À l’assemblée des Gueux Sauvages,
Till dit : « L’Inquisition a rappelé l’usage :
Le Roi d’Espagne l’a proclamé :
L’hérésie est crime de lèse-majesté !
Le Roi hérite.
Tout et un chacun des Pays,
Sauf exception, est coupable.
Tout et un chacun des Pays,
Sans recours ni grâce, est condamnable.
Le Roi hérite.
Dans les Pays balayés par la haine
De la Mer du Nord à la Lorraine,
Dans les campagnes et dans les villes,
La Mort rit et jubile.
Le Roi hérite.
Albe, onze mille, onze mille bourreaux embauche.
Albe baptise « soldats », ses égorgeurs ;
À grands pas avancent ces moissonneurs.
La Mort et la Ruine fauchent.
Le Roi hérite.
La terre des pères est un charnier ;
Les arts la délaissent, les métiers la quittent,
Les industries l’abandonnent, les paysans fuient
Pour aller vivre ailleurs, l’esprit en liberté.
Le Roi hérite.
Pour vivre en paix et prospérité,
Les Pays aux Princes avaient acheté
Les privilèges et la liberté.
L’Espagne les a confisqués.
Le Roi hérite.
Dans tous les Pays, sang et larmes !
Sur tout les Pays, sonne l’alarme !
La soldatesque viole et tue par milliers,
La Mort fauche sur les bûchers,
Le Roi hérite.
Au bord des routes, les arbres font potence,
Les enfants sont jetés dans les fosses d’aisance ;
Dans les prisons, l’envahisseur noie les gens,
Dans les huttes de paille à petit feu meurent les patients.
Le Roi hérite.
Les Pays de soldats du Roi regorgent,
Dans les rues, dans les quartiers, ils égorgent.
Partout, meurent les bons hommes,
Ainsi l’a voulu le Pape de Rome.
Le Roi hérite.
Dans les bourgs et les villages éperdus,
Les rires d’enfants se sont tus ;
Par milliers geignent les morts d’hier,
Les Pays tremblent dans cet hiver.
Le Roi hérite. »
Till dit : « L’Inquisition a rappelé l’usage :
Le Roi d’Espagne l’a proclamé :
L’hérésie est crime de lèse-majesté !
Le Roi hérite.
Tout et un chacun des Pays,
Sauf exception, est coupable.
Tout et un chacun des Pays,
Sans recours ni grâce, est condamnable.
Le Roi hérite.
Dans les Pays balayés par la haine
De la Mer du Nord à la Lorraine,
Dans les campagnes et dans les villes,
La Mort rit et jubile.
Le Roi hérite.
Albe, onze mille, onze mille bourreaux embauche.
Albe baptise « soldats », ses égorgeurs ;
À grands pas avancent ces moissonneurs.
La Mort et la Ruine fauchent.
Le Roi hérite.
La terre des pères est un charnier ;
Les arts la délaissent, les métiers la quittent,
Les industries l’abandonnent, les paysans fuient
Pour aller vivre ailleurs, l’esprit en liberté.
Le Roi hérite.
Pour vivre en paix et prospérité,
Les Pays aux Princes avaient acheté
Les privilèges et la liberté.
L’Espagne les a confisqués.
Le Roi hérite.
Dans tous les Pays, sang et larmes !
Sur tout les Pays, sonne l’alarme !
La soldatesque viole et tue par milliers,
La Mort fauche sur les bûchers,
Le Roi hérite.
Au bord des routes, les arbres font potence,
Les enfants sont jetés dans les fosses d’aisance ;
Dans les prisons, l’envahisseur noie les gens,
Dans les huttes de paille à petit feu meurent les patients.
Le Roi hérite.
Les Pays de soldats du Roi regorgent,
Dans les rues, dans les quartiers, ils égorgent.
Partout, meurent les bons hommes,
Ainsi l’a voulu le Pape de Rome.
Le Roi hérite.
Dans les bourgs et les villages éperdus,
Les rires d’enfants se sont tus ;
Par milliers geignent les morts d’hier,
Les Pays tremblent dans cet hiver.
Le Roi hérite. »
Contributed by Marco Valdo M.I. - 2018/5/26 - 21:16
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Chanson française – Le Roi hérite – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 49
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, V)
Lucien l’âne mon ami, il faut parfois transgresser les règles, les lois et les usages, surtout quand ils constituent un frein à la juste liberté, celle de vivre d’abord pour soi ou une légitime remise en cause des usages du pouvoir. C’est un épisode du genre que raconte la chanson. Elle martèle son titre comme Héphaïstos forgeant l’éclair de Zeus, car ce titre « Le Roi hérite » inique une des raisons les plus profondes de la révolte des Gueux, mais également le leitmotiv du discours de Till à l’assemblée des Gueux Sauvages, qui forment ce qu’on appelle ici de nos jours : un mouvement citoyen, mouvement qui déborde largement les cadres traditionnels et organisés de la société. Comme tu le verras, Till exprime les choses très directement. En fait, il est là aussi pour soulever l’indignation des populations, alimenter la ferveur populaire et recruter des troupes pour appuyer les armées du Taiseux face aux soudards espagnols du Duc d’Albe.
Ah, Marco Valdo M.I. mon ami, comme à l’ordinaire, il me faut te rappeler à l’explicitation du titre. Qu’en est-il de ce « Le Roi hérite » ?
Excuse-moi, Lucien l’âne, mais il me semblait avoir déjà fait état de cette coutume assez féodale qui veut que lorsque quelqu’un est condamné à mort, le Roi hérite de ses biens et le cas échéant, en laisse une partie au dénonciateur. C’était ce qui s’était produit pour Claes le charbonnier, père de Till. Ceci aussi explique la hargne de Till tout au long de ce discours et de sa vie, où il répétera souvent pour expliquer son engagement de révolté : « Les cendres de Claes battent sur ma poitrine ». On ne saurait négliger cette dimension émotionnelle qui est un des fils conducteurs de toute l’histoire de Till, l’esprit de liberté.
Maintenant que tu le dis, Marco Valdo M.I. mon ami, en effet, je m’en souviens.
Cependant, reprend Marco Valdo M.I., ce mécanisme d’héritage, outre d’attiser l’avidité royale, va donner du tonus à une exigence de l’Inquisition, qui de son côté, entend détruire les hérétiques et rappelle que l’hérésie est un crime de lèse-majesté et double encore bien : lèse-majesté divine et lèse-majesté royale et de ce fait, est puni de la peine de mort. Et à la fin, le Roi hérite.
Tout ça, dit Lucien l’âne, doit avoir des effets terribles sur la population.
Certainement, mon ami Lucien l’âne, mais comme le discours de Till est fort détaillé, je lui laisse fournir la description des dégâts que tout cela engendre. Évidemment, le zèle du Duc d’Albe et la rapacité de ses mercenaires vont encore amplifier ces phénomènes.
Écoutons donc notre ami Till, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde toujours en crise, toujours malade de l’avidité et de la croyance, toujours victime des délires religieux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane