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L’Espion

Marco Valdo M.I.
Lingua: Francese



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L’Espion

Chanson française – L’Espion – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 46

Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XX)



Lucien l’âne mon ami, je pense que je ne vais pas devoir t’expliquer le sens du titre. Un espion, quand il s’agit d’une personne – et c’est le cas ici, puisqu’il s’agit de Till – est quelqu’un qui s’efforce de recueillir des renseignements souvent secrets ou très confidentiels ou de surveiller les agissements de personnes pour le compte d’un groupe, d’une autre personne, d’un État, etc.

Évidemment, Marco Valdo M.I. mon ami, que je sais ça et même, je peux te le dire confidentiellement, j’en ai connu et croisé un bon nombre.

Cependant, Lucien l’âne, si les espions de nos jours disposent d’un matériel et souvent de moyens sophistiqués, à l’époque de Till, cette honorable – mais discrète – profession s’exerçait avec les moyens du bord, de façon que je qualifierai d’artisanale. Ainsi, Till qui avait déjà joué le rôle de courrier, d’agent secret, de propagandiste, est sollicité pour espionner – c’est vraiment le mot qui convient pour définir la tâche qui lui incombe.

C’est clair, Marco Valdo M.I. mon ami, mais je voudrais comprendre entièrement la situation, car dans l’espionnage, il y a trois intervenants : celui qui espionne, ici Till ; celui ou ceux qu’il espionne et celui ou ceux qui ont commandité cette mission et pour les deux derniers points, je n’ai pas de réponse.

C’est vrai, Lucien l’âne mon ami, et je vais remédier à ça à l’instant. En deux mots, Till espionne pour le mouvement de liberté au sein duquel il agit, qui est celui des « Gueux » et curieusement, ceux qu’il va espionner sont également des Gueux et même, ceux qui sont considérés et se considèrent comme les chefs du mouvement. Ceci montre qu’à l’intérieur du mouvement de résistance, il y a une distance entre les « chefs » et la « base », comme on dit à présent. En fait, ce mouvement est une coalition de gens disparates confrontés à un ennemi commun, en l’occurrence, l’occupant espagnol et son prolongement religieux, l’Inquisition.

C’est fréquent dans tous les mouvements qu’il y ait diverses tendances, diverses composantes et qu’elles cherchent à savoir ce qu’il se passe réellement, dit Lucien l’âne. Par ailleurs, compte tenu de l’époque et de la façon dont fonctionnait la société féodale, les nobles ne pensaient pas devoir trop se soucier de l’avis du peuple.

Effectivement, dit Marco Valdo M.I., et c’est d’ailleurs dans ces remous de l’Histoire que va surgir l’exigence démocratique portée par le Tiers État et qui débouchera en France sur la période révolutionnaire de 1789-1793.

Mais revenons, Marco Valdo M.I. mon ami, à la manière artisanale dont Till va opérer son espionnage. Concrètement, que fait Till ?

Eh bien, d’abord, il faut avoir conscience que Till n’est qu’un rouage de cet espionnage artisanal des Gueux, car ce n’est pas lui qui a appris que cette rencontre aura lieu, ni où, ni à quelle date ; ce n’est pas lui qui va s’ouvrir lui-même la porte, ce n’est pas lui qui a préparé la cheminée, ni lui qui a décidé d’espionner ; il y a derrière cette mission de Till (qui lui a commandé de faire tout cela ?), tout un réseau organisé et structuré.
Concrètement, il est demandé à Till – message transmis par Simon Praet, l’imprimeur de liberté – de se cacher dans la cheminée de l’âtre qui sert à chauffer le salon ou la bibliothèque d’une maison de Termonde, où va se tenir la rencontre secrète des « chefs » des Gueux, qu’il va pouvoir suivre en direct. Till constatera ainsi leurs désaccords et leur dissension quant à l’attitude à prendre face à l’occupation et à la répression espagnoles. À l’issue de cette réunion, le mouvement des Gueux va se scinder. D’un côté, les Comtes d’Egmont et de Hornes, qui se refusent à combattre le roi d’Espagne ; de l’autre, Guillaume de Nassau, prince d’Orange, dit le taciturne ou le Taiseux, son frère Louis de Nassau, prendront le parti de la lutte pour la liberté.

Ce Till caché dans la cheminée, Marco Valdo M.I. mon ami, me rappelle un autre espion, le célèbre Dul la Soupente, dont Ismaïl Kadarè rapporte l’histoire.

Oui, Lucien l’âne mon ami, tu as raison et je m’en souviens aussi de ce roman albanais dont Dul la Soupente est le héros ; dans ce roman, deux chercheurs étazuniens vont en Albanie (au temps de la petite république communiste irrédentiste d’Enver Hodja) pour chercher les traces des derniers aèdes et vérifier si ce n’est pas en Albanie que sont nées l’Iliade et l’Odyssée, finalement transcrite par Homère. Même s’il y a plusieurs lectures possibles de cette histoire dérisoire et ironique, elle nous intéresse au plus haut point puisque ces aèdes anciens – réels ou imaginaires – sont nos ancêtres à nous tous qui racontons des histoires. Quant à Dul la Soupente, qui exerce la fonction d’agent secret et d’espion au service de cette Albanie (peuplée du peuple, essentiellement des paysans pauvres et des fonctionnaires et agents de l’État, dont une grande part sont des espions) ; sa mission est d’« Écouter, entendre, faire rapport » de ce que disent les chercheurs étazuniens, considérés eux-mêmes comme des espions – et qui sait, peut-être l’étaient-ils ? Pour ce faire, Dul la Soupente, comme son nom l’indique, espion d’une police artisanale, se cache dans les plafonds (des chambres) ou dans les soupentes (des toits) des auberges où se logent les chercheurs d’aèdes, lesquels finalement ne trouveront rien.

Laissons Till dans sa cheminée et la chanson nous raconter les détails de l’affaire et reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde suspicieux, espionné, conflictuel et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

Quelque temps plus tard, Simon dit à Till.
Écoute, frère, as-tu du courage ?
À revendre, pourquoi en faut-il ?
Pour que liberté revive en nos parages.

Que faut-il faire, dès lors ?
Secrètement, dans une cheminée,
Écouter, entendre, faire rapport
De ce qui se dira en une assemblée.

J’ai patience et mémoire,
J’ai la souplesse des chats,
Une cheminée ? Je n’ai pas peur du noir.
Je ferai ce qu’il faudra.

Alors, frère, dit Praet l’imprimeur,
Au plus tôt, à Termonde, tu iras
Porter cet as de cœur
En la maison dessinée là.

À la ronde porte, tu frapperas trois fois.
On te demandera : « Es-tu le fossoyeur ? »
Tu répondras : « Je suis le ramoneur »
Et l’as de cœur, tu montreras.

La cheminée est déjà prête là-bas.
Nettoyée, balayée, préparée,
De crampons pour tes pieds équipée,
Elle n’attend plus que toi.

Au premier jour du mois,
Till se cacha dans la cheminée
Pour espionner l’assemblée
Des plus hauts nobles des Pays-Bas.

Étaient de la réunion :
Guillaume, prince d’Orange, dit le Taiseux,
Les Comtes Hoogstraeten, Hornes et Egmont
Et Louis de Nassau, frère du Taiseux.

Le Taiseux dit : « Les Pays sont en danger ;
Il est de notre devoir et c’est notre droit
De les sauver d’une armée de l’étranger,
Une armée qui est déjà là. »

Dans la cheminée, au-dessus du feu de bois
Allumé pour le froid et qui ne prend pas,
Corbeau silencieux, Till se tient coi.
En bas, acerbe, continue le débat.

inviata da Marco Valdo M.I. - 23/5/2018 - 09:46




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