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La colombe argentée

Marco Valdo M.I.
Language: French



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La colombe argentée


Canzone française – La colombe argentée – 1924 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 23

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.



La colombe argentée... Voilà un titre bien étrange. Ces Histoires d'Allemagne m'étonnent souvent. Ce titre, on dirait un rébus, on dirait un arcane.


Mais non, Lucien l'âne mon ami, tu sais bien quelle réputation (usurpée, d'ailleurs) a la colombe dans l'imaginaire des hommes. C'est l'oiseau qui symbolise la paix... Cependant, son vrai nom à notre héros du ciel est lui bien étrange, en effet : il s'appelle LZ 126. Il s'agit là d'une dénomination qui convient à un objet industriel et c'en est un, protégé par un de ces secrets codés... Mais c'est tout simplement une manière synthétique, tu connais les « ingénieurs », de désigner un dirigeable, cette sorte de baudruche volante, inventée par Monsieur Zeppelin lui-même. Donc, L = Luft (mot allemand désignant l'air), Z = Zeppelin. Quant aux chiffres, ils signifient tout simplement le fait qu'il s'agit là du 126ième appareil du genre. Et pour en revenir aux Histoires d'Allemagne, cette chanson raconte son histoire comme d'autres ont raconté une canonnière, un sous-marin, un canon (souviens-toi de la grosse Berta), un casque, des gaz de combat...


Ah, je vois, on en est encore aux instruments de guerre... Je la croyais terminée, celle-là. En préparerait-on une autre ?


Cela, Lucien l'âne mon ami, je n'en sais rien encore. Il faut respecter la marche du siècle, nous n'en sommes qu'à 1924. On sort à peine d'en prendre. Mais tu n'as pas tort... Elle n'est jamais loin, cette tueuse. D'autre part, en effet, les Zeppelins furent des instruments de guerre, utilisés dans le conflit, mais hormis la reconnaissance, ils n'étaient pas d'une efficacité guerrière si redoutable. Cependant, tu le verras dans la chanson du jour, celui-ci – LZ 126, ce qui justifie son titre de colombe argentée – eut un destin particulier : cet appareil légendaire ne fit jamais la guerre.


Comment cela ?, dit Lucien l'âne.


Pour la raison simple qu'il n'était pas encore construit du temps de la guerre. Il en serait plutôt une conséquence, un enfant de l'armistice... Il a été conçu et mis en chantier comme « réparation de guerre ». En somme, il servit à couvrir une partie des sanctions financières et économiques infligées à l'Allemagne par le Traité de Versailles. C'est ainsi qu'il fut remis aux Zétazunis et qu'il dut faire le voyage que raconte la chanson. Il était aussi censé symboliser la réconciliation des hommes dans la paix par la mise en commun des progrès techniques et de ce point de vue, le LZ 126 fut une réussite. C'était le plus beau, le plus grand, le plus perfectionné et le plus réussi de tous les Z. Il bénéficiait de l'expérience accumulée par les 125 précédents... Et puis, le « plus léger que l'air » était (et reste ?) un rêve ambitieux des hommes. Comme tu l'imagines aisément, cette version de l' « Ange de la paix » ne fut qu'une illusion...


En somme, le LZ 126 fut une immense, une gigantesque colombe aux reflets argentés...

En effet, et sais-tu que cet héroïque engin poussa son souci de refuser la guerre jusqu'à se faire démonter en 1940...


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Le 11 octobre départ de Palos, au sud de l'Espagne
Destination l'Empire du Cathay, via Cypango
Aux commandes, l'Italien Cristofero Colombo
À la recherche des pays de Cocagne

Venu d'un coin perdu dans le Golfe de Gênes
Il s'en allait avec ses caravelles par delà l'océan
Créer la Colombie où rutile Carthagène
Donner un nom de cartographe au continent

Le 11 octobre, départ de Friedrichshafen, sur le lac de Constance
Destination Lakehurst aux lointaines Amériques
Masses d'air chaud, brouillards intenses,
Dérangeantes contingences atmosphériques

Vaste oiseau argenté, sorti de son immense hangar,
Trente mètres de haut, deux cents mètres de long, L.Z 126 ne put décoller,
Les badauds se payaient notre cigare
La nuit tombait, on a dû le rentrer.

Le 12 enfin, on monte vers les nues tout là-haut.
En passant par la Bourgogne avec notre vaisseau
En passant par la Bourgogne avec notre vaisseau
On fonce vers l'océan. Heureusement, il fait beau.

J'avais bien failli le manquer ce voyage
Ancien sur-marinier, mécanicien de bord à la défaite
Comme ceux de Scapa-Flow, qui n'en firent qu'à leur tête
Nous avions sabordé nos vaisseaux. J'étais suspect de sabotage

Encore toujours, cette affaire de Versailles
Faut dire, l'humiliation nationale nous travaille.
Notre LZ 126, d'une esthétique parfaite, son point fort
Passait cinquante mètres au-dessus de la Côte d'Or

J'avais promis à Eckener de ne rien faire
Encore une tentation au Cap Ortegal, au-dessus de l'Espagne
Une récidive au-dessus des Açores où fit escale l'Amiral de la Mer
Passées les Sargasses, « Terre ! Terre ! » devant notre truite aux reflets champagnes

L'arrivée à New-York fut américaine et triomphale
La foule et la statue nous tendaient les bras
On survola Broadway dans les deux sens. Ovations générales.
Ensuite, on remonta à trois mille mètres au-dessus de tout ça

On vira de bord, direction Lakehurst, c'était parfait.
On débarqua en uniforme et rasés de frais
Notre LZ 126, rebaptisé ZR3 et demain « Los Angeles »
N'était plus qu'un animal tenu en laisse.

Huit ans plus tard, il finit sa carrière dans la marine,
Et même s'il n'a jamais vu la Chine,
Colombe argentée, être légendaire
Lui, au moins, n'a jamais fait la guerre.

Contributed by Marco Valdo M.I. - 2011/3/2 - 22:16




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