Mio padre misurava il piede destro
vendeva le scarpe fatte da maestro
nelle fiere piene di polvere.
Tagliava con la roncella
la suola come il pane
una volta fece fuori le budella
a un figlio di cane.
Fu in una notte da non ricordare
e quando gli si chiedeva di parlare
faceva gli occhi piccoli a tutti.
A mio fratello tirava i pesi addosso
che non sapeva scrivere
i reclami delle tasse.
Aveva nelle maniche pronto
sempre un trincetto tagliente
era per la pancia dell’Agente.
Mise lui la pulce nell’orecchio
al suo compagno che fu arrestato
perché un giorno disperato
mandò all’ufficio il suo banchetto
e sopra c’era un biglietto:
«Occhi di buoi
fatigate voi».
Allora non sperò più
mio padre ciabattino
con riso fragile e senza rossore
rispondeva da un gradino
‘Sia sempre lodato’ a un monsignore.
E si mise già stanco –
dal largo mantello gli uscivano gli occhi –
a posare sulla piazza, di fianco,
a difesa degli uomini che stavano a crocchi.
E morì – come volle – di subito,
senza fare la pace col mondo.
Quando avvertì l’attacco
cercò la mano di mamma nel letto,
gliela stritolava, e lei capì e si ritrasse.
Era steso con la faccia stravolta,
gli era rimasta nella gola
la parola della rivolta.
Poi dissero ch’era un brav’uomo,
anche l’agente, e gli fecero frastuono.
vendeva le scarpe fatte da maestro
nelle fiere piene di polvere.
Tagliava con la roncella
la suola come il pane
una volta fece fuori le budella
a un figlio di cane.
Fu in una notte da non ricordare
e quando gli si chiedeva di parlare
faceva gli occhi piccoli a tutti.
A mio fratello tirava i pesi addosso
che non sapeva scrivere
i reclami delle tasse.
Aveva nelle maniche pronto
sempre un trincetto tagliente
era per la pancia dell’Agente.
Mise lui la pulce nell’orecchio
al suo compagno che fu arrestato
perché un giorno disperato
mandò all’ufficio il suo banchetto
e sopra c’era un biglietto:
«Occhi di buoi
fatigate voi».
Allora non sperò più
mio padre ciabattino
con riso fragile e senza rossore
rispondeva da un gradino
‘Sia sempre lodato’ a un monsignore.
E si mise già stanco –
dal largo mantello gli uscivano gli occhi –
a posare sulla piazza, di fianco,
a difesa degli uomini che stavano a crocchi.
E morì – come volle – di subito,
senza fare la pace col mondo.
Quando avvertì l’attacco
cercò la mano di mamma nel letto,
gliela stritolava, e lei capì e si ritrasse.
Era steso con la faccia stravolta,
gli era rimasta nella gola
la parola della rivolta.
Poi dissero ch’era un brav’uomo,
anche l’agente, e gli fecero frastuono.
Contributed by Marco Valdo M.I. - 2015/3/11 - 21:08
Language: French
Version française – MON PÈRE – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Mio Padre – Rocco Scotellaro – 1954
Chanson italienne – Mio Padre – Rocco Scotellaro – 1954
Lucien l'âne mon ami, voici une chanson de Rocco Scotellaro, qui raconte son père.
Fort bien, Marco Valdo M.I. mon ami, mais dis-moi ce qu'une pareille chanson vient faire dans les Chansons contre la Guerre.
Tu as raison de poser la question, même si pour moi, la réponse est évidente, puisqu'il s'agit de Rocco Scotellaro. En fait, voici. Tu sais que Rocco Scotellaro est un homme du Sud, un homme au destin tragique et ce n'est pas négligeable, en l'occurrence, un militant politique socialiste qui avait pris – comme par exemple, Salvatore Carnevale, en Sicile – le parti des paysans pauvres de Lucanie. Notamment dans cette formidable tentative que fut la réforme agraire et l'occupation des terres : une confrontation entre les riches propriétaires fonciers et les les paysans, une lutte pour tenter de construire un avenir, bref, un de ces moments fameux de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin d'assurer leur domination, d'accroître leurs privilèges, de sauvegarder leurs propriétés, de perpétuer la millénaire exploitation des paysages, des terres et des hommes.
Voilà déjà, en effet, une bonne raison, dit Lucien l'âne en souriant jusqu'à ses oreilles, lesquelles flottent comme de jolies barques à voile des deux côtés de sa tête. Y en a-t-il d'autres ?
Certes et elles se trouvent dans la chanson elle-même. D'une part, il y a le fait que Rocco Scotellaro évoque la condition d'artisan de son père, condition généralement oubliée en nos temps post-industriels. On en était encore à mesurer le pied droit de l'homme pour lui faire ses chaussures. Puis, il y a dans cette canzone bien de la violence, des scènes de guerre sociale évoquées. Et la lutte de l'artisan pour se défendre de la pression de l'État, plus prompt à saigner les pauvres qu'à gêner les riches aux entournures.
Alors, en effet, voilà d'autres bonnes raisons de placer ici cette évocation du père… Un fameux lutteur, il me semble. Cordonnier, il taillait le cuir, le cousait et nous, nous tissons le linceul de ce vieux monde où rien n'a fondamentalement changé, ce vieux monde exploité, exploiteur, propriétaire et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Fort bien, Marco Valdo M.I. mon ami, mais dis-moi ce qu'une pareille chanson vient faire dans les Chansons contre la Guerre.
