La Loi dit : les terres incultes
les terres vierges de moissons
sont à ceux qui les travaillent.
Mais plus que la Loi, les patrons
commandent aux carabiniers.
Chez Gaetano, tard le soir,
Il y a zio Antoni, l'anarchiste,
aux yeux trop noirs et trop vifs,
Franciscu, qui ne possède rien,
dit Gesù Cristu Aresti...
Et Cruccueu, avec son moignon.
Ils parlent à voix basse
Certains sur les sièges,
D'autres accroupis.
La Loi dit : les terres incultes
les terres vierges de moissons
sont à ceux qui les travaillent.
Mais plus que la Loi, les patrons
commandent aux carabiniers.
Les hommes avec leur houe et leur pelle
Les jeunes avec les pancartes et les drapeaux.
les femmes et les enfants.Derrière,
Ils sont partis à l'aube.
Les sillons ouvrent la terre,
à la semence de la main de l'homme.
Une terre vierge à en rêver,
trente hectares de reflets rose bleu.
les filles de leurs mains enterrent les semis
La Loi dit : les terres incultes
les terres vierges de moissons
sont à ceux qui les travaillent.
Mais plus que la Loi, les patrons
commandent aux carabiniers.
Sur trois camions, ils sont arrivés.
Immobiles, rigides, armes pointées.
L'officier s'est avancé :
"Cette terre n'est pas à vous !"
"Nous la travaillons, donc elle est nôtre.
La Loi dit... »
L'officier crie :
"La politique ne m'intéresse pas !" "Cinq minutes pour dégager !"
La Loi dit : les terres incultes
les terres vierges de moissons
sont à ceux qui les travaillent.
Mais plus que la Loi, les patrons
commandent aux carabiniers.
Gens qui avez à la place du cœur un uniforme,
retournez-vous en chez vous, en paix !"
dit le vieux au bâton planté dans la terre.
L'officier a fait signe d'avancer.
Zia Clara est tombée.
Zio Antoni est tombé.
Gésù Cristu Aresti est tombé.
À treize ans, Giorgio est tombé.
Les survivants ont fui en hurlant.
La Loi dit : les terres incultes
les terres vierges de moissons
sont à ceux qui les travaillent.
Mais plus que la Loi, les patrons
commandent aux carabiniers.
Morts, blessés et drapeaux rouges,
Ravalant la peur, les femmes devant
ils retournent. Immédiatement.
On ne laisse pas les morts à terre;
Ni les blessés, seuls, à pleurer,
de rage et de douleur.
On n'abandonne jamais personne,
ni les outils, ni les drapeaux
Jamais rien, même des lambeaux rouges…
les terres vierges de moissons
sont à ceux qui les travaillent.
Mais plus que la Loi, les patrons
commandent aux carabiniers.
Chez Gaetano, tard le soir,
Il y a zio Antoni, l'anarchiste,
aux yeux trop noirs et trop vifs,
Franciscu, qui ne possède rien,
dit Gesù Cristu Aresti...
Et Cruccueu, avec son moignon.
Ils parlent à voix basse
Certains sur les sièges,
D'autres accroupis.
La Loi dit : les terres incultes
les terres vierges de moissons
sont à ceux qui les travaillent.
Mais plus que la Loi, les patrons
commandent aux carabiniers.
Les hommes avec leur houe et leur pelle
Les jeunes avec les pancartes et les drapeaux.
les femmes et les enfants.Derrière,
Ils sont partis à l'aube.
Les sillons ouvrent la terre,
à la semence de la main de l'homme.
Une terre vierge à en rêver,
trente hectares de reflets rose bleu.
les filles de leurs mains enterrent les semis
La Loi dit : les terres incultes
les terres vierges de moissons
sont à ceux qui les travaillent.
Mais plus que la Loi, les patrons
commandent aux carabiniers.
Sur trois camions, ils sont arrivés.
Immobiles, rigides, armes pointées.
L'officier s'est avancé :
"Cette terre n'est pas à vous !"
"Nous la travaillons, donc elle est nôtre.
La Loi dit... »
L'officier crie :
"La politique ne m'intéresse pas !" "Cinq minutes pour dégager !"
