La bataille finie, on dénombre
Un à un, les cadavres des uns ;
Un par un, les cadavres des autres :
Espagnols : mille ; Gueux : trois cent un.
Et parmi tous ceux-là anonymes
On retrouve de la Brielle, le maître-queux.
Pour le navire, c’est un problème :
Comment nourrir le capitaine et les Gueux ?
Alors, Till demande la parole
Et l’ayant obtenue, à l’équipage, il dit :
« Je ne dirai pas de fariboles.
Notre queux est mort, tué par l’ennemi.
Messire capitaine et vous compères,
Un cuisinier doit avoir belle bedaine
Et le goût et l’art de manger de nos pères.
Nommons, chef-coq, Lamme la bedaine.
Avec un tel cuistot, chaque jour en nos écuelles,
Ce sera céleste bénédiction : jambons
Potages, ragoûts, bières et vins bons,
Nous aurons sans dégarnir nos escarcelles. »
Lamme en pleurs, de joie, répond :
« J’accepte d’être cuistot de marine,
Si je peux être maître en ma cuisine. »
Et les Gueux crient : « Nous le voulons ! »
« Je suis gros, gras et grand garçon
Et mon estomac est fort profond.
Je demande double portion
Et les Gueux crient : « Nous le voulons ! »
Till dit : « Lamme, maintenant,
Pour être coq, il te faut prêter serment
Sur la louche et le chaudron,
Objets sacrés de ta religion. »
Lamme dit : « Je jure fidélité
Au Taiseux, prince de liberté,
Je jure de vous nourrir du meilleur et du mieux
Selon les recettes des grands maîtres-queux.
Et si le rôt est trop saignant,
Si la volaille est une vergogne,
Si je ne vous fais pas de belles trognes,
Je laisserai mon trône de chef au suivant. »
Un à un, les cadavres des uns ;
Un par un, les cadavres des autres :
Espagnols : mille ; Gueux : trois cent un.
Et parmi tous ceux-là anonymes
On retrouve de la Brielle, le maître-queux.
Pour le navire, c’est un problème :
Comment nourrir le capitaine et les Gueux ?
Alors, Till demande la parole
Et l’ayant obtenue, à l’équipage, il dit :
« Je ne dirai pas de fariboles.
Notre queux est mort, tué par l’ennemi.
Messire capitaine et vous compères,
Un cuisinier doit avoir belle bedaine
Et le goût et l’art de manger de nos pères.
Nommons, chef-coq, Lamme la bedaine.
Avec un tel cuistot, chaque jour en nos écuelles,
Ce sera céleste bénédiction : jambons
Potages, ragoûts, bières et vins bons,
Nous aurons sans dégarnir nos escarcelles. »
Lamme en pleurs, de joie, répond :
« J’accepte d’être cuistot de marine,
Si je peux être maître en ma cuisine. »
Et les Gueux crient : « Nous le voulons ! »
« Je suis gros, gras et grand garçon
Et mon estomac est fort profond.
Je demande double portion
Et les Gueux crient : « Nous le voulons ! »
Till dit : « Lamme, maintenant,
Pour être coq, il te faut prêter serment
Sur la louche et le chaudron,
Objets sacrés de ta religion. »
Lamme dit : « Je jure fidélité
Au Taiseux, prince de liberté,
Je jure de vous nourrir du meilleur et du mieux
Selon les recettes des grands maîtres-queux.
Et si le rôt est trop saignant,
Si la volaille est une vergogne,
Si je ne vous fais pas de belles trognes,
Je laisserai mon trône de chef au suivant. »
envoyé par Marco Valdo M.I. - 22/11/2018 - 11:34
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Chanson française – Le Maître de Cuisine – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 110
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, XIII)
C’est une situation terrible, Lucien l’âne mon ami, quand sur un bateau, on perd le maître-queux.
Mais, dis-moi, Marco Valdo M.I., le maître-queux, c’est bien un cuisinier.
Exactement, Lucien l’âne mon ami, c’est même le cuisinier, c’est le chef-coq. C’est le grand responsable du ravitaillement, des vivres et des repas et crois-moi, c’est une responsabilité considérable, car ce n’est pas chose de peu d’assurer cette intendance. Une intendance qui elle-même est d’une importance capitale. Considère ceci que sur un navire chacun a ses tâches, mais tous mangent et boivent. Voilà pour la logistique, mais outre que d’être servies à temps et en quantité suffisante, les nourritures comme les boissons doivent être diversifiées et correctement préparées. À cela, il faut ajouter que manger est aussi matière de goût.
Je sais tout ça, dit Lucien l’âne. Ainsi, pour nous les ânes, c’est pareil. Il faut à boire à suffisance et d’une eau pure ; il faut une nourriture en quantité, fort diversifiée et de qualité. Ce sont les conditions indispensables, sans quoi, on devient moroses et on perd tout entrain.
C’est pareil pour les équipages, reprend Marco Valdo M.I., pour lesquels il faut ajouter la qualité des préparations, des accompagnements, des sauces et des épices. Un équipage bien nourri est un équipage heureux et un équipage heureux est gage d’ardeur à la tâche et au combat. De sorte que l’art culinaire devient un art fondamental de la guerre ; un fait qui est la plupart du temps négligé par les armées et souvent ignoré des grands théoriciens militaires.
Mais au fond, Marco Valdo M.I. mon ami, pourquoi racontes-tu tout ça ?
Et bien, Lucien l’âne mon ami, parce que c’est le thème de la chanson. Je te le résume. Lors de la bataille navale relatée dans la chanson « Sus au Trésor de Guerre », il y eut de nombreux morts de part et d’autre et dans cette hécatombe a péri le cuisinier du vaisseau La Brielle, commandé par Trèslong et sur lequel Nelle, Till et Lamme se trouvent engagés. Évidemment, on ne peut attendre pur remplacer un pareil personnage et c’est Lamme qui est choisi et en quelque sorte, plébiscité par l’équipage. Je te laisse découvrir la suite avec la chanson.
Tu as bien raison, Marco Valdo M.I. mon ami, de ne pas tout me dire. J’aurai encore le plaisir de la surprise. Et maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde glouton, goûteux, goûteur, gourmet, gourmand, goulafre, goulaffe et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane