Pèlerin, pèlerinant ayant longtemps pèleriné,
Pèlerin, pèlerinant à Rome est arrivé.
Une belle et bonne hôtesse a rencontré :
D’où viens-tu, toi qui as tant pèleriné ?
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est la terre
Où l’on sème la graine d’illusions,
D’espérances folles et de promesses en l’air.
Une terre fumée de religions.
Je viens ici parler au pape Jules Trois.
Parler au pape, mamma mia, moi, je ne sais pas.
Sais-tu seulement comme il vit, sais-tu comme il est ?
Paillard et dissolu, il est. Je le connais.
Je m’en vais le voir de ce pas, je m’en vais lui parler.
Je te dis ça sans me vanter.
Si tu le fais, cent florins, je te donnerai.
C’est comme si je les avais déjà gagnés.
Pour gagner les florins de son hôtesse,
Till s’en alla voir le Pape à la messe.
Le Pape levait le calice, Till tournait le dos.
Le Pape levait l’hostie, Till tournait le dos.
À force de singeries, le Pape le remarqua ;
Il le fit chercher par quatre robustes soldats.
Le Pape lui demanda : quelle est ta foi ?
La même que mon hôtesse qui partage la vôtre, une fois.
C’est fort bien, ma foi. Mais à quoi, à quoi
À quoi donc, en vérité, pèlerin, tu crois ?
Je crois ce que vous croyez que je crois.
Pourquoi tournais-tu le dos à la Sainte Croix ?
Pèlerin pèlerinant encore, la regarder, je ne pouvais pas.
Aussi, dit Jules, pèlerin pèlerinant, je te bénis.
Maintenant, il te faut payer ton pardon écrit.
Till prit le pardon, les florins de l’hôtesse et de Rome, s’en alla.
Pèlerin, pèlerinant à Rome est arrivé.
Une belle et bonne hôtesse a rencontré :
D’où viens-tu, toi qui as tant pèleriné ?
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est la terre
Où l’on sème la graine d’illusions,
D’espérances folles et de promesses en l’air.
Une terre fumée de religions.
Je viens ici parler au pape Jules Trois.
Parler au pape, mamma mia, moi, je ne sais pas.
Sais-tu seulement comme il vit, sais-tu comme il est ?
Paillard et dissolu, il est. Je le connais.
Je m’en vais le voir de ce pas, je m’en vais lui parler.
Je te dis ça sans me vanter.
Si tu le fais, cent florins, je te donnerai.
C’est comme si je les avais déjà gagnés.
Pour gagner les florins de son hôtesse,
Till s’en alla voir le Pape à la messe.
Le Pape levait le calice, Till tournait le dos.
Le Pape levait l’hostie, Till tournait le dos.
À force de singeries, le Pape le remarqua ;
Il le fit chercher par quatre robustes soldats.
Le Pape lui demanda : quelle est ta foi ?
La même que mon hôtesse qui partage la vôtre, une fois.
C’est fort bien, ma foi. Mais à quoi, à quoi
À quoi donc, en vérité, pèlerin, tu crois ?
Je crois ce que vous croyez que je crois.
Pourquoi tournais-tu le dos à la Sainte Croix ?
Pèlerin pèlerinant encore, la regarder, je ne pouvais pas.
Aussi, dit Jules, pèlerin pèlerinant, je te bénis.
Maintenant, il te faut payer ton pardon écrit.
Till prit le pardon, les florins de l’hôtesse et de Rome, s’en alla.
inviata da Marco Valdo M.I. - 18/11/2015 - 21:39
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Chanson française – La messe du Pape, le pardon de Till et les florins de l’Hôtesse – Marco Valdo M.I. – 2015
Ulenspiegel le Gueux – 12
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – I, LIII)
Cette numérotation particulière : (Ulenspiegel – I, I), signifie très exactement ceci :
Ulenspiegel : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs, dans le texte de l’édition de 1867.
Le premier chiffre romain correspond au numéro du Livre – le roman comporte 5 livres et le deuxième chiffre romain renvoie au chapitre d’où a été tirée la chanson. Ainsi, on peut – si le cœur vous en dit – retrouver le texte originel et plein de détails qui ne figurent pas ici.
01 Katheline la bonne sorcière Katheline, la bonne sorcière (Ulenspiegel – I, I)
02 Till et Philippe Till et Philippe(Ulenspiegel – (Ulenspiegel – I, V)
03. La Guenon Hérétique La Guenon Hérétique(Ulenspiegel – I, XXII)
04. Gand, la Dame Gand, La Dame(Ulenspiegel – I, XXVIII)
05. Coupez les pieds ! Coupez les pieds !(Ulenspiegel – I, XXX)
06. Exil de Till Exil de Till(Ulenspiegel – I, XXXII)
07. En ce temps-là, Till En ce temps-là, Till(Ulenspiegel – I, XXXIV)
08. Katheline suppliciée Katheline suppliciée(Ulenspiegel – I, XXXVIII)
09. Till, le roi Philippe et l’âne Till, le roi Philippe et l'âne(Ulenspiegel – I, XXXIX)
10. La Cigogne et la Prostituée La Cigogne et la Prostituée(Ulenspiegel – I, LI)
11.Tuez les hérétiques, leurs femmes et leurs enfants ! Tuez les hérétiques, leurs femmes et leurs enfants !(Ulenspiegel – I, LII)
Comme habituellement, Lucien l’âne mon ami, tu pousses des cris d’orfraie rien qu’en voyant le titre de la canzone et que tu me demandes de t’en expliquer le sens, je vais commencer par là. On devrait gagner du temps. Comme tu l’as vu, ce titre est un triptyque, c’est-à-dire un titre à trois temps, comme une valse :
Premier temps : La messe du Pape
Deuxième temps : Le pardon de Till
Troisième temps : Les florins de l’Hôtesse.
Ce sont les éléments principaux de la chanson, mais ce tempo provient d’ailleurs.
En effet, ça me rappelle quelque chose, mais je n’arrive pas à savoir exactement quoi. Veux-tu bien m’éclairer…
Je vais le faire et la chose est assez amusante. Ce quelque chose, dont tu parles, est une expression populaire de nos régions qui désigne une personne avide qui veut tirer profit de tout, jusqu’au dernier centime. Cette expression prend également la forme d’un triptyque et elle se formule ainsi. S’agissant de cette personne, on dit qu’elle veut « le beurre, l’argent du beurre et les fesses de la crémière ».
C’est beaucoup demander, dit Lucien l’âne en riant aux éclats. Par ailleurs, il me semble aussi reconnaître dans le premier couplet le début de certaine autre chanson.
Bon sang, tu as l’oreille, Lucien l’âne mon ami. C’est bien le début, presque mot pour mot, de L’Histoire du Soldat L'Histoire du Soldat de Charles-Ferdinand Ramuz, mise en musique par Igor Stravinski, quand le soldat
« a marché beaucoup marché
S’impatiente d’arriver
Parce qu’il a beaucoup marché. »
Ce qui est le cas de notre « pèlerin pèlerinant » de Till.
N’est-ce pas là, Marco Valdo M.I. mon ami, cette même chanson dont tu uses comme exemple quand tu réponds à ceux qui disent que tes chansons n’ont pas de musique, que ce sont les musiciens qui sont en retard ?
Bien sûr et c’est un bon exemple. Je voudrais souligner encore – bien que d’ordinaire j’évite de le faire – le début du deuxième couplet pour faire ressortir cette quasi-citation de Gilles Vigneault. Va voir sa chanson :
Mon Pays Mon Pays et spécialement, ce passage :
« Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’envers
D’un pays qui n’était ni pays ni patrie
Ma chanson ce n’est pas une chanson, c’est ma vie... »
Et une fois encore, ce n’est pas un hasard. En fait, ces citations renvoient aux chansons d’où elles sont extraites et à tout l’univers qu’elles impliquent.
Mais, Marco Valdo M.I. mon ami, dis-moi la chanson, parle-moi d’elle. Comment est-elle faite ?
Concrètement, cette chanson se compose de deux dialogues : le premier entre Till et son hôtesse et le deuxième, entre Till et le Pape Jules Trois.
Entre les deux, Till se rend à la messe du Pape à Saint-Jean du Latran et il s’arrange pour se faire remarquer (chaque fois que le Pape présente l’hostie ou le calice, Ulenspiegel, qui s’est placé bien en vue, lui tourne le dos ostensiblement), afin de parler au pape, obtenir le pardon papal (moyennant finances, une allusion au commerce des indulgences et à la vénalité de l’Église), de gagner son pari avec l’hôtesse (les cent florins qu’elle lui a promis s’il parle au Pape) et enfin, de pouvoir retourner chez lui (voir le Pape et obtenir son pardon était la condition de son retour).
Voilà donc, l’air de rien une chanson fondamentale de cet opéra-récit, comme tu l’appelles. Till est parvenu au bout de son voyage de pèlerin pèlerinant. Il ne lui reste plus qu’à rentrer.
C’est exact. Cependant, il y a quand même plus dans cette chanson en apparence anecdotique. c’est la façon dont Till qui ne croit ni à Dieu, ni à Diable, mais est obligé d’obtenir le pardon du Pape, va répondre lorsque le-dit Pape va l’interroger et comment il va ruser face à l’autorité ecclésiastique. Sans jamais se déjuger sur le fond, remarque-le bien.
C’est en effet un grand numéro d’équilibriste. Une leçon de choses, très concrète, pour tous ceux qui – en ce temps-là ou maintenant ou demain, à Rome, ici ou ailleurs – devront vivre dans une société imprégnée de religion, de politiquement correct, de conformisme. Imagine que certains – fidèles, croyants, sectateurs, ici et maintenant, dans l’Europe de ce siècle, en sont à réclamer des lois réprimant le blasphème (mais je ferai remarquer à propos du blasphème qu’il ne saurait être question de flétrir ou d’insulter quelque chose qui n’existe pas) et d’autres interdisant la critique des religions et des religieux. C’était précisément contre tous ces interdits, contre toutes ces lois scélérates, contre toutes ces restrictions à la liberté de pensée, de parole, d’écriture, de conscience, d’examen que Till le Gueux se battait. Quant à nous, Marco Valdo M.I. mon ami, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde religieux, superstitieux, croyant, crédule, insupportable et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane