Cher Peter Panter, écrit Ilse
Je suis votre « Mam 'selle Piesenwang »
En vérité, je m'appelle Ilse
Et pas du tout Piesenwang
Ilse, Ilse Lepinski
Et n'allez pas croire...j'ai un ami
Mais il est assez tolérant.
Il m'a fait lire vos trucs marrants
Et c'est vrai, on a bien ri
Malheureusement, je n'ai pas tout compris,
Sauf que parfois, vous êtes méchant.
Mais on m'a dit que vous êtes très séduisant.
Mademoiselle Ilse
Je vous jure que je ne suis pas si méchant
Croyez-moi, Mademoiselle Ilse
J'ai essayé pendant trois ans
D'échapper à la guerre par tous les moyens
Pour ne pas tuer d'autres humains
Pour ne pas être fusillé
Ou crever bêtement à l'étranger
Beaucoup en firent autant.
C'étaient pourtant de bons Allemands
Un jour, on m' a donné un fusil
Je l'ai posé là et je suis parti.
Vous savez, mon cher Tiger
J'aime vous appeler Panter ou Tiger
Ça me trouble beaucoup
Mais pour la danse, vous n'y êtes pas du tout
Avec une robe jaune au dessus du genou.
Je danse un truc terrible, un charleston,
Des ondes, on tremble, quelle sensation !
Ça monte du bas et ça vous envahit tout
Si vous venez, je vous montrerai.
Et j'ai dans ma petite boîte, quelque chose
Un de ces bonbons, qui rend tout chose
Si vous voulez, je vous en ferai goûter.
Chère Mademoiselle Ilse, j'aimerais bien
Mais avant tout, il nous faut sortir du pétrin
Dans lequel les militaires nous ont fourrés.
Quatre années de massacres, c'est assez
Ils peignent des croix gammées sur nos maisons
Ils font ces saletés-là pour que nous partions
Le meurtre politique est organisé
Le dol, le vol, l'assassinat sont exemptés
Les tribunaux ont peur et la justice suit.
Condamnations légères, non-lieux et sursis,
Ni les Balkans, ni l'Argentine, ni le Pérou
Ne supporteraient d'être comparés à nous.
Cher Monsieur Kaspar Hauser,
Je sais bien que vous êtes Tucholsky
Que vous êtes juif et plutôt fier
Moi aussi, mon nom finit par ski.
Je suis une personne bien ordinaire
Je vends des chaussures chez Leiser,
Au rayon messieurs, je m'y plais bien
Et puis, j'aime les gros, ils dansent bien
C'est tout au fond du magasin. Venez samedi
Je vous ennuierai pas, c'est promis
Je vous attendrai, on ira danser.
Mon ami est parti, j'ai toute la soirée.
Chère Mademoiselle Lepinski,
Oui, j'ai dit que « Les soldats sont des assassins »
C'est normal, sur ordre, ils tuent des humains
Et nous ne pouvons quand même pas dire oui
À un peuple qui pourrait commettre à nouveau le pire
Refaire un Reich, revouloir un Empire
À un pays où le groupe écrase l'individu
Où les tueurs se promènent tout nus
Portent des casques d'acier et font de la gymnastique.
Rassurez-vous, je ne parlerai pas de politique
Je viendrai samedi au rayon hommes chez Leiser
Nous irons boire, manger et danser chez Walter.
Je suis votre « Mam 'selle Piesenwang »
En vérité, je m'appelle Ilse
Et pas du tout Piesenwang
Ilse, Ilse Lepinski
Et n'allez pas croire...j'ai un ami
Mais il est assez tolérant.
Il m'a fait lire vos trucs marrants
Et c'est vrai, on a bien ri
Malheureusement, je n'ai pas tout compris,
Sauf que parfois, vous êtes méchant.
Mais on m'a dit que vous êtes très séduisant.
Mademoiselle Ilse
Je vous jure que je ne suis pas si méchant
Croyez-moi, Mademoiselle Ilse
J'ai essayé pendant trois ans
D'échapper à la guerre par tous les moyens
Pour ne pas tuer d'autres humains
Pour ne pas être fusillé
Ou crever bêtement à l'étranger
Beaucoup en firent autant.
C'étaient pourtant de bons Allemands
Un jour, on m' a donné un fusil
Je l'ai posé là et je suis parti.
Vous savez, mon cher Tiger
J'aime vous appeler Panter ou Tiger
Ça me trouble beaucoup
Mais pour la danse, vous n'y êtes pas du tout
Avec une robe jaune au dessus du genou.
Je danse un truc terrible, un charleston,
Des ondes, on tremble, quelle sensation !
Ça monte du bas et ça vous envahit tout
Si vous venez, je vous montrerai.
Et j'ai dans ma petite boîte, quelque chose
Un de ces bonbons, qui rend tout chose
Si vous voulez, je vous en ferai goûter.
Chère Mademoiselle Ilse, j'aimerais bien
Mais avant tout, il nous faut sortir du pétrin
Dans lequel les militaires nous ont fourrés.
Quatre années de massacres, c'est assez
Ils peignent des croix gammées sur nos maisons
Ils font ces saletés-là pour que nous partions
Le meurtre politique est organisé
Le dol, le vol, l'assassinat sont exemptés
Les tribunaux ont peur et la justice suit.
Condamnations légères, non-lieux et sursis,
Ni les Balkans, ni l'Argentine, ni le Pérou
Ne supporteraient d'être comparés à nous.
Cher Monsieur Kaspar Hauser,
Je sais bien que vous êtes Tucholsky
Que vous êtes juif et plutôt fier
Moi aussi, mon nom finit par ski.
Je suis une personne bien ordinaire
Je vends des chaussures chez Leiser,
Au rayon messieurs, je m'y plais bien
Et puis, j'aime les gros, ils dansent bien
C'est tout au fond du magasin. Venez samedi
Je vous ennuierai pas, c'est promis
Je vous attendrai, on ira danser.
Mon ami est parti, j'ai toute la soirée.
Chère Mademoiselle Lepinski,
Oui, j'ai dit que « Les soldats sont des assassins »
C'est normal, sur ordre, ils tuent des humains
Et nous ne pouvons quand même pas dire oui
À un peuple qui pourrait commettre à nouveau le pire
Refaire un Reich, revouloir un Empire
À un pays où le groupe écrase l'individu
Où les tueurs se promènent tout nus
Portent des casques d'acier et font de la gymnastique.
Rassurez-vous, je ne parlerai pas de politique
Je viendrai samedi au rayon hommes chez Leiser
Nous irons boire, manger et danser chez Walter.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 20/2/2011 - 20:15
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Canzone française – Mademoiselle Ilse – 1921 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 20
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
J'aime vous appeler Panter ou Tiger
Ça me trouble beaucoup
Tiens, Lucien l'âne mon ami, tu te rappelles certainement ces chansons de Kurt Tucholsky que j'avais traduites récemment...Il y en a plusieurs...
Oui, de fait, je me souviens fort bien de Guerre à la Guerre, Roses éparses sur le chemin, Bienfaisance sociale, Parc Monceau...
Peut-être même as-tu remarqué que je n'avais pas fait de commentaires spécifiques et que je n'avais pas parlé de Tucholsky lui-même...
J'avais remarqué cela et, dit Lucien l'âne avec ses oreilles dressées en points d'interrogation car Lucien l'âne est très expressif du corps, je me demandais pourquoi tu ne disais rien d'un tel artiste, d'un tel intellectuel, d'un tel militant de l'humaine nation...
Eh bien, la raison de mon silence est tout simplement que je préparais cette chanson qui elle va donner un éclairage sur sa personnalité et rendre hommage à Kurt Tucholsky. Et comme tu as l'air de savoir quel grand écrivain c'était, quel poète il fut, tu as pu subodorer l'immense influence qu'il a eue sur la poésie et la littérature allemandes. Je pense notamment à Bert Brecht, Günter Grass et à Hans-Magnus Enzensberger. Tu as pu voir aussi sa clairvoyance à l'égard du Blechtrommel, de ce Tambour de fer blanc qui rêva d'un Reich de mille ans,tu as pu connaître sa dénonciation du régime de ce trublion et de ses prémices implacables. Une vraie plume d'acier que cet homme-là... Je pense à l'influence de la Weltbühne qu'il anima si bien sous toutes sortes de pseudonymes. Et des pseudonymes, il en eut... Par exemple : Kaspar Hauser, Peter Panter, Tigre de Theobald et Ignaz Wrobel
Oui, Marco Valdo M.I. mon ami, je savais une partie de tout cela et je découvre avec ravissement le reste. Mais qu'en est-il de la chanson du jour ?
D'abord, je suppose que tu sais qui était Peter Pan(ter), ce gentil héros qui combat les effrayants (et ridicules) pirates du capitaine Ehrhardt...
Excuse-moi, n'était-ce pas plutôt du capitaine Crochet ?, dit Lucien l'âne un peu héberlué...
