Le Zeppelin nous laissait la tête penchée
En arrière, enthousiastes et bouche bée
Tous au lycée, on acheta un chapeau de paille jaune doré
Un chapeau dit : scie circulaire ou canotier.
Je le posai à côté des Buddenbrooks, un fameux livre
La Reichspost éditait les premiers timbres
Valables pour tout l'Empire
Les seins cuirassés, raide, sans sourire.
Germania (une grosse poitrine) s'y montrait de profil
Elle annonçait le progrès et la téléphonie sans fil
Et tout un remue-ménage futur, douze ans plus tard
Quand par centaines de milliers, elle nous appela dans les gares
Un gendarme en pleine rue, tambour de ville, faisait grosse impression
Il proclamait – au nom de sa Majesté Guillaume – la mobilisation.
Fameux changement de décor.
On troqua nos canotiers bouton d'or
Contre des casques à pointe.
On partit la fleur au fusil, sans crainte.
En quelques dizaines d'heures,
On sera vainqueurs !
En arrière, enthousiastes et bouche bée
Tous au lycée, on acheta un chapeau de paille jaune doré
Un chapeau dit : scie circulaire ou canotier.
Je le posai à côté des Buddenbrooks, un fameux livre
La Reichspost éditait les premiers timbres
Valables pour tout l'Empire
Les seins cuirassés, raide, sans sourire.
Germania (une grosse poitrine) s'y montrait de profil
Elle annonçait le progrès et la téléphonie sans fil
Et tout un remue-ménage futur, douze ans plus tard
Quand par centaines de milliers, elle nous appela dans les gares
Un gendarme en pleine rue, tambour de ville, faisait grosse impression
Il proclamait – au nom de sa Majesté Guillaume – la mobilisation.
Fameux changement de décor.
On troqua nos canotiers bouton d'or
Contre des casques à pointe.
On partit la fleur au fusil, sans crainte.
En quelques dizaines d'heures,
On sera vainqueurs !
envoyé par Marco Valdo M.I. - 5/1/2011 - 22:54
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Canzone française – Canotiers et casques à pointe – 1902 – Marco Valdo M.I. – 2010
Histoires d'Allemagne 4
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Gottingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également)et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Il y a deux ans, c'était durant l'été à Pékin qu'eut lieu la Guerre des Boxeurs qui engendra de grands massacres. L'armée, réduite en cela à un corps expéditionnaire se distingua par son implacabilité et en profita pour essayer les effets – grandeur nature – du canon à tir rapide de 55 mm de Krupp (Essen). Le siècle démarrait dans un bain de sang chinois. Mais comme tu vas le voir, mon ami Lucien l'âne et comme tu le sais peut-être déjà, ou comme tu le subodores ou le supposes ou l'imagines, l'Empereur d'Allemagne, qui s'appelait – te l'ai-je dit – Wilhelm Deux, plus communément en français – Guillaume Deux, avait un tempérament très pacifique et avait bien intégré ses leçons de latin : Si vis pacem, para bellum – Si tu veux la paix, prépare la guerre.
J'ai déjà souvent entendu cette sentence, elle n'a jamais rien présagé de bon. Tous ceux qui s'en réclamaient finissaient tôt ou tard par accomplir la guerre qu'en bons pacifistes, ils préparaient méticuleusement.
Disons pour parler militaire : préparer la guerre « dans l'ordre et la discipline ». C'est exactement ce que fit Guillaume Deux en cette année 1902. Il passa des aventures lointaines et meurtrières à la préparation d'aventures à venir devant sa porte. Pour cela, il avait besoin de beaucoup de monde, comme il se révèlera quelques temps plus tard. Il s'agissait de préparer le peuple allemand – un peuple récent en ces temps-là, qui sortait à peine des mains du chancelier créateur Bismarck – Otto Eduard Leopold von Bismarck-Schönhausen, Premier Chancelier d'Allemagne – Premier Chancelier Impérial. Il s'agissait aussi de le former, c'est-à-dire de lui donner forme et consistance, puis de le durcir. Mais, comme je te l'ai dit, les mouvements de l'histoire sont assez lents et ce n'est que douze ans plus tard que l'Empereur ordonna donc la mobilisation générale. On en était encore au début de la mise au pas de ce nouveau peuple, de cette nouvelle nation, née après la guerre de 1870. On passait ainsi de la Prusse à l'Allemagne. Autre élément qui indique qu'il s'agit bien des débuts de l'Empire, c'est cette histoire de timbre-poste à l'effigie de Germania, dotée d'attributs propres à susciter d'héroïques passions,
C'est effectivement un tournant dans l'histoire de l'Europe et sans doute, un des événements majeurs de cette histoire. Mais en quoi cela intéresse-t-il les CCG ?
Il y a une foule de bonnes raisons à avancer à ce sujet, mais l'essentiel de cette canzone est de montrer l'inconscience de ces jeunes gens qui glissaient ainsi vers la guerre et une des plus grandes boucheries de tous les temps comme s'il s'agissait de changer de chapeau et comme ils disent dans la canzone : « On troqua nos canotiers bouton d'or contre des casques à pointe ». Je te rappelle cependant que la chanson se situe douze ans avant que commence le grand massacre, qu'elle annonce, qu'elle anticipe. Il s'agit de vivre l'histoire des canotiers.
Étrange, en effet, cette inconscience... Comme quoi, il est utile et important de maintenir et de développer le message contre la guerre, mais aussi contre la constitution de grandes machineries militaires...
Je voudrais quand même préciser ceci, mon ami Lucien l'âne, pour toi et sans doute aussi pour ceux qui vont nous lire. Il s'agit bien ici de raconter un siècle d'histoires d'Allemagne et non de faire l'Histoire de l'Allemagne; il s'agit encore moins de faire un réquisitoire contre tous les gens d'Allemagne. On peut d'ailleurs augurer que ce qui est décrit ici pour l'Allemagne, cette effervescence nationale se retrouve dans les autres États-Nations d'Europe et d'ailleurs et qu'elle y a les mêmes effets. Ce qu'il importe de percevoir et de comprendre, c'est combien une telle effervescence est perverse et en finale, meurtrière. Et comment elle a permis de manipuler les hommes pour que quelques temps plus tard, ils se lancent avec témérité et inconscience contre les voisins – avec la fameuse « fleur au fusil ».
D'accord, mais cette histoire de chapeaux, d'échange de chapeaux... Qui aurait dit que ce bouton d'or se muant en casque à pointe, quelques années plus tard, allait produire Verdun, la Somme, l'Isonzo, la Piave et autres grandes tueries...
On le dira encore souvent ici, comme le disait à la Barbara de Brest, Jacques Prévert : Quelle connerie la guerre ! Aujourd'hui comme hier, il est impératif de s'atteler à tisser, envers et contre tout, le linceul de ce vieux monde pervers, guerrier, inconscient et cacochyme.
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.