emparer de la ferme du félon afin de réapprovisionner la flotte entière. Till décide de prendre la tête de ce raid. On en était resté là.
De ça, je me souviens, déclare Lucien l’âne, et je brûle de connaître la suite ; d’autant, si je m’en souviens bien qu’il est aussi question d’aller châtier ce traître, le dénommé Slosse, qui avait vendu des Gueux aux Espagnols ; des Gueux que les Espagnols avaient décapités sur le marché aux Chevaux du Petit Sablon à Bruxelles, un jour en plein midi.
Exactement, dit Marco Valdo M.I., la Visite à la Ferme commence là, quand le commando s’élance dans la nuit et s’empare de la ferme, du fermier, des autres gens, de vivres et du bétail. Il fait également main basse sur le trésor (dix mille florins, une fortune !) du délateur. Puis, ils ramènent le tout au bateau. Voilà pour l’action.
Pour de l’action, s’exclame Lucien l’âne, on peut dire qu’il y a de l’action. Aller-retour en pleine nuit, un vrai rezzou. Mais tu voulais ajouter quelque chose ?
Bien sûr, assure Marco Valdo M.I. sans acrimonie, et merci de me le rappeler. Je voulais une fois encore attirer ton attention sur la métamorphose de Lamme, qui soudain devient non pas un scarabée, mais un chef, un maître, par la grâce de la cuisine. Non seulement, au nom de son engagement à nourrir l’équipage, il impose à Till son autorité en imposant cette razzia du la ferme, mais ensuite, de son propre chef, il organise la célébration de sa victoire en une fête de cuisine.
« Demain, tous ensemble, chez Lamme, on dîne. »
Oui, poursuit Lucien l’âne, on est loin du Lamme, pleutre et pleurnichard, qu’on a connu au début de la Geste. Voyons ça et puis, tissons le linceul de ce vieux monde lâche, pleutre, traître, veule, félon et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane