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Thomas Sankara: Discours devant l’assemblée générale de l’ONU le 4 octobre 1984

LA CCG NUMERO 30000 / AWS NUMBER 30000 / LA CCG N° 30000 / SVL NRO 30000
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THOMAS SANKARA: DISCOURS DEVANT L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’ONU LE 4 OCTOBRE 1984

Monsieur le Président, Monsieur le secrétaire Général,

Honorables représentants de la Communauté internationale

Je viens en ces lieux vous apporter le salut fraternel d’un pays de 274000 km², où sept millions d’enfants, de femmes et d’hommes, refusent désormais de mourir d’ignorance, de faim, de soif, tout en n’arrivant pas à vivre véritablement depuis un quart de siècle d’existence comme Etat souverain, siégeant à l’ONU.

Je viens à cette Trente-neuvième session vous parler au nom d’un peuple qui, sur la terre de ses ancêtres, a choisi, dorénavant de s’affirmer et d’assumer son histoire, dans ses aspects positifs, comme dans ses aspects négatifs, sans complexe aucun.

Je viens enfin, mandaté par le Conseil National de la Révolution (CNR) du Burkina Faso, pour exprimer les vues de mon peuple concernant les problèmes inscrits à l’ordre du jour, et qui constituent la trame tragique des évènements qui fissurent douloureusement les fondements du monde en cette fin du vingtième siècle. Un monde où l’humanité est transformée en cirque, déchirée par les luttes entre les grands et les semi-grands, battue par les bandes armées, soumise aux violences et aux pillages. Un monde où des nations, se soustrayant à la juridiction internationale, commandent des groupes hors-la-loi, vivant de rapines, et organisant d’ignobles trafics, le fusil à la main.

Monsieur le Président

Je n’ai pas ici la prétention d’énoncer des dogmes. Je ne suis ni un messie ni un prophète. Je ne détiens aucune vérité. Ma seule ambition est une double aspiration : premièrement, pouvoir, en langage simple, celui de l’évidence et de la clarté, parler au nom de mon peuple, le peuple du Burkina Faso ; deuxièmement, parvenir à exprimer aussi, à ma manière, la parole du “Grand peuple des déshérités”, ceux qui appartiennent à ce monde qu’on a malicieusement baptisé Tiers Monde. Et dire, même si je n’arrive pas à les faire comprendre, les raisons que nous avons de nous révolter.

Tout cela dénote de l’intérêt que nous portons à l’ONU, les exigences de nos droits y prenant une vigueur et la rigueur de la claire conscience de nos devoirs.

Nul ne s’étonnera de nous voir associer l’ex Haute-Volta, aujourd’hui le Burkina Faso, à ce fourre-tout méprisé, le Tiers Monde, que les autres mondes ont inventé au moment des indépendances formelles pour mieux assurer notre aliénation culturelle, économique et politique. Nous voulons nous y insérer sans pour autant justifier cette gigantesque escroquerie de l’Histoire. Encore moins pour accepter d’être “l’arrière monde d’un Occident repu”. Mais pour affirmer la conscience d’appartenir à un ensemble tricontinental et admettre, en tant que non-alignés, et avec la densité de nos convictions, qu’une solidarité spéciale unit ces trois continents d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique dans un même combat contre les mêmes trafiquants politiques, les mêmes exploiteurs économiques.

Reconnaître donc notre présence au sein du Tiers Monde c’est, pour paraphraser José Marti, “affirmer que nous sentons sur notre joue tout coup donné à n’importe quel homme du monde”. Nous avons jusqu’ici tendu l’autre joue. Les gifles ont redoublées. Mais le cœur du méchant ne s’est pas attendri. Ils ont piétiné la vérité du juste. Du Christ ils ont trahi la parole. Ils ont transformé sa croix en massue. Et après qu’ils se soient revêtus de sa tunique, ils ont lacéré nos corps et nos âmes. Ils ont obscurci son message. Ils l’ont occidentalisé cependant que nous le recevions comme libération universelle. Alors, nos yeux se sont ouverts à la lutte des classes. Il n’y aura plus de gifles.

Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre vingt années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus là. Pas de développement en dehors de cette rupture.

Du reste, tous les nouveaux “maîtres-à-penser” sortant de leur sommeil, réveillés par la montée vertigineuse de milliards d’hommes en haillons, effrayés par la menace que fait peser sur leur digestion cette multitude traquée par la faim, commencent à remodeler leurs discours et, dans une quête anxieuse, recherchent une fois de plus en nos lieu et place, des concepts-miracles, de nouvelles formes de développement pour nos pays. Il suffit pour s’en convaincre de lire les nombreux actes des innombrables colloques et séminaires.

