Au 15 août, jour de Marie
Et de la bénédiction des herbes et des racines,
Sourdes aux appels du coq qui les prie,
Les poules se couchent sous les glycines.
À l’entrée d’Anvers, un Italien aux ordres du Chien rouge,
Brisa le grand crucifix de pierre.
La grande Procession de la Vierge, avec ses fous verts,
Passait là en son cortège jaune et rouge.
Insultée, moquée en chemin
Par des groupes d’inconnus,
La Procession fit demi-tour tout soudain
Et rentra au bercail d’un pas soutenu.
Till et Lamme se précipitent à l’église alors.
On remise la Vierge en son chœur,
Des gueulards, des claque-dents, des chahuteurs
Font un grand tapage, inopportun en ce décor.
Ceux-là, en ville, nul ne les avait jamais vus.
Ceux-là, en ville, nul ne les vit jamais plus.
Till dit aux hommes présents en l’édifice marial :
« Ces loqueteux sont des agents du Cardinal ».
À ceux-là, Till fit cette déclaration :
« Museaux d’ânes, ce tintement qu’on entend
Sonner en vos escarcelles, cet argent
Est le prix de vos trahisons ! »
Et les coquillards répliquent, raillant la Dame :
« Mieke a une belle robe, Mieke a une belle couronne
Je les donnerai à ma dame. »
Ils frappent Till de coups qui résonnent.
Suite au tumulte, le markgrave vint
Avec ses sergents, au moins vingt.
Il regarda faire et est reparti
Et les vingt sergents aussi.
Les inconnus encore crient à tue-tête :
« Sac et délogement ! Au bon duc, le Brabant !
À l’eau les saints de bois, faisons la fête !
Vive le Gueux ! Au bon duc, le Brabant ! »
Till et Lamme disent : « Gens de ville, bourgeois,
C’est œuvre de traîtres. Ne saccagez pas !
Ne pillez pas ! C’est grande Provocation
Et le duc d’Albe viendra avec l’Inquisition. »
Et de la bénédiction des herbes et des racines,
Sourdes aux appels du coq qui les prie,
Les poules se couchent sous les glycines.
À l’entrée d’Anvers, un Italien aux ordres du Chien rouge,
Brisa le grand crucifix de pierre.
La grande Procession de la Vierge, avec ses fous verts,
Passait là en son cortège jaune et rouge.
Insultée, moquée en chemin
Par des groupes d’inconnus,
La Procession fit demi-tour tout soudain
Et rentra au bercail d’un pas soutenu.
Till et Lamme se précipitent à l’église alors.
On remise la Vierge en son chœur,
Des gueulards, des claque-dents, des chahuteurs
Font un grand tapage, inopportun en ce décor.
Ceux-là, en ville, nul ne les avait jamais vus.
Ceux-là, en ville, nul ne les vit jamais plus.
Till dit aux hommes présents en l’édifice marial :
« Ces loqueteux sont des agents du Cardinal ».
À ceux-là, Till fit cette déclaration :
« Museaux d’ânes, ce tintement qu’on entend
Sonner en vos escarcelles, cet argent
Est le prix de vos trahisons ! »
Et les coquillards répliquent, raillant la Dame :
« Mieke a une belle robe, Mieke a une belle couronne
Je les donnerai à ma dame. »
Ils frappent Till de coups qui résonnent.
Suite au tumulte, le markgrave vint
Avec ses sergents, au moins vingt.
Il regarda faire et est reparti
Et les vingt sergents aussi.
Les inconnus encore crient à tue-tête :
« Sac et délogement ! Au bon duc, le Brabant !
À l’eau les saints de bois, faisons la fête !
Vive le Gueux ! Au bon duc, le Brabant ! »
Till et Lamme disent : « Gens de ville, bourgeois,
C’est œuvre de traîtres. Ne saccagez pas !
Ne pillez pas ! C’est grande Provocation
Et le duc d’Albe viendra avec l’Inquisition. »
Contributed by Marco Valdo M.I. - 2018/5/13 - 21:31
×
Note for non-Italian users: Sorry, though the interface of this website is translated into English, most commentaries and biographies are in Italian and/or in other languages like French, German, Spanish, Russian etc.
Chanson française – La grande Provocation – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 40
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XV)
Je suppose, Lucien l’âne mon ami, que tu n’ignores pas ce que peut être une provocation. Disons pour fixer les idées qu’une provocation au sens où l’entend la chanson, intitulée justement « La grande Provocation », est une manœuvre secrètement organisée par un pouvoir pour déclencher des troubles qui vont lui permettre de justifier une répression en toute « légalité » (laquelle au demeurant est la plupart du temps définie par ce même pouvoir), si ce n’est aux yeux du même pouvoir, en toute légitimité.
Laisse-moi d’abord te saluer, Marco Valdo M.I. mon ami et puis, il me semble que cette autojustification est à l’évidence un serpent qui se mord la queue. C’est d’ailleurs une pratique fort ancienne, on en a des exemples dans la plus haute Antiquité.
Je n’en doute pas un instant, répond Marco Valdo M.I.. Elle était une pratique courante dans le gouvernement des Tsars de Russie et même, chez leurs successeurs. En ce qui concerne la chanson, on dira que la provocation est une habitude usuelle chez les dirigeants espagnols. Mais ne nous égarons pas, la grande Provocation dont parle la chanson ne doit en aucun cas être comprise en référence à des événements contemporains et qui plus est, une telle idée ne nous est certainement pas venue en tête ; en fait, elle se situe au XVIième siècle et plus précisément, à un 15 août d’il y a environ 450 ans.
C’était il y a longtemps quand même, dit Lucien l’âne.
Oui, bien sûr, et rassure-toi Lucien l’âne mon ami, les choses ont évolué. On ne fait plus ainsi de nos jours, du moins dans nos régions. Les religions se sont calmées et c’est une bonne chose. Cela dit, ce que raconte la chanson est un épisode d’une provocation gigantesque et systématique qui va, comme souvent les provocations, pousser les opposants ou les adversaires du pouvoir à des actes de rébellion et comme on a pu le voir encore récemment, l’accusation de rébellion est considérée par le pouvoir comme très grave et lui permet de disqualifier tout le discours et toute la politique de l’adversaire. Donc, la provocation s’appuie toujours sur un mouvement authentique et en lutte contre le pouvoir ; ici, on voit le mouvement des iconoclastes en action. C’était un mouvement qui, comme une série de mouvements religieux, reposait sur l’idée qu’il est sacrilège de représenter des figures humaines ou animales et qui avait débouché sur la destruction des images et des statues par une minorité calviniste. Un mouvement qui fut fortement amplifié de sorte à permettre et justifier intervention militaire espagnole et entraîner les événements qui eux-mêmes déclencheront la guerre de 80 ans. J’arrête là, car ici, on ne fait pas œuvre d’historiens, on se contente de raconter l’histoire de Till et de Lamme. L’événement de la chanson, c’est la mise à sac d’une église d’Anvers, qui sera prolongé par d’autres du même genre débouchant sur un mouvement plus étendu, connu sous le nom de mouvement des iconoclastes. La chanson ne dit donc pas tout, elle est une illustration, une sorte d’instantané, un tableau. En ce sens, c’est une évocation.
Certes, répond Lucien l’âne. Mais j’aimerais comprendre le rôle de Till et de Lamme dans cette tumultueuse séquence.
D’abord, reprend Marco Valdo M.I., nous savons que Till (principalement et accessoirement, Lamme) est un agent secret du mouvement réformé et indépendantiste vis-à-vis de l’Espagne, un agent secret des Gueux et il parcourt les Pays pour sauver ce qui peut l’être de la furia espagnole, bras armé du catholicisme le plus fanatique, qui se prépare à déferler sur les Pays. Cependant, laisse-moi te le dire dès maintenant, on verra à la fin que Till, c’est bien autre chose. Till, c’est l’esprit de liberté courant le monde et en cela, il déborde le cadre de la Réforme. En effet, si la Réforme bouscule l’absolutisme et le monopole catholiques, elle n’est qu’une étape dans la libération de l’humaine nation par rapport aux religions, aux religieux et à tout ce qui en découle.
Attendons donc de connaître toute l’histoire de Till pour conclure. Cependant, il nous faut poursuivre (hic et nunc) notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde croyant, crédule, religieux, meurtri et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane