Le fils du charbonnier Claes croissait en malice ;
Pluie, neige ou soleil tapant, il dansait.
Le rejeton impérial dolent traînait sa peau lisse
Dans les longs corridors noirs du palais.
Dans la chaleur de l'été triomphant,
Philippe étendait son corps frissonnant.
Mal au ventre, à la tête, aux mollets,
Loin des jeux de son âge le tenaient.
Mon homme, où est notre Till, maintenant ?
Till a quitté la maison depuis trois jours.
Avec les chiens vagabonds, il court.
Femme, notre enfant n'a que neuf ans.
Charles dit : Mon fils, il te faut rire et t'amuser.
Je n'aime point jouer, dit Philippe.
Charles dit : Mon fils, il te faut courir et sauter.
Je n'aime point bouger, dit Philippe.
Till éclaire les tristes mines de ses sauteries ;
Il enchante la compagnie de ses gamineries ;
Il fait des niches, c'est un amuseur ;
Il se gausse, c'est un zwanzeur.
Inerte, sec, revêche, sans émotion,
Philippe, fils de Carolus Quintus
Confit en dévotions.
Philippe se signe à l'Angélus.
À la belle, Till prend deux baisers ; au moine, deux patards.
Au clerc enflé, au soudard étonné, au vieillard encorné,
Pour un peu de cuivre, Till dit leurs quatre vérités.
Puis, il dit : « Ik ben ulen spiegel » – « Je suis votre miroir ».
Pluie, neige ou soleil tapant, il dansait.
Le rejeton impérial dolent traînait sa peau lisse
Dans les longs corridors noirs du palais.
Dans la chaleur de l'été triomphant,
Philippe étendait son corps frissonnant.
Mal au ventre, à la tête, aux mollets,
Loin des jeux de son âge le tenaient.
Mon homme, où est notre Till, maintenant ?
Till a quitté la maison depuis trois jours.
Avec les chiens vagabonds, il court.
Femme, notre enfant n'a que neuf ans.
Charles dit : Mon fils, il te faut rire et t'amuser.
Je n'aime point jouer, dit Philippe.
Charles dit : Mon fils, il te faut courir et sauter.
Je n'aime point bouger, dit Philippe.
Till éclaire les tristes mines de ses sauteries ;
Il enchante la compagnie de ses gamineries ;
Il fait des niches, c'est un amuseur ;
Il se gausse, c'est un zwanzeur.
Inerte, sec, revêche, sans émotion,
Philippe, fils de Carolus Quintus
Confit en dévotions.
Philippe se signe à l'Angélus.
À la belle, Till prend deux baisers ; au moine, deux patards.
Au clerc enflé, au soudard étonné, au vieillard encorné,
Pour un peu de cuivre, Till dit leurs quatre vérités.
Puis, il dit : « Ik ben ulen spiegel » – « Je suis votre miroir ».
inviata da Marco Valdo M.I. - 25/9/2015 - 21:05
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Chanson française – Till et Philippe – Marco Valdo M.I. – 2015
Ulenspiegel le Gueux – 2
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
Évidemment… Évidemment, Lucien l'âne mon ami, je n'ai pas pu – pour une fois – résister à mon goût caché (généralement) de me plonger dans un dictionnaire afin de vérifier certain mot qui m'est venu à l'esprit, la bouche, à la plume, à la pointe ou au bout des doigts, selon que je le pense, le parle, l'écrive (au stylo ou au crayon) ou le tape au clavier. À la suite de cette exploration savante, je ne résisterai pas à l'envie d'expliquer (une fois n'est pas coutume) un vers, mais un seul, de cette canzone. Même si elle mériterait bien elle aussi qu'on s'y attarde. Notamment dans ce parallèle entre le futur Gueux et le futur roi d'Espagne. Mais de cela, il en sera question tout au long de cette légende de Till le Gueux, car c'en est le principe moteur, comme le Ying et le Yang pour certaine philosophie chinoise, comme le blanc et le noir en photographie, comme le oui et le non dans les questionnaires ou le zéro et le un en informatique… Principe binaire définissant ici les deux pôles de ce moment de la Guerre de Cent Mille Ans La Guerre de Cent mille ans que fut la Guerre des Gueux, où l'on tortura, brûla, assassina, massacra, éventra à qui mieux mieux les pauvres gens de par ici.
Ne m'embrouille pas encore une fois et dis-moi quel est donc ce vers si mystérieux…
Mystérieux, je ne dis pas. Je dirais plutôt mystifiant ou mystificateur. D'ailleurs, le voici ; s'agissant de Till, il dit :
« Il se gausse, c'est un zwanzeur. »
Ce que je m'empresse de traduire en français standard contemporain – au passage, remarque qu'une langue qui perd ses mots ou l'usage de ses mots entre en déliquescence. Comme tu le vois, mon propos est tout à l'inverse (alla rovescio). Donc, je traduis le français en français : « Il se moque, c'est un blagueur » ou « Il raconte des craques, c'est un fouteur de gens » ou « Il dit des conneries, il se fout du monde »… On pourrait en ajouter bien des autres. Mais il s'agit de Till et de rendre hommage à Charles De Coster, son très mortel auteur – tous deux zwanzeurs émérites. Car, et il convient que cela se sache, De Coster avait formulé le projet et avait finalement tenu la gageure d’introduire dans ce roman baroque, dans cette épopée burlesque (mais pas seulement), tous les néologismes et les mots qui lui passaient par la tête (et il y en avait beaucoup), y compris ceux que de savantes têtes dénonçaient comme vocables patoisants, localement usités, mais à déconseiller fortement. C'est le cas du « zwanzeur », qui selon le Dictionnaire vivant de la langue française (http://dvlf.uchicago.edu/mot/zwanze) et surtout, le Centre national de ressources Textuelles et Lexicales (http://www.cnrtl.fr/definition/zwanze ), remonterait au néerlandais « zwans : queue; membre viril », etc (se reporter à la notice du Centre National de ressources textuelles...). Mais ce n'est pas tout. Il me faut avouer également que j'ai trouvé fort plaisante la conjonction de ce zwanzeur avec « gausse », car (toujours selon la notice), ce serait Albert GOOSSE qui aurait fait connaître zwanze, zwanzer et zwanzeur aux érudits du français.
Ce petit intermède terminé, nous diras-tu ce qu'il y a dans la chanson ?
Mais je l'ai déjà dit… Il s'agit tout simplement de la présentation des deux héros de l'histoire, car comme dans toute bonne pièce, nouvelle, légende, épopée, saga ou dans n'importe quel (bon) roman, il convient de présenter les personnages. J'ajouterai cependant et c'est mon dernier vers (pour ce soir), qu'il y a là une explication – mais directement donnée par De Coster – de l'étrange surnom de Till et sa signification. Car il veut dire quelque chose cet Ulenspiegel… et on trouve cela dans la canzone, au dernier vers.
Et bien, allons voir ce dernier vers, découvrir ces protagonistes et leur contraste et puis, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde binaire, divisé, empli d'assassins, de dévots sadiques et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane