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Tira Poc

Marco Valdo M.I.
Langue: français



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Tira Poc
Canzone léviane – Tira Poc – Marco Valdo M.I. – 2009
Cycle du Cahier ligné – 69


Tira Poc est la soixante-neuvième chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.


Voici, mon ami Lucien l'âne si patient, un bien curieux titre pour une bien curieuse canzone. Si curieuse et si étrange, qu'il me faut t'entretenir un peu de son contenu. Ainsi qu'il est dit depuis le début de ce Cycle du Cahier Ligné, toutes ces canzones naissent au cœur d'un rêve, d'un songe, d'une méditation, enrobées de mystère et ce rêve, ce songe, ce mystère sont ceux d'un guerrier-blessé-prisonnier-enfermé et seraient pour lui, la seule manière de s'assurer qu'il vit encore et également, la seule manière de résister à une pression mortelle qui pèse sur lui. En outre, ce sont des canzones lévianes, c'est-à-dire qu'elles sont construites à partir et avec des éléments tirés de la traduction française du Cahier Ligné (titre original : Quaderno a cancelli) de Carlo Levi. Tu ne seras donc pas étonné, dès lors qu'apparaissent des personnages ou des événements de la vie de Carlo Levi.

Oui, oui, évidemment, dit Lucien l'âne en relevant d'un coup de tête ses oreilles et sa crinière qui lui tombait sur les yeux. Et en tous cas, je l'imaginais bien. Mais encore... Y a-t-il des choses si particulières cette fois ?

Lucien mon ami, c'est un vrai plaisir de converser avec toi... Comment te dire ? La conversation en est comme facilitée... Voilà, cette fois-ci, je vais te donner des indications précises pour te montrer certaines réminiscences lévianes. Par exemple, Tira poc, qui est le titre de la canzone, sont des mots d'une phrase en piémontais... qui chez Carlo Levi est la langue de la connivence qu'il maintient avec Lucia, qui le soigne sur son lit d'hôpital. C'est pareil avec la Murge et le Carso ou avec « nost regio », qui renvoient très directement au Piémont et à Turin.

Mais que vient faire dans tout ça, la ville française, le restaurateur tunisien, les Anglais, les hordes barbares et ce Menzio..., demande l'âne Lucien très curieux de tout.

Il faut sérier les choses, Lucien mon ami l'âne. La ville française, les Anglais, les hordes se rapportent au même événement : l'exil de Carlo Levi en France – exil politique sous le fascisme régnant. En 1939, il est à La Baule, petite ville proche de Saint Nazaire, où il écrit Paura della Libertà, et regarde les Anglais rembarquer au plus vite avant l'arrivée des hordes de panzers. Et puis, la canzone bascule des années plus tard – c'est comme dans un film ou comme dans certains romans. Nous sommes donc subitement à un autre endroit de la mémoire et on y rencontre un restaurateur tunisien et sa famille, une plage à nouveau, et Menzio.

Justement, je me demande qui peut bien être ce Menzio ? , dit Lucien l'âne en croisant ses deux sabots antérieurs.

C'est un peintre d'origine sarde, qui fin des années 1920 avait fait partie avec Carlo Levi et d'autres du groupe des Six, groupe de peintres turinois qui s'étaient rassemblés pour créer une peinture nouvelle et moderne en résistance contre l'art national fasciste. Comme quoi, la peinture, comme la chanson, peut elle aussi entrer en résistance.... Au travers des événements qui ont succédé, Menzio est resté très ami avec Carlo Levi et ils se retrouvent là à passer un moment chez ce Tunisien à manger un – disons – montone cuit à la broche, ce qui est une tradition culinaire sarde – entre autres. Il y aurait bien d'autres choses à raconter à propos de cette canzone, mais j'arrête ici.

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
La patrouille est choisie
Sortir de la tranchée : périlleuse mission;
Elle revient peu après, en chansons,
Parmi les rires, les lazzi et les moqueries.
Le rouge reste dans ce noir
La seule couleur, le seul noir
Tira poc, Lucia, cosa a cred ? Ansumma là la bandiera ?
Quand donc on en sortira ? Comment on en sortira ?
De quoi parlions-nous ?
Plonger dans le courant
Tumultueux d'un fleuve éblouissant,
Et rentrer chez nous
À travers les remous tourbillonnants
De la Murge ou du Carso
A l'è propri bel nost Regio
Gonflés par une pluie d'été
Vers le soir.
Voyage sans fin, dans l'obscurité.
Au cœur de ma mémoire
Je suis le promeneur tranquille,
Dans une petite ville,
De la côte française au bord de la mer,
Les Anglais rembarquent à Saint-Nazaire.
Les hordes félonnes déferlent déjà au loin.
Dans un petit restaurant franco-tunisien,
À la cuisine, on cuit en entier,
Une sorte de bique, de bouc ou de mouton
De biche, de gazelle ou de mouflon ?
Déjà bien doré.
Ses épaules ressortent du gras.
Le patron, aux fines moustaches, boit à une petite table.
Sa femme et sa fille préparent le repas,
Je sors sur la plage de sable.
Arrive mon commensal, Francesco Menzio
Délicat et vieux, Menzio,
Très beau, élégant et ironique, Menzio,
Peu de rides; une mèche sur le front, Menzio,
Affectueux et doux comme toujours, Menzio,
Il m'avait enseigné des choses précieuses, Menzio
Fondements et secrets de la peinture, Menzio.

envoyé par Marco Valdo M.I. - 1/12/2009 - 21:18




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