Ma Bien Aimée !
D’une sinistre auberge derrière la Morava,
Mon âme fatiguée
Vous écrit une dernière fois.
C’en est fini de cette guerre.
Nous sommes encore vaincus,
Quel déshonneur militaire !
Madame ! On est perdus.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
On a battu la retraite sans façon,
On a fui, quelle humiliation !
Verfluchten God im Himmel !
Putain de Dieu au ciel !
Contre la tempe ou dans la bouche,
Une seule décharge, un seul coup,
Le crâne s’ouvre et se répand partout.
Ensuite, viennent les mouches.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Trois ans que je vous ai vue,
Que j’ai baisé votre main nue.
Je ne vous reverrai plus,
Oh ! Jeunesse, où es-tu ?
Le temps est le bourreau de l’amour.
Röslein ! Röslein ! Toujours,
Pensez sur votre ottomane
À votre Franz B., Hauptmann.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
D’une sinistre auberge derrière la Morava,
Mon âme fatiguée
Vous écrit une dernière fois.
C’en est fini de cette guerre.
Nous sommes encore vaincus,
Quel déshonneur militaire !
Madame ! On est perdus.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
On a battu la retraite sans façon,
On a fui, quelle humiliation !
Verfluchten God im Himmel !
Putain de Dieu au ciel !
Contre la tempe ou dans la bouche,
Une seule décharge, un seul coup,
Le crâne s’ouvre et se répand partout.
Ensuite, viennent les mouches.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Trois ans que je vous ai vue,
Que j’ai baisé votre main nue.
Je ne vous reverrai plus,
Oh ! Jeunesse, où es-tu ?
Le temps est le bourreau de l’amour.
Röslein ! Röslein ! Toujours,
Pensez sur votre ottomane
À votre Franz B., Hauptmann.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
inviata da Marco Valdo M.I. - 3/4/2020 - 18:10
×
Chanson française – La Lettre d’Austerlitz – Marco Valdo M.I. – 2020
ARLEQUIN AMOUREUX – 51
Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.
Hier, dit rêveusement Marco Valdo M.I., la chanson commençait par
« Ma toute chérie !
Le village s’appelle Marengo. »
J’espère vivement que tu t’en rappelles de cette lettre d’amour que le lieutenant Franz envoyait à une jeune dame de Vienne (Autriche) au soir de la bataille non loin du champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Ho, Marco Valdo M.I. mon ami, ne joue pas ton Victor Hugo inspiré racontant l’histoire d’une bataille espagnole, une de celles peintes par Goya, peintre des horreurs de la guerre et dis-moi la suite.
C’était, Lucien l’âne mon ami, à Marengo, c’était en 1800. La chanson s’intitulait d’ailleurs très logiquement : « La Lettre de Marengo». Celle-ci, comme tu vas le voir, en est le pendant tout comme chez le même Francisco Goya, la Maja vestida est celui de la Maja desnuda.
Oui, dit Lucien l’âne, mais encore ? Pourquoi me dis-tu tout ça, pour me faire languir ?
Pas du tout, Lucien l’âne mon ami, tu vas comprendre tout de suite quand je t’aurai dit que celle-ci s’intitule « La Lettre d’Austerlitz » et que je t’aurai précisé qu’elle commence par :
D’une sinistre auberge derrière la Morava, »
et que comme celle de Marengo, elle est envoyée à la même dame de Vienne (Autriche) par le même Franz, entretemps devenu Hauptmann, c’est-à-dire quelque chose comme capitaine. Et comme celle de Marengo, elle est envoyée aau soir de la bataille non loin du champ couvert de morts sur qui tombait la nuit., le 2 décembre 1805.
Eh bien, dit Lucien l’âne, quelle fidélité épistolaire ! Mais qu’y a-t-il d’autre à dire de cette lettre ?
D’abord, répond Marco Valdo M.I., il y a les coïncidences : si le lieutenant (1800) et le capitaine (1805) sont une seule et même personne, il en va de même parmi les hommes de troupe avec un certain Matthias, Matěj Kuře.
Même officier, même soldat, même déserteur et même dame, conclut Lucien l’âne en riant aux éclats.
Cependant, reprend Marco Valdo M.I., cette fois-ci, la lettre a tous les parfums d’un adieu et d’un adieu définitif. Écoute ceci :
Vous écrit une dernière fois…
Contre la tempe ou dans la bouche,
Une seule décharge, un seul coup, »
Ça sent l’envie suicidaire, dit Lucien l’âne. Mais si je me souviens bien, la bataille d’Austerlitz le jour même avait fait plus de quinze mille morts.
D’autant, Lucien l’âne mon ami, que ce n’est peut-être que la pose romantique d’un officier lors d’un instant de dépression vespérale. Et puis, l’amour et l’image de Röslein sur son ottomane vont peut-être empêcher cet hypothétique suicide et raviver la flamme du capitaine.
Oui, Marco Valdo M.I. mon ami, surtout si le capitaine garde précisément de Röslein le souvenir d’une « maja desnuda », couchée sur son ottomane, telle que venait de la peindre à l’autre bout de l’Europe, Francisco Goya.
Ça n’aurait rien d’étonnant, répond Marco Valdo M.I., à chaque époque son imaginaire et le romantique n’ignorait rien de la chair. Dès lors, que l’hauptmann Franz frétille à l’idée de Röslein sur son ottomane n’a rien d’inimaginable. D’ailleurs, les lettres témoignent d’une certaine intimité entre eux deux avec leurs « baisers tant et tant, partout » – c’était du temps de Marengo ; avec le soir d’Austerlitz, le refrain tout aussi érotique :
Röslein ! Röslein ! Toujours,
Pensez sur votre ottomane
À votre Franz B., Hauptmann. »
C’est assez capiteux et quel contraste avec le crâne ouvert et les mouches.
« Le crâne s’ouvre et se répand partout.
Ensuite, viennent les mouches. »
Oh, dit Lucien l’âne, je n’ose interpréter ce suicide, tant la mort et l’amour sont proches. C’est très troublant, mais il nous faut continuer notre tâche dans la vie ; alors, tissons le linceul de ce vieux monde rêvasseur, amoureux, lubrique, mortel, suicidaire et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane