Il gèle encore, la flotte inerte
Voit sur le rivage un noir troupeau
Où luisent torches et fanaux.
Les vigies sonnent l’alerte.
Sur les bateaux des Gueux,
C’est le couvre-feu,
Sur le pont, soudards et matelots,
À plat ventre, attendent l’assaut.
Les artilleurs chargent les canons
De sacs à balles ou de boulets
Et attendent l’instruction
« Cent pas ! » pour tirer sans arrêt.
Des patins rayent la glace qui crie,
Les voix ennemies trouent la nuit,
Elles disent : « Les Gueux fainéants dorment.
À nous, les trésors de Lisbonne ! »
Elles avancent à plus de mille ;
Avec des torches et des échelles.
La longue ligne marche tout droit.
L’amiral Worst hurle : « Cent pas ! »
Quatre-vingts canons en chœur ont tonné
Dans le noir, tonnerre, terreur, tintamarre,
Les torches repartent en ordre dispersé.
« Poursuivez ! Poursuivez les fuyards ! »
Sur les blessés et les morts couchés sur place,
On trouve des cordes pour pendre les Gueux.
Victoire !, mais la flotte reste dans la glace ;
Victoire !, mais danger pour les Gueux !
Worst attend une nouvelle attaque.
Lamme voit dans le beurre un signal
Et demande à parler à l’amiral
Pour des considérations météorologiques.
Il dit : « Les volailles sont molles, le sel pleure
L’huile est liquide, le beurre onctueux,
Le givre du saucisson est aqueux,
Il pleuvra bientôt, Monseigneur. »
Justesse de ses présages :
Pluie chaude et orage,
Flux de marée sur le rivage,
Le piège fond, la flotte se dégage.
Voit sur le rivage un noir troupeau
Où luisent torches et fanaux.
Les vigies sonnent l’alerte.
Sur les bateaux des Gueux,
C’est le couvre-feu,
Sur le pont, soudards et matelots,
À plat ventre, attendent l’assaut.
Les artilleurs chargent les canons
De sacs à balles ou de boulets
Et attendent l’instruction
« Cent pas ! » pour tirer sans arrêt.
Des patins rayent la glace qui crie,
Les voix ennemies trouent la nuit,
Elles disent : « Les Gueux fainéants dorment.
À nous, les trésors de Lisbonne ! »
Elles avancent à plus de mille ;
Avec des torches et des échelles.
La longue ligne marche tout droit.
L’amiral Worst hurle : « Cent pas ! »
Quatre-vingts canons en chœur ont tonné
Dans le noir, tonnerre, terreur, tintamarre,
Les torches repartent en ordre dispersé.
« Poursuivez ! Poursuivez les fuyards ! »
Sur les blessés et les morts couchés sur place,
On trouve des cordes pour pendre les Gueux.
Victoire !, mais la flotte reste dans la glace ;
Victoire !, mais danger pour les Gueux !
Worst attend une nouvelle attaque.
Lamme voit dans le beurre un signal
Et demande à parler à l’amiral
Pour des considérations météorologiques.
Il dit : « Les volailles sont molles, le sel pleure
L’huile est liquide, le beurre onctueux,
Le givre du saucisson est aqueux,
Il pleuvra bientôt, Monseigneur. »
Justesse de ses présages :
Pluie chaude et orage,
Flux de marée sur le rivage,
Le piège fond, la flotte se dégage.
inviata da Marco Valdo M.I. - 11/12/2018 - 21:31
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Chanson française – Levée du piège – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 117
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, XVIII)
Depuis des jours, la flotte des Gueux de mer est bloquée par la glace à quelques encâblures devant Amsterdam. C’est là, Lucien l’âne mon ami, une situation périlleuse, car la glace est suffisante pour porter une armée et toute une artillerie. Et la crainte de l’amiral Worst va se révéler exacte. Une nuit, tout une armée passe l’attaque. C’est cette bataille que relate la chanson.
Et moi qui pensais, dit Lucien l’âne, que les Gueux étaient sauvés depuis qu’ils avaient pu ramener du ravitaillement lors de l’expédition à la ferme et qu’il leur suffisait d’attendre le dégel tranquillement sur leurs bateaux. D’ailleurs, aux dernières nouvelles, ils faisaient la fête :
« Chez Lamme, c’est musique de cuisine ;
Tous ensemble, chez Lamme, on dîne.
Vive le Maître Queux ! Vive les Gueux ! »
En effet, reprend Marco Valdo M.I., les Gueux se réjouissaient et meublaient l’attente du dégel en faisant de somptueux repas, mais tout en gardant – et heureusement – un œil vigilant sur le rivage. Pour eux, l’attaque qui viendra n’aura rien d’une surprise. Souviens-toi qu’ils avaient déjà fait l’objet d’une pareille tentative à Emden (Le Navire dans la Glace ; Les Bœufs qu’on abat) et qu’ils n’avaient dû leur salut qu’à la fonte soudaine de la glace qui couvrait le Dollard. Juste une parenthèse à propos de ces épisodes récurrents pour indiquer que les Gueux – hommes du Nord – sont habitués à de telles conditions hivernales, d’autant que ce phénomène est récurrent en ces années à cheval sur le 16ᵉ et le 17ᵉ siècles, où la petite glaciation atteint son minimum ; alors qu’aujourd’hui, le réchauffement climatique fera bientôt pousser des palmiers dans les oasis du Zuiderzee.
Oui, oui, répond Lucien l’âne. De ce fait, ils ont de l’expérience et savent à quoi s’attendre.
Et c’est ce qui va les sauver, Lucien l’âne mon ami, car l’attaque est d’envergure : plus de mille hommes avec de l’artillerie et tout le matériel d’abordage. En plus, ce qui importe énormément à ces troupes mercenaires cupides des Espagnols, il y a tout le butin de la flotte venue de Lisbonne qui se trouve encore nécessairement sur les bateaux des Gueux. Pour les détails, laissons raconter la chanson.
Tu as raison, Marco Valdo M.I. mon ami, laissons dire les détails à la chanson, mais j’aimerais quand même que tu me dises quelques mots de ce titre étrange : « Levée de Piège », car je ne pense pas qu’il s’agit d’une histoire de braconnage en forêt.
Non, certainement pas, mon ami Lucien l’âne. « Levée de Piège » part de l’expression « Levée de Siège » qui est usitée pour désigner la fin de l’encerclement d’une ville, d’un camp, d’un château. On parle alors de la « levée du siège » lorsque l’armée des attaquants s’en va et libère la ville, le camp, le château de sa menace. Mais voilà, ici, c’est une flotte qui est encerclée par les glaces, elle prise au « piège » par le gel. Elle se trouve dans la situation similaire à celle d’un siège « terrestre » et elle ne peut en être libérée que le relâchement de la prise qui l’enserre. C’est ce qu’elle attend et c’est ce qui se produit.
Voyons donc ce qu’il en est, dit Lucien l’âne. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde sournois, cupide, stupide et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane