Je dis la paix pâle et soudaine
Comme un bonheur longtemps rêvé
Comme un bonheur qu’on croit à peine
Avoir trouvé
Je dis la paix comme une femme
J’ouvrais la porte et tout à coup
Ses deux bras autour de mon âme
Et de mon cou
Je dis la paix cette fenêtre
Qui battit l’air un beau matin
Et le monde ne semblait être
Qu’odeur du thym
Je dis la paix pour la lumière
À tes pas dans cette saison
Comme une chose coutumière
À la maison
Pour les oiseaux et les branchages
Verts et noirs au-dessus des eaux
Et les alevins qui s’engagent
Dans les roseaux
Je dis la paix pour les étoiles
Pour toutes les heures du jour
Aux tuiles des toits et pour toi
L’Ombre et l’amour
Je dis la paix aux jeux d’enfance
On court on saute on crie on rit
On perd le fil de ce qu’on pense
Dans la prairie
Je dis la paix mais c’est étrange
Ce sentiment de peur que j’ai
Car c’est mon cœur même qui change
Léger léger
Je dis la paix vaille que vaille
Précaire fragile et sans voix
Mais c’est l’abeille qui travaille
Sans qu’on la voie
Rien qu’un souffle parmi les feuilles
Une simple hésitation
Un rayon qui passe le seuil
Des passions
Elle vacille elle est peu sûre
Comme un pied de convalescent
Encore écoutant sa blessure
Son sang récent
La guerre a relâché ses rênes
La guerre a perdu la partie
Il en reste un son sourd qui traîne
Mal amorti
Ce sont les chars vers les casernes
Qui font encore un peu de bruit
Nous danserons dans les luzernes
Jusqu’à la nuit
Tu vas voir demain tu vas voir
Les écoliers dans les préaux
En ce beau temps à ne plus croire
La météo
On va bâtir pour la jeunesse
Des maisons et des jours heureux
Et les amours voudront que naissent
Leurs fils nombreux
On reconstruira par le monde
Les merveilles incendiées
La vie aura la taille ronde
Sans mendier
Enfin veux-tu que j’énumère
Les Versailles que nous ferons
Les airs peuplés par les chimères
De notre front
Et l’immense laboratoire
Où les miracles sont humains
Et la colombe de l’Histoire
Entre nos mains
Je sais je sais Tout est à faire
Dans ce siècle où la mort campait
Et va voir dans la stratosphère
Si c'est la paix
Éteint ici là-bas qui couve
Le feu court on voit bien comment
Quelqu'un toujours donne à la louve
Un logement
Quelqu'un toujours quelque part rêve
Sur la table d'être le poing
Et sous le manteau de la trêve
Il fait le point
Je sais je sais ce qu'on peut dire
Et le danger d'être endormi
L'homme au Zénith et le navire
A l'ennemi
Je sais mais c'est la Paix quand même
Le recul du monstre devant ce que je défend
Ce que j'aime toujours vivant
C'est la Paix dont les peuples savent obscurément
Tous plus ou moins contre le maître
Et pour l'esclave qu'elle est témoin
C'est la paix des peuples
Où sourd l'eau profonde des libertés
C'est aux sciences des tambours
Pour le mai planté
C'est la paix et couleur de la fleur
Où le meurtre porte son nom
A qui le voile de l'aveugle
Dit non
C'est la paix qui force le crime
À s'agenouiller dans l'aveu
Et qui crie avec les victimes
“Cessez le feu!”
