Anneliese, ma femme et moi, on était de jeunes retraités
Déjà qu'après tout ça, le Reichsmark ne valait plus bezef
On n'avait pas les moyens de partir comme Joseph
Là-bas au Paraguay avec nos revenus limités.
Ni même en Italie, en Italie, en Italie
La guerre était finie.
Anneliese, ma femme et moi, on ne fumait pas.
On vendait – au noir – nos cartes de tabac
On a eu nos vacances comme ça
En pension dans les montagnes, tout là-bas.
Sous la pluie, sous la pluie, sous la pluie
La guerre était finie.
Anneliese, ma femme et moi, en Allgäu qu'on est parti
Entre les vaches et les fromages et sous la pluie
« Trois jours et trois nuits, il a plu sans arrêt,
Ciel, étoiles et monts ? Rien, rien : quel intérêt ? »
Sous la pluie, sous la pluie, sous la pluie
La guerre était finie.
Anneliese, ma femme et moi, en quarante-huit
Le Blitzreich se décomposait, la grande Allemagne était cuite
Sournois, le nouveau Deutsche Mark est arrivé
En quarante-huit heures, il nous a ruinés
Sous la pluie, sous la pluie, sous la pluie
La guerre était finie.
Anneliese, ma femme et moi, on est allé chez le coiffeur
Teinture et permanente pour elle, coupe rasibus pour moi,
Demain, on prend le train de bonne heure
Direction Cologne. On est mieux chez soi.
On est rentré sous la pluie, sous la pluie, sous la pluie
Les vacances étaient finies.
Anneliese, ma femme et moi, on a vu la nouvelle économie
Chaussures, jambons, costumes, les vitrines étaient remplies
Anneliese, ma femme et moi, comme tous les petits retraités
On pouvait regarder les vitrines, mais pas acheter, pas acheter.
L'été était pourri...
La guerre était froide et notre soupe aussi
Déjà qu'après tout ça, le Reichsmark ne valait plus bezef
On n'avait pas les moyens de partir comme Joseph
Là-bas au Paraguay avec nos revenus limités.
Ni même en Italie, en Italie, en Italie
La guerre était finie.
Anneliese, ma femme et moi, on ne fumait pas.
On vendait – au noir – nos cartes de tabac
On a eu nos vacances comme ça
En pension dans les montagnes, tout là-bas.
Sous la pluie, sous la pluie, sous la pluie
La guerre était finie.
Anneliese, ma femme et moi, en Allgäu qu'on est parti
Entre les vaches et les fromages et sous la pluie
« Trois jours et trois nuits, il a plu sans arrêt,
Ciel, étoiles et monts ? Rien, rien : quel intérêt ? »
Sous la pluie, sous la pluie, sous la pluie
La guerre était finie.
Anneliese, ma femme et moi, en quarante-huit
Le Blitzreich se décomposait, la grande Allemagne était cuite
Sournois, le nouveau Deutsche Mark est arrivé
En quarante-huit heures, il nous a ruinés
Sous la pluie, sous la pluie, sous la pluie
La guerre était finie.
Anneliese, ma femme et moi, on est allé chez le coiffeur
Teinture et permanente pour elle, coupe rasibus pour moi,
Demain, on prend le train de bonne heure
Direction Cologne. On est mieux chez soi.
On est rentré sous la pluie, sous la pluie, sous la pluie
Les vacances étaient finies.
Anneliese, ma femme et moi, on a vu la nouvelle économie
Chaussures, jambons, costumes, les vitrines étaient remplies
Anneliese, ma femme et moi, comme tous les petits retraités
On pouvait regarder les vitrines, mais pas acheter, pas acheter.
L'été était pourri...
La guerre était froide et notre soupe aussi
inviata da Marco Valdo M.I. - 29/9/2011 - 22:20
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Canzone française – La Soupe froide – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 47
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Mil neuf cent quarante-huit est une année-charnière dans l'histoire de l'Allemagne, dit Marco Valdo M.I., tout songeur. Mil neuf cent quarante-huit...
Ah, oui !, dit Lucien l'âne en se contorsionnant d'un air entendu. Tiens, voilà encore une année-charnière ; ma parole, toutes les années sont charnières dans cette histoire.
Certes, Lucien l'âne mon ami. Et tu le sais bien que dans ta vie aussi, toutes les années sont charnières. C'est d'ailleurs dans la nature-même des années et aussi, de tous les instants.
En effet, dit Lucien l'âne. Cela me rappelle je ne sais plus quel philosophe ; car, comme tu le sais, je les ai presque tous rencontrés, et j'appréciais surtout ceux qui ne me prenaient pas pour un imbécile en raison de mon bonnet ou de mes deux grandes oreilles. Donc, un philosophe ou un autre disait : le présent a une durée de vie nulle, coincé qu'il est entre le passé, c'est-à-dire l'ex-présent qui le précède et le futur, lui-même futur présent qui le suit. Ce qui fait que dans cette succession de présents, tous sont nuls et comme il est dit : le présent se trouve entre et fait passer de l'un à l'autre et même au troisième. Le présent est précisément le seul qui soit un moment-charnière. On passe du néant du passé vers le néant du futur par la charnière du présent. Ce qui explique que tout moment est en soi à la fois, néant et charnière. Donc, pour en revenir à ton propos et à ta chanson, à ton histoire d'Allemagne, mil neuf cent quarante-huit, disais-tu, est une année-charnière. Et pourquoi donc ?
