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Les Crêtes de Lucanie

Marco Valdo M.I.
Langue: français



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Les Crêtes de Lucanie
 
Canzone léviane – Les Crêtes de Lucanie – Marco Valdo M.I. – 2009
Cycle du Cahier ligné – 54


Les Crêtes de Lucanie est la cinquante-quatrième chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.
Crois-moi, Lucien l'âne mon grand ami, ce doit être oppressant d'être ainsi enfermé, toujours derrière un mur, une porte, des barreaux, avec cette impression constante d'être surveillé, épié, regardé, écouté... Cela doit ravager l'esprit le plus détendu, le plus serein.

Nous les ânes, dit Lucien en secouant sa longue tête de haut en bas en signe d'approbation, nous connaissons bien ces sensations car nous avons une longue tradition d'asservissement et de malséance des humains à notre égard. En somme, nous sommes des bêtes de somme, autrement dit des sortes d'esclaves qu'on enferme ou qu'on bat, ou les deux à la fois comme on veut. Disons comme d'immenses idiots humains veulent. Donc, je comprends parfaitement ce que doit ressentir notre ami le guerrier-blessé-prisonnier. Vois-tu, Marco Valdo M.I. mon ami, quand en plus la chose se prolonge, il y a comme une sorte de sécheresse sociale et affective qui apparaît et une sorte de mécanisme d'autodéfense s'installe, notamment au travers du rêve, du songe, de la méditation... On en a déjà parlé de ce retour dans un monde interne, inaccessible de l'extérieur, un monde lové au plus profond de l'intimité de l'être... Mais si celui-là vient à se tarir, à s'étioler... Il y a des moments de grand désespoir qui surgissent d'un coup sans qu'on sache trop pourquoi, ni comment.

Tu en sais bien des choses, Lucien l'âne sage, mais il faut bien considérer que tu es porteur d'une sagesse millénaire et d'une expérience du même calibre. D'ailleurs, n'es-tu pas toi-même prisonnier de ton apparence …? Tu as dû en connaître des moments de ce désespoir infini auquel on ne sait trop quoi opposer, tu as dû en voir des crêtes de Lucanie écrasées sous le soleil.

Oui, dit l'âne Lucien d'une voix grave, on ne voit plus qu'elles sous le soleil blanc jusqu'au moment où le soleil devient noir comme un ciel de fer et de suie.

Mais, mon ami l'âne si curieux, je voudrais te rassurer car je te vois effaré. Ces instants, ces moments, ces temps de désespérance – pour la plupart – ne durent pas. Ils sont comme des pauses que le lutteur s'accorde avant de repartir au combat et c'est dans ces moments que surgit un indispensable oubli... Les choses semblent disparaître, tout s'éloigne, l'être lui-même s'endort ou s'enfonce dans ce désert intérieur... Telles sont les crêtes de Lucanie.

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Maintenant, en rêve,
Ensorcelé, diabolisé,
Reparaît, en rêve,
Le mur qui me tient enfermé.
Dans ce monde irréel de réalité
La droite et la gauche, réflexes mécaniques
Le dessus et le dessous, et l'encor plus rare oblique,
Et l'Ouest et l'Est, et la nuit et le jour,
Et la rose, la rose impossible, la Rose des Vents.
Tout va se dissipant
Et se perd, et s'éloigne toujours.
Le château, la tonnelle-toile d'araignée et le guerrier,
Le Christ, les sauterelles, la poussière, les briques,
La Diatto et le Mont des Capucins
La montagne neigeuse et la statue d'Amérique
Tout se dissout et disparaît dans un lointain.
Mon histoire est donc finie ? Ma vie ?
Encore plus aride, s'il est possible, que l'aridité
Qu'un champ sec, une terre désunie
Crevassée par la brûlure torride d'un seul été,
Asséchée à craquer sous un soleil rayonnant,
Qui emplit tout le ciel d'une lumière violente et de vent.
La campagne sans une herbe est un fond de lac desséché;
L'argile a la couleur transparente de l'eau.
Comme les rayons d'un ancien tableau,
Les crevasses de la calanque irradient de chaque côté,
Ainsi étaient les crêtes de Lucanie, l'été.
Encore plus arides, s'il est possible, que l'aridité
Qu'un champ sec, une terre désunie
Crevassée par la brûlure torride d'un seul été,
L'histoire est donc finie ? La vie ?

envoyé par Marco Valdo M.I. - 30/9/2009 - 23:20




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