Eau, réveil, pain
Jours et matins
Les souvenirs aident à vivre en prison
Et tout se mêle dans ma chanson.
Les objets qu'on retrouve sans les voir;
Le chien qui aboie dans le noir
Le café matutinal dans la cuisine refroidie,
La lessive odorante sous le fer aplatie,
La lumière fanée des après-midis d'hiver,
Les mots d'amour dans les courants d'air.
Les vaches lancent dans les étables,
De longs mugissements lamentables
Et les gamines courent remplir leur seau
D'une rivière de lait tout moussu, tout blanc.
Sous l'œil concupiscent d'un noir taureau,
Avec la force délicate de leurs doigts d'enfant,
Elles pressent la mamelle un peu gonflée,
Avec ses odeurs de lait, de sueur, de poil et de suée.
Eau, réveil, pain
Jours et matins
Les souvenirs aident à vivre en prison
Et tout se mêle dans ma chanson.
La mamelle oscille d'un doux balancement
Le long des chemins qui conduisent aux ruisseaux,
Où les grandes bouses des passages précédents
Mesurent les temps nouveaux
Et ne comprennent pas
Les horloges universelles battant comme les marteaux
Le devoir comptable de marquer les temps égaux.
Derrière leurs mères, les veaux font leurs premiers pas,
Fascinés par le rythme ésotérique,
Né du mouvement des jambes et du corps,
Des battements du cœur qui battait déjà dans le corps :
Pendules du temps réel, tempo, origine de la musique.
Balancelle de la mamelle maternelle qui passe
Le rythme enferme le temps dans l'espace.
Eau, réveil, pain
Jours et matins
Les souvenirs aident à vivre en prison
Et tout se mêle dans ma chanson.
Des vaches vont et viennent lentement
Et des chèvres, des ânesses
Et des juments sauvages, vraies diablesses,
Sur tous les sentiers du monde, déambulent tranquillement.
Des millions de fois sur des millions de sentiers
Du Bengale au Dahomey, du Missouri à l'Orégon,
De Sagres à Vladivostok, du Tibet au Piémont
Les humains hypnotisés suivent le balancier.
Ainsi serpente la vie de l'homme
Sur les traces de ces vivants métronomes.
L'enchantement des lampes à huile sous les charrettes pendues,
La lampe du mineur dans une galerie perdue,
La lanterne du paysan de retour de sa vigne éloignée.
C'est encore le pendule qui pendule dans les campagnes constellées.
Jours et matins
Les souvenirs aident à vivre en prison
Et tout se mêle dans ma chanson.
Les objets qu'on retrouve sans les voir;
Le chien qui aboie dans le noir
Le café matutinal dans la cuisine refroidie,
La lessive odorante sous le fer aplatie,
La lumière fanée des après-midis d'hiver,
Les mots d'amour dans les courants d'air.
Les vaches lancent dans les étables,
De longs mugissements lamentables
Et les gamines courent remplir leur seau
D'une rivière de lait tout moussu, tout blanc.
Sous l'œil concupiscent d'un noir taureau,
Avec la force délicate de leurs doigts d'enfant,
Elles pressent la mamelle un peu gonflée,
Avec ses odeurs de lait, de sueur, de poil et de suée.
Eau, réveil, pain
Jours et matins
Les souvenirs aident à vivre en prison
Et tout se mêle dans ma chanson.
La mamelle oscille d'un doux balancement
Le long des chemins qui conduisent aux ruisseaux,
Où les grandes bouses des passages précédents
Mesurent les temps nouveaux
Et ne comprennent pas
Les horloges universelles battant comme les marteaux
Le devoir comptable de marquer les temps égaux.
Derrière leurs mères, les veaux font leurs premiers pas,
Fascinés par le rythme ésotérique,
Né du mouvement des jambes et du corps,
Des battements du cœur qui battait déjà dans le corps :
Pendules du temps réel, tempo, origine de la musique.
Balancelle de la mamelle maternelle qui passe
Le rythme enferme le temps dans l'espace.
Eau, réveil, pain
Jours et matins
Les souvenirs aident à vivre en prison
Et tout se mêle dans ma chanson.
Des vaches vont et viennent lentement
Et des chèvres, des ânesses
Et des juments sauvages, vraies diablesses,
Sur tous les sentiers du monde, déambulent tranquillement.
Des millions de fois sur des millions de sentiers
Du Bengale au Dahomey, du Missouri à l'Orégon,
De Sagres à Vladivostok, du Tibet au Piémont
Les humains hypnotisés suivent le balancier.
Ainsi serpente la vie de l'homme
Sur les traces de ces vivants métronomes.
L'enchantement des lampes à huile sous les charrettes pendues,
La lampe du mineur dans une galerie perdue,
La lanterne du paysan de retour de sa vigne éloignée.
C'est encore le pendule qui pendule dans les campagnes constellées.
inviata da Marco Valdo M.I. - 17/11/2009 - 12:14
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Canzone léviane – Les Souvenirs en Prison – Marco Valdo M.I. – 2009
Cycle du Cahier ligné – 65
Les Souvenirs en Prison est la soixante-cinquième chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.
Comme tu vas le voir dans cette canzone que je trouve très belle et très vériste par certains aspects, notre blessé-guerrier-prisonnier, bref, le protagoniste de cette saga du cahier ligné, continue à puiser au fond de lui-même et de sa mémoire toute une vie au grand air, toute une vie libre qui lui est refusée. Tu verras qu'il va chercher tous ces souvenirs quelque part dans son enfance, dans le pays de l'enfance, dans les collines et les montagnes du monde et il retrouve ainsi les grands paysages de la liberté. Comme je te l'ai déjà dit, c'est là une formidable manière d'étendre la vie et de lui rendre tout son intérêt, même dans les lieux les plus arides, dans les conditions les plus étouffantes qui sont celles de la prison ou de l'enfermement en général.
Oui, je perçois bien tout cela et d'ailleurs, dit Lucien l'âne philosophe, nous les ânes, nous procédons pareillement quand on nous tient enfermés ou qu'on nous met à pousser la meule, qui est notre galère à nous. Je voudrais te dire une autre chose cependant, une autre chose qui me plaît beaucoup dans cette canzone : c'est ce mélange de scènes vivantes et de réflexion.
Tu as bien vu la chose, Lucien mon ami, et tout spécialement, cette méditation sur le rythme et l'origine du temps et de la musique – tempo. Et sur le temps de la liberté, disons le temps naturel, celui dans lequel l'homme devrait couler sa vie, si le système de vie qui lui est imposé ne l'en empêchait pas et ce temps des horloges et du devoir comptable qui enferme l'homme et la vie dans la cage du rendement. Cette canzone, c'est une dénonciation en règle du régime de la pointeuse, de l'horloge, du temps réduit à un parcours millimétré.
Si on a ainsi atomisé le temps, dit Lucien l'âne raisonneur, c'est – comme disait le loup à la petite fille – c'est pour mieux t'exploiter, mon enfant. Ainsi, le temps aussi est le lieu d'un formidable affrontement; le temps est un des plus féroces combats dans cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour leur voler leur temps, qui n'est autre que l'essence-même de l'existence.
Et, vois-tu Lucien mon mai, la libération de l'homme passe par la libération du temps et la suppression de la triste comptabilité... de ce vieux monde étouffant et cacochyme.
Nous allons lui tisser une de ces linceuls..., dit l'âne Lucien en riant de toutes ses dents et de sa langue rouge, d'avoir tant manger de coquelicots.
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.