Comme un bonheur longtemps rêvé
Comme un bonheur qu’on croit à peine
Avoir trouvé
Je dis la paix comme une femme
J’ouvrais la porte et tout à coup
Ses deux bras autour de mon âme
Et de mon cou
Je dis la paix cette fenêtre
Qui battit l’air un beau matin
Et le monde ne semblait être
Qu’odeur du thym
Je dis la paix pour la lumière
À tes pas dans cette saison
Comme une chose coutumière
À la maison
Pour les oiseaux et les branchages
Verts et noirs au-dessus des eaux
Et les alevins qui s’engagent
Dans les roseaux
Je dis la paix pour les étoiles
Pour toutes les heures du jour
Aux tuiles des toits et pour toi
L’Ombre et l’amour
Je dis la paix aux jeux d’enfance
On court on saute on crie on rit
On perd le fil de ce qu’on pense
Dans la prairie
Je dis la paix mais c’est étrange
Ce sentiment de peur que j’ai
Car c’est mon cœur même qui change
Léger léger
Je dis la paix vaille que vaille
Précaire fragile et sans voix
Mais c’est l’abeille qui travaille
Sans qu’on la voie
Rien qu’un souffle parmi les feuilles
Une simple hésitation
Un rayon qui passe le seuil
Des passions
Elle vacille elle est peu sûre
Comme un pied de convalescent
Encore écoutant sa blessure
Son sang récent
La guerre a relâché ses rênes
La guerre a perdu la partie
Il en reste un son sourd qui traîne
Mal amorti
Ce sont les chars vers les casernes
Qui font encore un peu de bruit
Nous danserons dans les luzernes
Jusqu’à la nuit
Tu vas voir demain tu vas voir
Les écoliers dans les préaux
En ce beau temps à ne plus croire
La météo
On va bâtir pour la jeunesse
Des maisons et des jours heureux
Et les amours voudront que naissent
Leurs fils nombreux
On reconstruira par le monde
Les merveilles incendiées
La vie aura la taille ronde
Sans mendier
Enfin veux-tu que j’énumère
Les Versailles que nous ferons
Les airs peuplés par les chimères
De notre front
Et l’immense laboratoire
Où les miracles sont humains
Et la colombe de l’Histoire
Entre nos mains
Je sais je sais Tout est à faire
Dans ce siècle où la mort campait
Et va voir dans la stratosphère
Si c'est la paix
Éteint ici là-bas qui couve
Le feu court on voit bien comment
Quelqu'un toujours donne à la louve
Un logement
Quelqu'un toujours quelque part rêve
Sur la table d'être le poing
Et sous le manteau de la trêve
Il fait le point
Je sais je sais ce qu'on peut dire
Et le danger d'être endormi
L'homme au Zénith et le navire
A l'ennemi
Je sais mais c'est la Paix quand même
Le recul du monstre devant ce que je défend
Ce que j'aime toujours vivant
C'est la Paix dont les peuples savent obscurément
Tous plus ou moins contre le maître
Et pour l'esclave qu'elle est témoin
C'est la paix des peuples
Où sourd l'eau profonde des libertés
C'est aux sciences des tambours
Pour le mai planté
C'est la paix et couleur de la fleur
Où le meurtre porte son nom
A qui le voile de l'aveugle
Dit non
C'est la paix qui force le crime
À s'agenouiller dans l'aveu
Et qui crie avec les victimes
“Cessez le feu!”
envoyé par Bernart Bartleby - 13/11/2014 - 14:21
Langue: anglais
Traduzione inglese di Sylvia Manning da The Outlaw Poetry Network
I SAY THE PEACE
I say the peace pale and sudden
Like a happiness long dreamt of
Like a happiness you barely
Believe you’ve found
I say the peace like a woman
I’d open the door then all at once
Her two arms around my soul and
Around my neck
I say the peace an old window
That rattles on a fine morning
When the whole world has only the
Fragrance of thyme
I say the peace so it can light
Your steps during this new season
But like an ordinary thing
In any home
For the birds and for the brushes
Green and black above the waters
And for the busy little fish
In the rushes
I say the peace for all the stars
For every hour of the day
Every roof tile and for you
Shadow and love
I say the peace for childhood games
Where you run and jump, laugh and cry
Where you lose your train of thought on
The wide prairie
I say the peace but this is strange
This feeling of fear that I have
Because my heart itself changes
Lightly lightly
I say the peace howsoever
Precarious fragile voiceless
Because it’s like a bee who works
Though it’s unseen
Just a sudden breeze through the leaves
Just a simple hesitation
Ray of sunlight on the threshold
Of our passions
Peace falters as though uncertain
Like steps of a convalescent
Still attuned to disabling wounds
And how they bled
The war lets its tight reins go slack
The war has even lost its fight
What’s left is a dull silence
Poorly cushioned
Wagons that go to the barracks
Are still making a little noise
We will dance in the alfalfa
Until night falls
You will see tomorrow you will
The school children on the playgrounds
And lovely weather though not what
Was predicted
Now we will fight for a new youth
Of houses and some happy days
And for lovers who want to have
Lots of children
We will pull it back together
Through the burnt marvels of our world
Life will come around without your
Having to beg
Soon now you will want me to name
The new palaces we will make
The tunes in the people’s minds
And our pipedreams
And the immense laboratory
Where the miracles are human
And the pillars of history
Are in our hands
I know I know it’s all to do
In this century where Death made camp
And to look for Peace at all
Is so far out
Brief scattered fires die dully down
One can easily see how it is
Someone always offers the wolf
A place to live
Someone somewhere always dreams of
Being the fist on the table
And thus beneath the cloth of truce
Nothing happens
I know I know what one can say
And the risk of falling asleep
How man at his best and his worst
Is the problem
I know but it’s the Peace even so
The monster retreats before us
This that I defend that I love
Lives forever
It’s the Peace people know about
Vaguely everything more or less
Against the master for the slave
To be witness
It’s the Peace of the people
Deaf from roar of deepest liberty
It’s a silence of drumbeats
When May’s begun
It’s the Peace hued by evidence
Where the murderer left his name
To whom the veil of the widow
Cries out her No!
It’s the Peace that forces murder
Down to its knees for confession
And that cries out with the victims
Stop the killing!
I say the peace pale and sudden
Like a happiness long dreamt of
Like a happiness you barely
Believe you’ve found
I say the peace like a woman
I’d open the door then all at once
Her two arms around my soul and
Around my neck
I say the peace an old window
That rattles on a fine morning
When the whole world has only the
Fragrance of thyme
I say the peace so it can light
Your steps during this new season
But like an ordinary thing
In any home
For the birds and for the brushes
Green and black above the waters
And for the busy little fish
In the rushes
I say the peace for all the stars
For every hour of the day
Every roof tile and for you
Shadow and love
I say the peace for childhood games
Where you run and jump, laugh and cry
Where you lose your train of thought on
The wide prairie
I say the peace but this is strange
This feeling of fear that I have
Because my heart itself changes
Lightly lightly
I say the peace howsoever
Precarious fragile voiceless
Because it’s like a bee who works
Though it’s unseen
Just a sudden breeze through the leaves
Just a simple hesitation
Ray of sunlight on the threshold
Of our passions
Peace falters as though uncertain
Like steps of a convalescent
Still attuned to disabling wounds
And how they bled
The war lets its tight reins go slack
The war has even lost its fight
What’s left is a dull silence
Poorly cushioned
Wagons that go to the barracks
Are still making a little noise
We will dance in the alfalfa
Until night falls
You will see tomorrow you will
The school children on the playgrounds
And lovely weather though not what
Was predicted
Now we will fight for a new youth
Of houses and some happy days
And for lovers who want to have
Lots of children
We will pull it back together
Through the burnt marvels of our world
Life will come around without your
Having to beg
Soon now you will want me to name
The new palaces we will make
The tunes in the people’s minds
And our pipedreams
And the immense laboratory
Where the miracles are human
And the pillars of history
Are in our hands
I know I know it’s all to do
In this century where Death made camp
And to look for Peace at all
Is so far out
Brief scattered fires die dully down
One can easily see how it is
Someone always offers the wolf
A place to live
Someone somewhere always dreams of
Being the fist on the table
And thus beneath the cloth of truce
Nothing happens
I know I know what one can say
And the risk of falling asleep
How man at his best and his worst
Is the problem
I know but it’s the Peace even so
The monster retreats before us
This that I defend that I love
Lives forever
It’s the Peace people know about
Vaguely everything more or less
Against the master for the slave
To be witness
It’s the Peace of the people
Deaf from roar of deepest liberty
It’s a silence of drumbeats
When May’s begun
It’s the Peace hued by evidence
Where the murderer left his name
To whom the veil of the widow
Cries out her No!
It’s the Peace that forces murder
Down to its knees for confession
And that cries out with the victims
Stop the killing!
envoyé par Bernart Bartleby - 13/11/2014 - 14:31
Il cantautore francese Gérard-André di cui al commento introduttivo non è poi così "misconosciuto" come l'ho definito: infatti si tratta di Gérard-André Gaillard, artista che al momento vanta già ben 6 sue canzoni sulle CCG...
Bernart Bartleby - 13/11/2014 - 15:49
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Versi di Louis Aragon, seconda sezione del “Chant XV” (“Chant de la Paix”) che chiude la raccolta intitolata “Les yeux et la mémoire”, pubblicata nel 1954
Musica di Jacques Yvart, cantautore di Dunkerque.
Nel disco di Yvart intitolato “Bonjour la paix!”, 1991.
Interpretati anche da un altro misconosciuto cantautore francese, Gérard-André Gaillard.
Lo stesso Aragon nel 1954 incise su LP Pathé Marconi frammenti (tra cui questa poesia) tratti da “Les yeux et la mémoire”.
Il 1954 fu un anno fatidico per la Francia colonialista, quello della sconfitta a Diên Biên Phu dopo una furiosa battaglia, combattuta contro il Viêt Minh di Võ Nguyên Giáp e Hô Chi Minh, durata più di cinque mesi, nel corso della quale gli occupanti persero oltre 2.300 soldati, cui però devono aggiungersene altri 7.800, catturati e poi morti in prigionia. Una disfatta che marcò indelebilmente il processo di decolonizzazione in atto ovunque, ma non in Vietnam, ben presto assalito da nuovi e più feroci invasori.