Vois-tu, Lucien l'âne mon ami, la question que pose la chanson, c'est celle de savoir ce qui peut bien relier un peuple, faire qu'un peuple se ressente comme tel... et spécialement, le peuple allemand. Oui, oui, je vois ton regard... Je vois bien que tu jettes tes yeux au ciel...
Peuple, peuple... Pourquoi pas race, tant que tu y es... Comme dirait Zazie... « Peuple, mon cul ! ». Sont-ils, est-on un peuple car on parle la même langue ? Ou car on est sans prépuce ou car on infibule ses filles ? Ou car on porte la barbe, qu'on laisse pousser ses cheveux ? Qu'on pose un chapeau sur la tête ou un foulard ? Ou car on mange des patates et de la saucisse ? Car on boit de la bière ou du vin ? Car on porte le même uniforme ? Car on est exploités par un même patron ? Car on partage la même misère ? Car on est soumis à un même pouvoir ? Car on est pétris de vénération pour une entité quelconque ou que l'on est lecteurs d'un même livre ?
Toutes questions pertinentes... Et je ne suis pas plus sûr que toi de la réponse et même, pire encore aux yeux de certains, je doute fort de l'existence réelle de peuples... et moins encore, si on y met une dimension génétique. Mais admettons quand même qu'il puisse exister un peuple... vivant parmi plusieurs peuples ; au moins, deux peuples, car s'il n'en existait qu'un et un seul, la question se poserait tout de même de manière différente : ce serait le peuple humain, ce qui est une idée revigorante. Ce pourrait être une façon de nommer l'humaine nation. Donc, un peuple, etc.... spécifique. Je dis ça, car c'est ce qui me vient à l'esprit pour poursuivre mon raisonnement. C'est une pétition de principe, une affirmation sans fondement... Mais admettons... Un peuple parmi d'autres peuples. Et qui plus est : le peuple allemand... Oui, je sais, il a déjà fait tant de dégâts ce peuple, dont je reste à penser qu'il est un mauvais rêve, une construction imaginaire et pernicieuse.
Évidemment, si on parle de peuple allemand, c'est pas bon pour les gens, car les premières victimes de cet ectoplasme, ce furent les gens d'Allemagne eux-mêmes. Prenons les Juifs, par exemple, enfin ceux qu'au nom du peuple allemand, on a déclarés Juifs... Et bien, eux-mêmes se déclaraient Allemands et leur souhait était – depuis fort longtemps – d'être Allemands. Ce fut pareil avec les Juifs italiens... Cette idée de peuple a déjà fait trop de massacres... Et en 1948, on sort à peine d'en prendre...
Voilà le fait, 1948 est l'année où l'on sort du monde du Reich de mille ans. En deux temps : d'abord, l'abolition du Reichsmark – tout un symbole et la naissance, mitonnée en secret par les Alliés et l'impression par les Étazuniens – du Deutsche Mark, qui restera dans la « trizone » (réunion des zones d'occupation étazunienne, britannique et française), coupant ainsi de facto l'ex-Reich en deux ; ce qui constitue le deuxième temps. C'est cela... En 1948, naît la double Allemagne. Pour le troisième temps de cette valse, il faudra encore attendra... Une démarche à la Hegel : thèse, antithèse, synthèse. C'est ainsi que démarre en Allemagne cet épisode de la Guerre de Cent Mille Ans, dénommé « guerre froide ». dans la foulée, on crée une Allemagne en « trizone », ce sera l'Allemagne fédérale. La réplique monétaire et institutionnelle des « exclus » ne se fera pas attendre... Et voilà, l'Allemagne coupée en deux...
Tu parles d'un peuple..., dit Lucien l'âne. Cela dit, la triade, le tempo à trois temps de la pensée, Héraclite m'en avait déjà touché un mot lorsque nous parcourions moi de mes quatre pieds, lui sur mon dos, les pentes de montagnes d'Ionie. C'est lui qui disait : « La guerre est la mère de toute chose », manière de dire qu'on est plongé dedans depuis des temps et des temps... Moi, je lui avais soufflé dans l'oreille que l'âne préfère le foin à l'or.
Pour en revenir à la chanson, quant à elle, elle raconte ce passage du Reichsmark au Deutsche Mark, c'est-à-dire la liquidation financière du Reich..., vue par un retraité de Cologne, en vacances dans l'Allgäu. Et cette pluie incessante qui arrose les protagonistes... Que peut-elle bien signifier si ce n'est la liquidation précisément des restes de l'ancien Reich ? Une sorte de purification ? Le baptême de ce qui va advenir ? Elle en montre aussi le sens... L'instauration du Deutsche Mark, alias D.M., une valeur sûre sur laquelle on peut compter, avec laquelle on peut (re)créer la richesse, le profit... Voilà à qui profite cette belle opération...
C'est donc bien un épisode de cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour construire leur fortune, accroître leurs richesses, installer et développer leur pouvoir, renforcer leurs privilèges... C'est exactement la raison pour laquelle il nous revient de tisser le linceul de ce vieux monde amoral, avide, arrogant et cacochyme.
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.