Mais si, mais si, c'est du capitaine Crochet quand il s'agit de Peter Pan, mais s'agissant de Peter Panter, il s'agit principalement, du capitaine Ehrhardt et de ses pirates aux Casques d'Acier, ces ressusciteurs des lansquenets, tant vantés par Ernst Jünger et qui seront plus tard ceux du caporal Tambour... connu aussi sous le nom d'Adolf Hitler. Au fait, je te signale en passant qu'il s'agit du même Ernst Jünger, Orages d'acier... dont on a relaté ici même dans les Histoires d'Allemagne la conversation avec À l'Ouest... en terrain neutre, à Zurich, cinquante ans après la guerre. Mais revenons à la chanson... Cette année-là, deux ans après la guerre, Ernst Jünger s'était lancé dans la Révolution conservatrice, celle qui mènera tout droit au nazisme.
Alors ce que raconte la chanson du jour, notre histoire d'Allemagne du jour... ?, dit Lucien l'âne en riant.
En somme,dit Marco Valdo M.I., c'est un projet de brève rencontre, initié par une jeune femme. Elle met en scène, notre chanson deux personnages: Peter Panter qui n'est autre, comme je te l'ai dit, que Kurt Tucholsky lui-même et Mademoiselle Ilse Lipinski et tout au long de la chanson ces deux-là s'envoient des petits mots...
Waouww !, dit Lucien l'âne un peu émoustillé.
Exactement, tout commence par un mot de Mademoiselle Ilse où elle fait savoir à Tucholsky, alias Panter, qu'elle tient assez à passer une soirée avec lui et le Don Juan putatif finit par accepter le rendez-vous. Un roman express, en quelque sorte. Un jeu croisé de séduction que l'on trouve chez Mozart, chez Marivaux et chez tellement d'auteurs... L'objet d'une infinité de romans, de nouvelles, de films, de feuilletons télévisés... et bien sûr, d'opéras, d'opérettes, de comédies musicales, de chansons... Mais c'est bien plus que ça... Ce marivaudage sert en fait un autre but qui est bien plus important... C'est l'écrin d'une défense et illustration de Tucholsky par lui même et d'autres considérations politiques et philosophiques.
Houlala, dit Lucien l'âne. Voilà qui soudain est bien sérieux. Je croyais que Mademoiselle Lipinski, sans vouloir l'offenser, était une jeune personne douée d'une certaine vitalité et d'un goût prononcé pour la danse.
Mais tu n'as pas tort, c'est bien cela. Ilse est une jeune femme du peuple (elle est vendeuse dans un magasin de chaussures) qui songe aussi à prendre la vie du bon côté et à ne pas trop s'en faire. Mais elle est rattrapée par l'horrible réalité que lui fait découvrir Peter Panter.
C'est donc bien une chanson et pas un traité de science politique. Ah là, tu me rassures, dit Lucien l'âne en souriant, je vois Mademoiselle Ilse danser le charleston en robe courte... Elle est vraiment coquine...
Oui, c'est décidément bien une chanson... Rappelle-toi, Lucien l'âne mon ami, que notre instrument de compréhension et d'élucidation du monde, c'est précisément la chanson, la poésie et comme il est dit en préambule à toutes ces histoires d'Allemagne...« Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. ». Et puis encore, ne penses-tu pas comme moi que Berta et Ilse sont des incarnations de l'Allemagne, de la population allemande ? En fait,dans cette chanson Kurt Tucholsky s'explique de son action d'écrivain, de poète, de journaliste, de polémiste, de militant... Bref, d'homme avec des sentiments, avec des goûts, avec une vie sociale et des moments de détente, de fête. Par ailleurs, il ne faut surtout pas oublier que c'est Günter Grass qui raconte cette histoire et qu'il le fait tout à la fin du siècle et qu'il serait très surprenant qu'il n'ait pas lui aussi conscience du rôle de Tucholsky. Bon, j'arrête là, car il y a mille choses encore à dire à propos de cette chanson.
Oui, mais, dit Lucien l'âne, j'aimerais quand même ajouter que tu y as toi aussi apporté ton grain à cette image mouvante et qu'il me paraît – tu ne me l'enlèveras pas de l'esprit – que parlant du passé, tu parles du présent... Et que, quand tu parles du futur du passé, de l'avenir vu de 1921, tu parles de l'avenir de nonante ans plus tard, de l'avenir de 2011. Tout comme, je crois comprendre que tes Histoires d’Allemagne parlent de l'Allemagne, certes, mais aussi de l'Europe en train de s'unifier... sous une influence grandissante et pesante de la Chancellerie berlinoise, avec tous les risques que cela représente.
En effet, en effet, on pourrait très bien imaginer cela... Et qu'il y a dans la chanson du jour une certaine mise en garde... Mais restons-en là...
Oui, dit Lucien l'âne, restons en là provisoirement et tissons le linceul de ce vieux monde au destin sans cesse recommencé, de ce vieux monde pesant et cacochyme.
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane