L'œil est différent.
Les mains prennent et possèdent.
Le sexe possède et prend.
La bouche mord, mastique, goûte et possède.
La gorge et le larynx poussent des hurlements
Qui pénètrent les autres et les possèdent.
La langue entonne des louanges aux puissants
Tous les organes internes digèrent et possèdent.
Mais l'œil est différent.
L'œil voit,
L'œil ne possède pas.
Il passe sur toutes les choses sans les toucher,
Il bouge sans arrêt et parcourt le décor.
Il juge, forme, mesure, reconnaît, colore
Il sait scruter, nommer, distinguer, ordonner
Apercevoir, étonner, émerveiller, contempler.
Dans son heureuse pauvreté, il ne possède pas.
Ceux qui ne peuvent posséder,
Ceux qui ne possèdent pas,
Ceux qui ne veulent pas posséder,
Ont le pouvoir poétique.
L'œil sauvage, l'œil libre est de ceux-là
Qui reconnaît les choses réelles.
Avec ses mouvements magnétiques
Il les anime et les révèle.
Mais dans notre univers médiatique
Les images sont une prison démocratique.
Patrons ou serviteurs, subalternes ou dirigeants,
Tous participent au festin nu de la télé.
Domestiqués, empoisonnés,
Tous meurent vivants.
Image passion, image poison, image prison.
Passion, poison, prison.
Images, images, images, images,
Quand l'œil s'est accommodé,
À la multitude affolée des images.
Il est difficile de le libérer.
Comme les yeux polychromes du serpent,
Elles hypnotisent en un instant.
Venues de tous côtés, elles dégénèrent.
Elles deviennent suffocantes et mortifères
Comme la lave et les gaz d'un volcan.
Seul celui qui se tient en dehors
Échappe à leur univers délirant
Voit le monde réel et vit encore...
Les mains prennent et possèdent.
Le sexe possède et prend.
La bouche mord, mastique, goûte et possède.
La gorge et le larynx poussent des hurlements
Qui pénètrent les autres et les possèdent.
La langue entonne des louanges aux puissants
Tous les organes internes digèrent et possèdent.
Mais l'œil est différent.
L'œil voit,
L'œil ne possède pas.
Il passe sur toutes les choses sans les toucher,
Il bouge sans arrêt et parcourt le décor.
Il juge, forme, mesure, reconnaît, colore
Il sait scruter, nommer, distinguer, ordonner
Apercevoir, étonner, émerveiller, contempler.
Dans son heureuse pauvreté, il ne possède pas.
Ceux qui ne peuvent posséder,
Ceux qui ne possèdent pas,
Ceux qui ne veulent pas posséder,
Ont le pouvoir poétique.
L'œil sauvage, l'œil libre est de ceux-là
Qui reconnaît les choses réelles.
Avec ses mouvements magnétiques
Il les anime et les révèle.
Mais dans notre univers médiatique
Les images sont une prison démocratique.
Patrons ou serviteurs, subalternes ou dirigeants,
Tous participent au festin nu de la télé.
Domestiqués, empoisonnés,
Tous meurent vivants.
Image passion, image poison, image prison.
Passion, poison, prison.
Images, images, images, images,
Quand l'œil s'est accommodé,
À la multitude affolée des images.
Il est difficile de le libérer.
Comme les yeux polychromes du serpent,
Elles hypnotisent en un instant.
Venues de tous côtés, elles dégénèrent.
Elles deviennent suffocantes et mortifères
Comme la lave et les gaz d'un volcan.
Seul celui qui se tient en dehors
Échappe à leur univers délirant
Voit le monde réel et vit encore...
inviata da Marco Valdo M.I. - 29/8/2009 - 23:30
×
Canzone léviane – Image prison – Marco Valdo M.I. – 2009
Cycle du Cahier ligné – 47
Image prison est la quarante-septième chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.
Comme tu le sais, Lucien, mon ami l'âne aux grandes oreilles remplies d'histoires millénaires, l'œil
a une place particulière parmi les diverses facultés de l'homme. Sans lui, on est aveugle. On pourrait clore ainsi le propos, mais voilà, « L'œil est différent ». Sa nature, son mode de fonctionnement induisent une autre façon d'appréhender le monde.
Ah bon, fait Lucien en raidissant de saisissement son appendice caudal. Je connais évidemment importance de l'œil, pour tous les animaux – humains compris – toujours en alerte, toujours vif et guide des autres sens, mais je crois bien qu'il s'agit d'autre chose...
Exactement, mon ami. Depuis l'arrivée massive des images, jusque dans les plus simples foyers, une image multipliée à l'infini, une sorte de folie s'est emparée des humains. Ils sont comme envoûtés et de ce fait, on les mène par le bout du nez, quand ce n'est pas par la queue (les mâles, du moins en exhibant certaines parties de corps de femelles...); bref, par ces étranges façons, on en fait ce qu'on veut.
Oh, oh, dit Lucien, ils sont envoûtés... Je l'ai été aussi par cette satanée drogue de la sorcière... et j'en suis toujours à chercher le moyen d'en sortir... Alors...
Tu ne pourrais pas mieux dire. Ils sont envoûtés, hypnotisés, exactement comme s'ils étaient sous l'emprise d'une puissante drogue... En fait, de la plus puissante de toutes... Mais la grande différence avec les drogues artisanales, chimiques ou naturelles, c'est que c'est une drogue collective qui dépasse (et de loin) en puissance tout ce qu'on a connu jusqu'ici... Même la religion qu'un philosophe barbu, exilé en Grande-Bretagne, appelait « L'opium du peuple ».
Çà m'a bien l'air d'être l'arme absolue de la domination, le rêve de tout dictateur... Néron lui-même n'en avait pas une aussi puissante... Comment cela se fait-il ?
Notre guerrier-prisonnier-blessé nous parle souvent de l'œil; il est au centre de sa méditation. D'abord, évidemment, car il est aussi blessé aux yeux... Mais plus encore, parce que comme le malade, le prisonnier est toujours sous surveillance. Un œil le regarde en permanence. Un œil le subjugue. Avec la télé (Orwell avait raison... il avait bien vu), c'est tout le monde qui passe sous le contrôle et sous la domination de Big Brother, du grande fratello, du grand frère... L'Autocrate est devenu Télécrate et bien entendu, se montrant tout le temps, s'étant ainsi placé comme point de mire central : comme Egocrate, il se retrouve au milieu du foyer, dans l'intimité de ces gens...
Je vois, je vois très bien de quoi il s'agit, dit Lucien l'âne en faisant un énorme clin d'œil. Même si nous les ânes, nous sommes immunisés. Il m'arrive de voir des gens immobiles, comme hallucinés pendant des heures devant un écran agité de formes et de couleurs violentes. Ils sont dans un étrange état de prostration avancée.
Tu dis juste, mon ami Lucien. Mais le pire, c'est que cette hallucination, cette dévotion déborde et finit par peupler leur existence entière. Ils deviennent télédépendants et ne parlent, ne pensent (quand ils pensent encore), ne vivent que par l'entremise de la télé. Ils ne peuvent plus s'en passer et ils se sentent mal dès qu'ils en sont privés. Une drogue... Et cette drogue répand dans leurs cerveaux – préalablement nettoyés, anesthésiés – un magma, une mélasse de bribes d'idées, d'images alléchantes dont le seul pôle est un visage tous sourires aux dents... À côté de ce médium, Mao était un enfant, un bricoleur, un vague amateur débutant.
On dirait, dit Lucien l'âne, une sorte de virus, une maladie contagieuse, comme une peste qui s'étend... Comment s'en débarrasser ?
Tu as raison, Lucien le perspicace, le mal se répand et s'étend dans le monde des hommes. Pour y échapper, il n'y a pas trente-six mille façons... À vrai dire, il n'y en a qu'une de solution.... Ne jamais s'y laisser prendre et si l'on est déjà contaminé, il faut couper tout contact et s'en tenir à l'écart résolument.... En fait, on ne pactise pas avec pareille engeance. En somme, il faut garder ou si on l'a égaré dans l'écran, retrouver son œil libre, son œil sauvage... et son pouvoir poétique, qui est l'essence-même de la vie.
Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.