Le petit Comte, on ne le voyait pas;
Il était avec son frère au collège à Turin;
Et puis, le château était loin
Perché sur la colline à Monticello Villa,
Il était pénible d'y monter là-haut.
D'où on voyait toutes les Langhe et le Monviso
Et en bas, une par une, les maisons de Monticello Piazza.
C'étaient des paysages admirables.
Il me faut à présent parler des hommes convenables
Des hommes d'une "poésie honnête",
Lumineux, resplendissants, brillants, nets,
Ou un peu voilés, à peine estompés
Par les résidus du temps.
Secs et durs, du bois dont on fait les centenaires
Et comme rouillés cependant
Comme si l'eau des grottes les avait oxydés,
Goutte à goutte pendant des millénaires.
D'autres sont vraiment sales,
Recouverts du gras de la suie de la vulgarité,
Remplis de vide, quérant la notoriété.
Ils se parent des plumes nationales.
Et vont du pas de l'éléphant.
Se dandinant dans la lumière glauque du verre luisant.
Le temps ensuite viendra ,
Qui les couvrira de terre et de pluies.
Puis, les recrachera.
Et les noiera dans la mer de cristal
Ou pire, au fond de l'océan infernal.
Dans ce dimanche d'Eboli,
Où le Christ comprit
Qu'il ne pouvait civiliser,
C'est-à-dire posséder
De plein droit
Les brindilles d'Accettura.
Il était avec son frère au collège à Turin;
Et puis, le château était loin
Perché sur la colline à Monticello Villa,
Il était pénible d'y monter là-haut.
D'où on voyait toutes les Langhe et le Monviso
Et en bas, une par une, les maisons de Monticello Piazza.
C'étaient des paysages admirables.
Il me faut à présent parler des hommes convenables
Des hommes d'une "poésie honnête",
Lumineux, resplendissants, brillants, nets,
Ou un peu voilés, à peine estompés
Par les résidus du temps.
Secs et durs, du bois dont on fait les centenaires
Et comme rouillés cependant
Comme si l'eau des grottes les avait oxydés,
Goutte à goutte pendant des millénaires.
D'autres sont vraiment sales,
Recouverts du gras de la suie de la vulgarité,
Remplis de vide, quérant la notoriété.
Ils se parent des plumes nationales.
Et vont du pas de l'éléphant.
Se dandinant dans la lumière glauque du verre luisant.
Le temps ensuite viendra ,
Qui les couvrira de terre et de pluies.
Puis, les recrachera.
Et les noiera dans la mer de cristal
Ou pire, au fond de l'océan infernal.
Dans ce dimanche d'Eboli,
Où le Christ comprit
Qu'il ne pouvait civiliser,
C'est-à-dire posséder
De plein droit
Les brindilles d'Accettura.
Contributed by Marco Valdo M.I. - 2009/7/26 - 18:41
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Canzone léviane – Les Brindilles d'Accettura – Marco Valdo M.I. – 2009
Cycle du Cahier ligné – 34
Les Brindilles d'Accettura est la trente-quatrième chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.
La pensée du prisonnier flotte dans la nuit des souvenirs, puis, elle dérive sur la mer de la méditation. En somme, comme Montaigne, il voit le monde à sa manière et somme toute, philosophe.
Nous y voilà, dit l'âne Lucien, j'imaginais bien que tu allais le dire un jour que la canzone est une manière de philosopher. Et je suis très intéressé à ce que tu me dises pourquoi la philosophie, comme on la pratiquait de mon temps d'âne, passe par la canzone. Jusqu'ici, il était entendu que dans la chanson, on avait entendu parler d'amour, on y avait conté des aventures en tous genres, on y avait répandu le vide de l'indigence humaine, on y avait même trouvé de la poésie...
Ah, Lucien, je reconnais bien là ta lucidité, tu perces à jour tout de suite le voile qui entoure le mystère; en deux phrases, tu le déchires. Mais, rassure-toi, je ne vais pas te lanterner. À ta question, je vais répondre, car elle mérite une réponse. D'abord, le premier indice est la référence à Montaigne. Ce n'est assurément pas un hasard. Le prisonnier, notre prisonnier, dont nous suivons les aventures ou les méditations, use de la canzone pour – en quelque sorte – nous parler du fond de sa prison ou de son enfermement. Et l'avis « au lecteur », de Michel de Montaigne, s'applique tout à fait bien à sa façon. Je te le lis :
« C'EST icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t'advertit dés l'entree, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privee : je n'y ay eu nulle consideration de ton service, ny de ma gloire : mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ay voüé à la commodité particuliere de mes parens et amis : à ce que m'ayans perdu (ce qu'ils ont à faire bien tost) ils y puissent retrouver aucuns traicts de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifve, la connoissance qu'ils ont eu de moy. Si c'eust esté pour rechercher la faveur du monde, je me fusse paré de beautez empruntees. Je veux qu'on m'y voye en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans estude et artifice : car c'est moy que je peins. Mes defauts s'y liront au vif, mes imperfections et ma forme naïfve, autant que la reverence publique me l'a permis. Que si j'eusse esté parmy ces nations qu'on dit vivre encore souz la douce liberté des premieres loix de nature, je t'asseure que je m'y fusse tres-volontiers peint tout entier, Et tout nud. Ainsi, Lecteur, je suis moy-mesme la matiere de mon livre : ce n'est pas raison que tu employes ton loisir en un subject si frivole et si vain. A Dieu donq.
De Montaigne, ce 12 de juin 1580. »
Bon, dit Lucien l'âne un peu décontenancé, je veux bien te croire. Et puis surtout, j'aime beaucoup imaginer Michel de Montaigne tout nu.
Ensuite, la philosophie, l'actuelle philosophie, telle qu'elle est pratiquée par les professionnels de la chose, s'est tellement enfermée dans ses bastions corporatistes et dans ses éditions réservées que celui qui – comme le prisonnier – en est réduit à lui-même, doit trouver d'autres modes de penser. Et la canzone s'y prête bien qui s'en va méditant par petites touches jusqu'au bout du monde.
C'est un peu la philosophie de l'âne..., conclut Lucien en souriant de son immense denture.
Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.