Avec le soir, les cris redoublent,
Le délire s'empare des hommes.
Là-dedans, l'air est irrespirable ;
La température est insupportable ;
Le climat est effroyable ;
Ça sent le pus là-dedans,
Les pansements et le sang
Et puis, les excréments.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
La tête me tourne, la fièvre me prend ;
On étouffe doucement.
Je tremble, j'hallucine.
Dans mes yeux, un bûcher fulgurant ;
Debout, disloqués, grimaçants,
Des soldats bleus, des soldats gris s'assassinent
Un peu décapités, sanguinolents
Sans gencives, sans dents.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
Bleus, gris, c'est le massacre ;
Ils se démènent, ils s'acharnent.
Hommes et rats partagent le champ.
Leurs mâchoires ricanent.
Le crâne ouvert ballotte,
Une main s'enfonce et sort en riant
Une bouillie aux vermicelles,
L'amas gluant de la cervelle.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
Alors, tranquille, indifférent,
Il gobe son œil qui pend,
Puis, ouvre sa capote,
Déroule ses intestins dégoulinants,
En fait un nœud coulant.
D'un geste sûr, il enserre
Le cou de l'Allemand.
La langue sort lentement.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
Une femme vient qui allaite
Un enfant ;
Elle le pose doucement
Sur la barricade en flammes ;
Il remue en pleurant ;
La mère émue part en gémissant.
Cochon de lait à la broche,
L'enfant grésille.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
On emplit les seaux de sang ;
On récupère le rôti d'enfant
Qu'on emporte pour la popote
Du haut commandement.
Là, on prend l'apéritif en observant
De loin, à la lunette,
Vainqueurs, vaincus également,
Les cadavres indifférents.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
En première ligne, tout à l'avant,
Je sers la mitrailleuse,
Cette tueuse bégayeuse.
Un papillon s'en va voltigeant
Dessus la côte crayeuse ;
Au pied coule la Meuse.
Tuez ce papillon, dit le commandant
Mais ce papillon, c'est mon cœur volant.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque.
Mon ennemi le colonel descend
D'une auto et craque une allumette.
Sur la boue, les rats sont à la fête.
Une petit lueur avance en bondissant ;
Au loin, sonne une trompette.
La flammèche vient droit sur ma tête,
La mèche entre dans ma bouche,
Mon ventre est bourré de cheddite.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque.
Le délire s'empare des hommes.
Là-dedans, l'air est irrespirable ;
La température est insupportable ;
Le climat est effroyable ;
Ça sent le pus là-dedans,
Les pansements et le sang
Et puis, les excréments.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
La tête me tourne, la fièvre me prend ;
On étouffe doucement.
Je tremble, j'hallucine.
Dans mes yeux, un bûcher fulgurant ;
Debout, disloqués, grimaçants,
Des soldats bleus, des soldats gris s'assassinent
Un peu décapités, sanguinolents
Sans gencives, sans dents.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
Bleus, gris, c'est le massacre ;
Ils se démènent, ils s'acharnent.
Hommes et rats partagent le champ.
Leurs mâchoires ricanent.
Le crâne ouvert ballotte,
Une main s'enfonce et sort en riant
Une bouillie aux vermicelles,
L'amas gluant de la cervelle.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
Alors, tranquille, indifférent,
Il gobe son œil qui pend,
Puis, ouvre sa capote,
Déroule ses intestins dégoulinants,
En fait un nœud coulant.
D'un geste sûr, il enserre
Le cou de l'Allemand.
La langue sort lentement.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
Une femme vient qui allaite
Un enfant ;
Elle le pose doucement
Sur la barricade en flammes ;
Il remue en pleurant ;
La mère émue part en gémissant.
Cochon de lait à la broche,
L'enfant grésille.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
On emplit les seaux de sang ;
On récupère le rôti d'enfant
Qu'on emporte pour la popote
Du haut commandement.
Là, on prend l'apéritif en observant
De loin, à la lunette,
Vainqueurs, vaincus également,
Les cadavres indifférents.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque
En première ligne, tout à l'avant,
Je sers la mitrailleuse,
Cette tueuse bégayeuse.
Un papillon s'en va voltigeant
Dessus la côte crayeuse ;
Au pied coule la Meuse.
Tuez ce papillon, dit le commandant
Mais ce papillon, c'est mon cœur volant.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque.
Mon ennemi le colonel descend
D'une auto et craque une allumette.
Sur la boue, les rats sont à la fête.
Une petit lueur avance en bondissant ;
Au loin, sonne une trompette.
La flammèche vient droit sur ma tête,
La mèche entre dans ma bouche,
Mon ventre est bourré de cheddite.
Toc, toc, toc !
Dehors, on bat la berloque.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 22/10/2014 - 19:29
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Scène de guerre – Rêve de Peur
Chanson française – LA BERLOQUE – Marco Valdo M.I. – 2014
La Berloque…
La breloque !
Non, la berloque, comme je te le dis.
Sûr ?
Sûr et certain, que je suis. Je te l'accorde : berloque et breloque sont deux mots très proches et aisément confondus. Il n'empêche que c'est bien de berloque qu'il est question. Et de plus, il faut l'entendre aux sens propre et figuré.
Moi, je veux bien, dit Lucien l'âne un peu éberlué, mais je ne sais rien ni de l'un, ni de l'autre.
Alors, je t'explique. Berloque n'est pas un mot d'usage courant… Au point que les dictionnaires les plus usités n'en disent mot. Cependant, quand on cherche, on trouve. Ainsi, berloque est attesté par Littré, ce qui – en soi – est une référence et aussi, par le dictionnaire de l'Académie française, référence redoutable, s'il en est.
Ça ne me dit toujours pas de quoi il s'agit, dit Lucien l'âne dépité.
Alors, voici ce qu'en dit Littré et puis l'Académie.
Donc, Littré : « Terme militaire. Batterie de tambour pour les repas, les distributions. Battre la berloque. On dit aussi, et plus souvent, breloque.
Fig. Battre la berloque : divaguer et ne savoir où donner de la tête. »
Et l'Académie : « n. f. Batterie de tambour ou sonnerie de clairon qui donne au soldat la permission de rompre les rangs. »
Dès lors, ici les deux sens s'appliquent également et créent ainsi une atmosphère amphibologique. Comme disait Victor Hugo : « J'écris avec intention cette phrase amphibologique, parce que les deux sens en sont vrais. »
D'accord, mais foin de littérature, venons-en à la chanson. De quoi qu'elle cause ?
Eh bien, c'est un rêve – étrange et pénétrant – que fait un soldat blessé, entouré d'autres grands blessés, de mourants, d'amputés... couché dans un poste de secours quelque part sur le front vers 1916 du côté du Chemin des Dames. Il délire et c'est ce délire que l'on entend. Ce soldat n'est autre que l'auteur du roman Clochemerle.
Gabriel Chevallier ?, demande Lucien l'âne tout interloqué.
C'est bien lui, mais dans un autre de ses romans, intitulé tout simplement « La Peur ». Un livre comme tu vas pouvoir en juger ici plein de terreur et de bruits, qui relate en direct son expérience de « poilu », qui se résume principalement à la peur, la peur, la peur ; jour et nuit, la peur… pendant des années, la peur du soir au matin et du matin au soir. En dormant, éveillé, en mangeant, en pissant, en chiant : la peur. Pour être tout-à-fait complet, j'ajoute que ce rêve est relaté dans le roman La Peur- édition de poche PUF 1951 aux pages 117 à 119.
Sans aucun doute, « La Peur » est le meilleur titre pour un roman sur la guerre, celle qu'il raconte et toutes les autres possibles et inimaginables. Et certainement pas, toutes les « turlutaines » qu'on serine généralement : gloire, courage, héroïsme… et autres billevesées.
De ce titre redoutable, Chevallier disait : « … Il y aurait improbité à parler de la peur de ses camarades sans parler de la sienne. C'est pourquoi il décida de prendre la peur à son compte, d'abord à son compte. Quant à parler de la guerre de la guerre sans parler de la peur, sans la mettre au premier plan, c'eût été de la fumisterie. On ne vit pas aux lieux où l'on peut être à tout instant dépecé à vif sans connaître une certaine appréhension. » Et cette conclusion finale à la sortie de l'enfer :
et un peu plus loin encore :
On ne peut mieux dire… Saluons Gabriel Chevallier et reprenons notre modeste tâche qui consiste à tisser jour après jour le linceul de ce vieux monde indécent, imbécile, incongru, incendiaire, insensé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane