Enfin, soixante-huit vint et ici comme en France
Fit retentir dans les rues une autre cadence
De ses mots à sa place remit le pouvoir
Et réduisit dans la vie l'espace du devoir
Adieu Heidegger, adieu herméneutique
Adieu jargon hermétique, vive la dialectique
Rudi Dutschke blessé, Ohnesorg mort
J'ai rejoint les SDS, j'ai rejoint Francfort
Mais qui dira les torts de la presse et de la télévision
Leurs ignominies, leur goût prononcé de la délation
Leur aversion pour la pensée, leur mépris des mots
Ainsi parlait le musicien sociologue Adorno.
Les étudiantes lui montraient leurs seins
Krahl menait l'assaut au nom de notre grand dessein.
En Allemagne, à Berlin, comme partout ailleurs
Les étudiants se révoltaient contre leurs professeurs
Venez donc voir notre belle Bohême
Son socialisme au visage blême
Son optimisme printanier
Et ses touristes blindés
Rabin, dis-nous quand ils vont s'en aller
De façon normale ou par intervention divine ?
Façon normale : cent mille anges vont les emmener
Façon miraculeuse : ils partiront en sourdine.
Soixante-huit, la France est sans dessous dessus
De Gaulle court chercher réconfort chez Massu
Demain, Adorno et Krahl dans la mort réunis
Demain, Celan se glisse sous les ponts de Paris.
Fit retentir dans les rues une autre cadence
De ses mots à sa place remit le pouvoir
Et réduisit dans la vie l'espace du devoir
Adieu Heidegger, adieu herméneutique
Adieu jargon hermétique, vive la dialectique
Rudi Dutschke blessé, Ohnesorg mort
J'ai rejoint les SDS, j'ai rejoint Francfort
Mais qui dira les torts de la presse et de la télévision
Leurs ignominies, leur goût prononcé de la délation
Leur aversion pour la pensée, leur mépris des mots
Ainsi parlait le musicien sociologue Adorno.
Les étudiantes lui montraient leurs seins
Krahl menait l'assaut au nom de notre grand dessein.
En Allemagne, à Berlin, comme partout ailleurs
Les étudiants se révoltaient contre leurs professeurs
Venez donc voir notre belle Bohême
Son socialisme au visage blême
Son optimisme printanier
Et ses touristes blindés
Rabin, dis-nous quand ils vont s'en aller
De façon normale ou par intervention divine ?
Façon normale : cent mille anges vont les emmener
Façon miraculeuse : ils partiront en sourdine.
Soixante-huit, la France est sans dessous dessus
De Gaulle court chercher réconfort chez Massu
Demain, Adorno et Krahl dans la mort réunis
Demain, Celan se glisse sous les ponts de Paris.
Contributed by Marco Valdo M.I. - 2012/4/24 - 21:10
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Canzone française – Enfin, soixante-huit – Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires d'Allemagne 67
Comme bien tu penses, Lucien l'âne mon ami, et comme chacun d'ailleurs peut le penser, de la façon la plus banale, après l'année mil neuf cent soixante-sept est venue l'année mil neuf cent soixante-huit.
En effet, dit Lucien l'âne ébahi par tant de justesse, voilà qui me réjouit. Mais pourquoi me dis-tu cela d'une manière si mystérieuse... Je suppose quand même que ton histoire d'Allemagne, ta canzone, cette chanson a bien plus à raconter...
Évidemment. Je m'en vais te le dire et te donner certaines indications nécessaires à une bonne compréhension de la chose. Car, vois-tu, ces chansons, d'une certaine manière, condensent l'histoire d'une année, vue d'un point de vue principalement allemand. C'est d'ailleurs une grande part de leur intérêt. Et bien entendu, pas de n'importe quel Allemand et pas à n'importe quel moment... On a donc ici Günter Grass, un grand écrivain, qui écrit depuis un demi-siècle et qui réfléchit l'histoire de son pays. Et, avec ces chansons, j'essaye par une autre voie, d'une autre manière, la chanson précisément, de donner une version, une réélaboration de ses histoires. Tu as donc, par ce biais, une idée de ce qu'il raconte et en même temps, bien autre chose. Il est possible que certains éléments échappent à qui n'a pas suivi l'histoire de l'Allemagne, des éléments, des allusions, des évidences... Ce sont là certaines des précisions que je vais apporter. Par ailleurs, je te l'avoue, j'ai introduit des éléments qui s'agissant de 68 et de l'aire géoculturelle qui est la nôtre, ne pouvaient être ignorés ou passés sous silence. D'où, le « comme en France... » qui n'est pas dans l'histoire vue par le narrateur qu'évoque Günter Grass.
Jusque là, je t'ai suivi. Mais dis-moi ces précisions que tu veux me faire connaître.
Tout d'abord, cette chanson fait suite aux deux précédentes. En somme, elle conclut en une trilogie le rapprochement entre Martin Heidegger et Paul Celan. Ensuite, elle embraye sur la confrontation entre les étudiants et la société. Je préciserais entre certains étudiants (les SDS, par exemple, qui sont des étudiants qui se réclament d'un socialisme libertaire – Ohnesorg, Dutschke, Krahl, le narrateur sont de ce mouvement) et les chiens de garde de la société ; mais aussi, plus généralement, entre la pensée (notamment, Adorno et l'École de Francfort) et le système totalitaire, qu'il soit d'un côté ou de l'autre du rideau de fer (dans la chanson, il est question de l'invasion de la Tchécoslovaquie par des chars « amis » et de la situation de la France où De Gaulle, alors président, va s'assurer du soutien de l'armée stationnée en Allemagne auprès du général Massu avant de réprimer violemment le mouvement étudiant). Comme bien tu le sais, cette année-là, la pensée, comme la fleur du même nom, s'est mise à fleurir au printemps. Ce qu'exprime cette chanson, c'est qu'il y eut en l'année 1968, un surgissement de la pensée dans les rues, dans les universités, dans les écoles, dans les usines... En somme, à l'air libre.
Oh, dit Lucien l'âne en se redressant brusquement, les hommes ont toujours pensé, les hommes ont toujours voulu changer le monde...
Certainement. Mais d'abord, il faut préciser en disant que ce n'était pas tous les hommes, mais seulement certains qui avaient ce désir, cette impérieuse impatience. D'ailleurs, elle était là depuis très longtemps, elle bouillonnait sous la terre depuis longtemps, sous la terre, dans le cœur et dans l'esprit et la conscience de ces hommes... Ce qui fait la particularité de 1968, c'est que subitement, comme la lave sourçant des bouches d'un volcan, elle a envahi les rues et elle a changé le monde. Mais, étant donné son caractère poétique, son caractère en quelque sorte marin, elle ne s'est pas figée dans le béton des institutions que par ailleurs, elle condamnait vivement. Elle s'est refusée à leur jeu. Et ceux qui n'ont pas suivi sa voie, ceux qui sont entrés dans les jeux du pouvoir, ont été avalés par la société et ont perdu l'essentiel d'eux-mêmes. Étant une insurrection de la pensée, du cœur, de la poésie, elle ne pouvait se soumettre au système, aux règles du système, aux mensonges du système. Car, souviens-toi toujorus de ça, pour elle, comme pour toi, comme pour moi, se soumettre, ce serait cesser d'exister. Tout comme, et pour les mêmes raisons, elle ne peut collaborer, jamais. Et depuis, elle se prolonge encore... Cependant, face à la répression et face à l'agression systématique des médias, la pensée a pris le maquis, elle est entrée en résistance... C'est elle qui souffle à nos oreilles : « Ora e sempre : Resistenza ! » C'est elle qui a mis au jour le moteur de la Guerre de Cent Mille Ans, qui a dévoilé cette avidité et cette ambition, ce goût de la richesse et du pouvoir qui conduit les riches à faire une guerre impitoyable aux pauvres afin de les asservir au travail, de les contraindre à accepter leur domination, à s'incliner devant leurs ukases, à respecter la propriété, la richesse, la puissance, etc. Ainsi s'en va-t-elle, jour après jour. Où qu'elle soit, même en prison et par-delà la mort, elle poursuit inlassable son œuvre de résistance afin de mettre fin à la Guerre de Cent Mille Ans, fin qui ne peut s'obtenir que par la disparition de l'avidité et de tout ce qui en découle.
De sorte que, Marco Valdo M.I, mon ami, il nous faut tisser encore et toujours le linceul de ce vieux monde pourri par la richesse, ignominieux, délateur, méprisant et cacochyme
Ainsi Parlaient, Marco Valdo M.I. et Lucien Lane