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Malaria mortelle

Marco Valdo M.I.
Langue: français



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Malaria mortelle

Canzone léviane – Malaria mortelle– Marco Valdo M.I. – 2009
Cycle du Cahier ligné – 73

Malaria mortelle est la septante-troisème chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.

Moi, dit Lucien l'âne aux mots d'or, je m' y perds dans ce dédale des canzones... J'ai comme l'impression de suivre une pensée ou des pensées erratiques; en somme d'être dans un lieu réel et de voyager dans un monde imaginé.

Mais, mon ami Lucien l'âne, c'est exactement çà... Souviens-toi, je te l'ai déjà expliqué... Du fond de sa cellule ou de sa couche, le blessé-prisonnier-guerrier poursuit nuit après nuit, l'édification de son monde interne qu'il instaure comme monde de sa liberté – toute intérieure elle-aussi – face à cet environnement qui l'oppresse et l'opprime. Il s'agit de résister à l'oppression, de se donner de l'espace afin de pouvoir continuer à vivre malgré tout. Avec, comme presque toujours ce voyage temporel, ce perpétuel aller-retour vers les lieux heureux de l'enfance. Une étrange et formidable errance dans sa propre histoire comme s'il était pour lui-même son propre pays, son propre territoire, son propre univers, sa propre culture.

Tous comptes faits, il me rappelle le philosophe au large front, tu sais bien celui-là qui enseignait la vie à des jeunes filles... Tu le connais bien toi, Marco Valdo M.I. Mon ami, celui-là, suffisamment subtil pour savoir et reconnaître d'entrée de jeu n'être rien, n'être rien d'autre que ce rien qu'on est soi-même... et en plus, de vivre sa vie en sachant cela.

Sans doute, sans doute, Lucien mon ami l'âne philosophe... Chacun en jugera, mais la voie ne me paraît pas s'égarer. Trêve de philosophie et revenons à cette canzone, juste pour remarquer qu'elle se termine sur une note très actuelle et la dénonciation de l'écrasement d'une grande partie de nos contemporains sous la pression, à mon sens, mentale et psychique – une véritable agression quotidienne – de l'écran hypnotique. Je pense bien d'ailleurs, Lucien, que c'est là le plus sûr instrument du pouvoir, l'organe essentiel de la dictature des sourires (faux)... Un instrument bien plus terrifiant que les « manganelli » (gourdins, matraques et toutes ces sortes de choses contondantes) du fascisme primitif tant les effets de la télévision sont ravageurs et massifs.

En fait, dit Lucien l'âne, si j'ai bien compris ce que tu viens de me dire, c'est qu'avec leur écran hypnotique, ils ont réussi à obtenir sans même rencontrer de résistance que les gens s'écrasent complètement d'eux-mêmes. Bref, l'hypnose cathodique est plus efficace que la peur pour imposer son pouvoir et tout ce qui s'en suit – ses intérêts, sa bande de larbins, ses exigences, ses immunités et ses caprices...

Tu as bien résumé la chose, mon cher Lucien , mais je finirai par croire que les ânes sont bien plus subtils que la plupart des hommes... en somme, cette hypnose cathodique, c'est une vraie bombe atomique mentale... Elle détruit tout à l'intérieur et ne laisse à la place de l'homme qu'une sorte de zombie, un béni oui-oui, un admirateur du grand frère – en anglais : Big Brother. Tu sais bien, ce Big Brother qui apparaît souriant sur tous les écrans à tous moments et qui donne toujours l'impression de s'adresser à toi. Ce personnage, qui se montre de préférence en gros plan et qui prétend incarner à lui tout seul le Beau, le Vrai et le Bien. Ainsi, avec lui et ses semblables, l'écran cathodique, c'est l'arme essentielle dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches mènent contre les pauvres en vue de les domestiquer et d'en tirer le profit maximum.

Décidément, dit Lucien l'âne en hochant la tête d'un doux balancement rythmé, ce monde est encore plus atteint que je ne le pensais... Tissons-lui son linceul à ce vieillard libidineux et cacochyme.

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Étrange d'affirmer son existence
Dans ce trou où n'a plus cours l'ébauche
D'une perspective ou d'une distance,
D'une droite ou d'une gauche...
Ce monde des ombres où je passe la nuit,
Cet intérieur de baleine aux parois poisseuses
Empoisonné par les hurlements, les cris,
Les blessures d'une haine odieuse
Cet univers commun et quotidien
Où des serpents veillent sur des monceaux d'acier.
Dans l'usine où un aveugle cherche en vain
Avec des allumettes qui ne peuvent s'allumer
À allumer des feux contre les moustiques porteurs
De malarias inconnues et mortelles
Tourbillonne l'ombre de chaleur
Lourde, grasse, fangeuse, irréelle.
Une rose blanche au fragile pétale
Plus mince que la toile d'araignée,
Plus tenace que désespérée
Comme un citron vers trois bouches médiévales
Tombe dans le noir du soleil nocturne.
Toute la nuit, est entré dans la pièce l'air de Sassari
Avec les robes des gitanes et leurs senteurs diurnes
L'air des Baléares, de Formentor et d'Andalousie
Est passé, à son tour, léger, sec, subtil
Transporté en hauteur par le vent.
Et puis… les grondements
Des trams et des automobiles
On n'est plus aux temps des mots, ni des jeux interdits,
Quand dans le jardin paternel ou sur la grève
Scintillaient les étoiles de l'Ourse ou de la Chèvre.
L'écran hypnotique des jours d'aujourd'hui
Les tient couchés à la renverse,
L'échine à terre, par les images étourdis,
Gisants sans défense sous l'averse,
Comme le blessé sur le champ de bataille.
Contemple le monde qui s'enfuit et tressaille,
Presque tous ralliés ou résignés
Aux caprices d'un pouvoir insensé.
 

envoyé par Marco Valdo M.I. - 28/12/2009 - 22:09




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