La Loi dit : les terres incultes
les terres vierges de moissons
sont à ceux qui les travaillent.
Mais plus que la Loi, les patrons
commandent aux carabiniers.
Gens qui avez à la place du cœur un uniforme,
retournez-vous en chez vous, en paix !"
dit le vieux au bâton planté dans la terre.
L'officier a fait signe d'avancer.
Zia Clara est tombée.
Zio Antoni est tombé.
Gésù Cristu Aresti est tombé.
À treize ans, Giorgio est tombé.
Les survivants ont fui en hurlant.
La Loi dit : les terres incultes
les terres vierges de moissons
sont à ceux qui les travaillent.
Mais plus que la Loi, les patrons
commandent aux carabiniers.
Morts, blessés et drapeaux rouges,
Ravalant la peur, les femmes devant
ils retournent. Immédiatement.
On ne laisse pas les morts à terre;
Ni les blessés, seuls, à pleurer,
de rage et de douleur.
On n'abandonne jamais personne,
ni les outils, ni les drapeaux
Jamais rien, même des lambeaux rouges…
inviata da Marco Valdo M.I. - 26/8/2008 - 19:16
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Jusqu'au milieu du siècle dernier, l'Italie rurale, celle du Sud, le Mezzogiorno, était toujours maintenue sous le régime des grandes propriétés foncières – les latifundia, héritées des usages féodaux et les paysans, pour la plupart, étaient des sans-terre, des braccianti, des journaliers, des somari, ainsi qu'ils se définissaient eux-mêmes en Lucanie « Noi, non siamo cristiani, siamo somari... », disaient-ils à Carlo Levi qui, avec Cristò si è fermato a Eboli (Le Christ s'est arrêté à Eboli), posa avec force cette question de l'abandon de la paysannerie par l'Italie, comprenez par l'État italien... Par parenthèse, le Sud s'étale encore aujourd'hui sur des continents entiers et les histoires comme celle rapportée par la chanson se retrouvent régulièrement un peu partout. La guerre contre la paysannerie pauvre est toujours en cours.
En 1950, sous la pression des revendications paysannes et dans la crainte d'une véritable révolution qui aurait pu amener l'Italie vers le socialisme, la Démocratie Chrétienne mit au jour une loi agraire que les paysans ont cru pouvoir appliquer et ont voulu appliquer à leur manière et selon leur vision du monde. En somme, vouloir appliquer la Loi est – en République – une attitude qu'on dirait aujourd'hui empreinte de la plus aimable citoyenneté; en somme, vouloir appliquer la Loi paraît relever du droit le plus élémentaire.
Mais dans la réalité des faits, il n'en fut rien. Dans les faits, la Loi était très théorique et quand elle fut appliquée, elle le fut sous le contrôle d'experts et par des des experts; pas question que les paysans puissent appliquer la loi eux-mêmes.
Plus grave encore, si on vota la Loi agraire, geste éminemment politique et électoraliste, on ne fit pas grand chose pour l'appliquer et surtout, on n'y mit aucun empressement. De plus, cette Loi visait à constituer une couche de petits propriétaires, garante de la stabilité du régime et barrage efficace contre toute tentative d'économie collective ou coopérative.
Cependant, les paysans sans terre n'étaient pas nécessairement d'humeur à se laisser lanterner de pareille façon et en divers endroits, en Sicile, en Calabre... et en Sardaigne, il y eut des tentatives d'application directe de la Loi par les paysans organisés. Elles furent réprimées de la plus dure des façons : Salvatore Carnevale fut assassiné par les mafieux; en Sardaigne, ce sont les carabiniers que les patrons envoyèrent réprimer les paysans. Il y eut des morts. La chanson « La Terre inculte » raconte un de ces épisodes. Elle est directement inspirée d'une nouvelle éponyme d'Ugo Dessy, qui savait de quoi il parlait, vivant à l'époque parmi les paysans de Sardaigne.
Cette chanson (encore une fois, sans musique, sans musicien... l'auteur n'étant que traducteur, parolier, poète ou aède...) a comme objectif aussi de renvoyer à la nouvelle originelle d'Ugo Dessy qui est bien plus riche et bien plus fournie que la chanson elle-même.