Hier, lundi 22, François est entré dans ma classe
Les genoux cagneux, les godillots couverts de crasse
Le père Louis-Marie l’a présenté, l’a fait s’asseoir
Mon cours a repris au temps des invasions barbares
23 février, je regarde par le carreau
Mes 16 écoliers dans la cour avec le nouveau
Notre pensionnat cache aujourd’hui dans sa chapelle
Un petit François, qui, je le sais, s’appelle Samuel
Mercredi 3 mars, nous sommes allés dans la forêt
Tailler des échasses, chanter Aux marches du palais
Parmi les fougères, par brassées nous avons cueilli
Pour la cuisinière tout un repas de pissenlits
Ce soir, mardi 30, nous ne pouvons plus nous chauffer
Le charbon nous manque, les enfants dorment emmitouflés
Même au réfectoire, la soupe est de plus en plus claire
Le pain se fait rare, et tout ce qui est rare est cher
Ce jeudi 1er, j’ai reçu par le marchand de bois
Une lettre cachetée que je dois remettre à François
Sa mère lui écrit d’un petit village de Provence
Mais le ciel est gris, on a coupé en deux la France
Nous savons tous deux que passer de l’autre côté
Est un jeu dangereux, si le commis du boulanger
Livrait dans un bois, pour quelques billets criminels
Ceux qui, comme François, ont été prénommés Samuel
Mercredi 3 juin, on parle de rafles sauvages
L’étau quotidien se resserre encore davantage
Nous sentons tanguer la coquille de noix du destin
Dont mon protégé est le passager clandestin
11 juin, mardi, les boucs émissaires de la peur
Sont au pilori, une cible cousue sur le cœur
François, vendredi, me dit qu’il va tenter sa chance
Partir à minuit pour le Midi, pour la Provence
Juillet sous la pluie, nous ne gardons que peu d’enfants
La père Louis-Marie veut rejoindre les combattants
Ce 4 août, au soir, il vient de me serrer la main
Dernier au revoir, je crois que j’ai peur pour demain
J’aime la rentrée, les bérets aux porte-manteaux
L’odeur des plumiers, les doigts levés de mes minots
Mais dans la journée, parfois, je regarde la vitre
Il n’a rien laissé dans le casier de son pupitre
Enfin, je reçois fin septembre de ses nouvelles
Un mot de François, qui cette fois, signe Samuel
Il me remercie, dit qu’il a trouvé du boulot
Dans une épicerie, et que, dans le sud, il fait beau
Lundi 11 novembre, un encrier s’est renversé
Sur la carte de France, tout le Sud en est maculé
Dans le contre jour, d’un coup, j’ai revu ses yeux noirs
J’ai repris mon cours au temps des invasions barbares
Les genoux cagneux, les godillots couverts de crasse
Le père Louis-Marie l’a présenté, l’a fait s’asseoir
Mon cours a repris au temps des invasions barbares
23 février, je regarde par le carreau
Mes 16 écoliers dans la cour avec le nouveau
Notre pensionnat cache aujourd’hui dans sa chapelle
Un petit François, qui, je le sais, s’appelle Samuel
Mercredi 3 mars, nous sommes allés dans la forêt
Tailler des échasses, chanter Aux marches du palais
Parmi les fougères, par brassées nous avons cueilli
Pour la cuisinière tout un repas de pissenlits
Ce soir, mardi 30, nous ne pouvons plus nous chauffer
Le charbon nous manque, les enfants dorment emmitouflés
Même au réfectoire, la soupe est de plus en plus claire
Le pain se fait rare, et tout ce qui est rare est cher
Ce jeudi 1er, j’ai reçu par le marchand de bois
Une lettre cachetée que je dois remettre à François
Sa mère lui écrit d’un petit village de Provence
Mais le ciel est gris, on a coupé en deux la France
Nous savons tous deux que passer de l’autre côté
Est un jeu dangereux, si le commis du boulanger
Livrait dans un bois, pour quelques billets criminels
Ceux qui, comme François, ont été prénommés Samuel
Mercredi 3 juin, on parle de rafles sauvages
L’étau quotidien se resserre encore davantage
Nous sentons tanguer la coquille de noix du destin
Dont mon protégé est le passager clandestin
11 juin, mardi, les boucs émissaires de la peur
Sont au pilori, une cible cousue sur le cœur
François, vendredi, me dit qu’il va tenter sa chance
Partir à minuit pour le Midi, pour la Provence
Juillet sous la pluie, nous ne gardons que peu d’enfants
La père Louis-Marie veut rejoindre les combattants
Ce 4 août, au soir, il vient de me serrer la main
Dernier au revoir, je crois que j’ai peur pour demain
J’aime la rentrée, les bérets aux porte-manteaux
L’odeur des plumiers, les doigts levés de mes minots
Mais dans la journée, parfois, je regarde la vitre
Il n’a rien laissé dans le casier de son pupitre
Enfin, je reçois fin septembre de ses nouvelles
Un mot de François, qui cette fois, signe Samuel
Il me remercie, dit qu’il a trouvé du boulot
Dans une épicerie, et que, dans le sud, il fait beau
Lundi 11 novembre, un encrier s’est renversé
Sur la carte de France, tout le Sud en est maculé
Dans le contre jour, d’un coup, j’ai revu ses yeux noirs
J’ai repris mon cours au temps des invasions barbares
envoyé par JJ - 7/11/2017 - 18:32
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CD "Vrai métier" 2012