Tu as raison de poser la question, même si pour moi, la réponse est évidente, puisqu'il s'agit de Rocco Scotellaro. En fait, voici. Tu sais que Rocco Scotellaro est un homme du Sud, un homme au destin tragique et ce n'est pas négligeable, en l'occurrence, un militant politique socialiste qui avait pris – comme par exemple, Salvatore Carnevale, en Sicile – le parti des paysans pauvres de Lucanie. Notamment dans cette formidable tentative que fut la réforme agraire et l'occupation des terres : une confrontation entre les riches propriétaires fonciers et les les paysans, une lutte pour tenter de construire un avenir, bref, un de ces moments fameux de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin d'assurer leur domination, d'accroître leurs privilèges, de sauvegarder leurs propriétés, de perpétuer la millénaire exploitation des paysages, des terres et des hommes.
Voilà déjà, en effet, une bonne raison, dit Lucien l'âne en souriant jusqu'à ses oreilles, lesquelles flottent comme de jolies barques à voile des deux côtés de sa tête. Y en a-t-il d'autres ?
Certes et elles se trouvent dans la chanson elle-même. D'une part, il y a le fait que Rocco Scotellaro évoque la condition d'artisan de son père, condition généralement oubliée en nos temps post-industriels. On en était encore à mesurer le pied droit de l'homme pour lui faire ses chaussures. Puis, il y a dans cette canzone bien de la violence, des scènes de guerre sociale évoquées. Et la lutte de l'artisan pour se défendre de la pression de l'État, plus prompt à saigner les pauvres qu'à gêner les riches aux entournures.
Alors, en effet, voilà d'autres bonnes raisons de placer ici cette évocation du père… Un fameux lutteur, il me semble. Cordonnier, il taillait le cuir, le cousait et nous, nous tissons le linceul de ce vieux monde où rien n'a fondamentalement changé, ce vieux monde exploité, exploiteur, propriétaire et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
MON PÈRE
Il mesurait le pied droit, mon père
Et vendait les chaussures faites à la main
Dans les foires pleines de poussière.
De son tranchet, il coupait la semelle
Comme on coupe le pain.
Un jour, il sortit les tripes
D'un fils de chien.
C'était une nuit à oublier
Et quand on lui demandait d'en parler ,
Il faisait les petits yeux à tout le monde.
Il faisait des reproches à mon frère
Car il ne savait pas écrire
Les réclamations pour les taxes.
Il avait toujours prêt dans ses manches
Un tranchet bien coupant
Pour le ventre de l'agent.
Il jeta la suspicion
Sur son camarade qui fut arrêté
Car un jour, désespéré,
Il envoya à l'administration sa collation
Et dessus, il était écrit sur un papier :
« Yeux de bœufs
Magnez-vous des deux ».
Il n'espéra plus alors, d'ailleurs.
Mon père, le cordonnier
Au rire fragile et sans rougeur
Répondait « Qu'il soit toujours loué »
À un monseigneur.
Et il se mit déjà fatigué –
De son grand manteau ressortaient ses yeux –
À regarder la place, sur le côté,
À l'écart des hommes qui discutaient entre eux.
Et il mourut – comme il voulait – vite, sans cri,
Sans faire la paix avec le monde.
Lorsqu'il pressentit l'attaque
Il chercha la main de maman dans le lit,
Il la broie ; elle comprend et s'écarte.
Il était étendu le visage difforme,
Le mot de révolte
Lui était resté dans la gorge.
Ensuite, ils dirent que c'était un brave homme,
Même l'agent, et ils en firent tout un vacarme.
Il mesurait le pied droit, mon père
Et vendait les chaussures faites à la main
Dans les foires pleines de poussière.
De son tranchet, il coupait la semelle
Comme on coupe le pain.
Un jour, il sortit les tripes
D'un fils de chien.
C'était une nuit à oublier
Et quand on lui demandait d'en parler ,
Il faisait les petits yeux à tout le monde.
Il faisait des reproches à mon frère
Car il ne savait pas écrire
Les réclamations pour les taxes.
Il avait toujours prêt dans ses manches
Un tranchet bien coupant
Pour le ventre de l'agent.
Il jeta la suspicion
Sur son camarade qui fut arrêté
Car un jour, désespéré,
Il envoya à l'administration sa collation
Et dessus, il était écrit sur un papier :
« Yeux de bœufs
Magnez-vous des deux ».
Il n'espéra plus alors, d'ailleurs.
Mon père, le cordonnier
Au rire fragile et sans rougeur
Répondait « Qu'il soit toujours loué »
À un monseigneur.
Et il se mit déjà fatigué –
De son grand manteau ressortaient ses yeux –
À regarder la place, sur le côté,
À l'écart des hommes qui discutaient entre eux.
Et il mourut – comme il voulait – vite, sans cri,
Sans faire la paix avec le monde.
Lorsqu'il pressentit l'attaque
Il chercha la main de maman dans le lit,
Il la broie ; elle comprend et s'écarte.
Il était étendu le visage difforme,
Le mot de révolte
Lui était resté dans la gorge.
Ensuite, ils dirent que c'était un brave homme,
Même l'agent, et ils en firent tout un vacarme.
Contributed by Marco Valdo M.I. - 2015/3/11 - 21:10
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Rocco Scotellaro – 1954