Loin de moi l’idée de tourner en ridicule les efforts patients de ces intellectuels honnêtes qui, parce qu’ils ont des yeux pour voir, découvrent les terribles conséquences des ravages imposés par lesdits “spécialistes” en développement dans le Tiers Monde. La crainte qui m’habite c’est de voir les résultats de tant d’énergies confisquées par les Prospéro de tout genre pour en faire la baguette magique destinée à nous renvoyer à un monde d’esclavage maquillé au goût de notre temps.

Cette crainte se justifie d’autant plus que la petite bourgeoisie africaine diplômée, sinon celle du Tiers Monde, soit par paresse intellectuelle, soit plus simplement parce qu’ayant goûté au mode de vie occidental, n’est pas prête à renoncer à ses privilèges. De ce fait, elle oublie que toute vraie lutte politique postule un débat théorique rigoureux et elle refuse l’effort de réflexion qui nous attend. Consommatrice passive et lamentable, elle se regorge de vocables fétichisés par l’Occident comme elle le fait de son whisky et de son champagne, dans ses salons à l’harmonie douteuse.

On recherchera en vain depuis les concepts de négritude ou d’”African Personality” marqués maintenant par les temps, des idées vraiment neuves issues des cerveaux de nos “grands” intellectuels. Le vocabulaire et les idées nous viennent d’ailleurs. Nos professeurs, nos ingénieurs et nos économistes se contentent d’y adjoindre des colorants parce que, des universités européennes dont ils sont les produits, ils n’ont ramené souvent que leurs diplômes et le velours des adjectifs ou des superlatifs.

Il est nécessaire, il est urgent que nos cadres et nos travailleurs de la plume apprennent qu’il n’y a pas d’écriture innocente. En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d’hier et d’aujourd’hui, le monopole de la pensée, de l’imagination et de la créativité. Il faut, avant qu’il ne soit trop tard, car il est déjà trop tard, que ces élites, ces hommes de l’Afrique, du Tiers Monde, reviennent à eux-mêmes, c’est-à-dire à leur société, à la misère dont nous avons hérité pour comprendre non seulement que la bataille pour une pensée au service des masses déshéritées n’est pas vaine, mais qu’ils peuvent devenir crédibles sur le plan international, qu’en inventant réellement, c’est-à-dire, en donnant de leurs peuples une image fidèle. Une image qui leur permette de réaliser des changements profonds de la situation sociale et politique, susceptibles de nous arracher à la domination et à l’exploitation étrangères qui livrent nos Etats à la seule perspective de la faillite.

C’est ce que nous avons perçu, nous, peuple burkinabè, au cours de cette nuit du 4 août 1983, aux premiers scintillements des étoiles dans le ciel de notre Patrie. Il nous fallait prendre la tête des jacqueries qui s’annonçaient dans les campagnes affolées par l’avancée du désert, épuisées par la faim et la soif et délaissées. Il nous fallait donner un sens aux révoltes grondantes des masses urbaines désoeuvrées, frustrées et fatiguées de voir circuler les limousines des élites aliénées qui se succédaient à la tête de l’Etat et qui ne leur offraient rien d’autre que les fausses solutions pensées et conçues par les cerveaux des autres. Il nous fallait donner une âme idéologique aux justes luttes de nos masses populaires mobilisées contre l’impérialisme monstrueux. A la révolte passagère, simple feu de paille, devait se substituer pour toujours la révolution, lutte éternelle contre la domination.

D’autres avant moi ont dit, d’autres après moi diront à quel point s’est élargi le fossé entre les peuples nantis et ceux qui n’aspirent qu’à manger à leur faim, boire à leur soif, survivre et conserver leur dignité. Mais nul n’imaginera à quel point ” le grain du pauvre a nourri chez nous la vache du riche”.

Dans le cas de l’ex Haute Volta, le processus était encore plus exemplaire. Nous étions la condensation magique, le raccourci de toutes les calamités qui ont fondu sur les pays dits “en voie de développement”. Le témoignage de l’aide présentée comme la panacée et souvent trompetée, sans rime ni raison, est ici éloquent. Très peu sont les pays qui ont été comme le mien inondés d’aides de toutes sortes. Cette aide est en principe censée œuvrer au développement. On cherchera en vain dans ce qui fut autrefois la Haute-Volta, les signes de ce qui peut relever d’un développement. Les hommes en place, soit par naïveté, soit par égoïsme de classe, n’ont pas pu ou n’ont pas voulu maîtriser cet afflux extérieur, en saisir la portée et exprimer des exigences dans l’intérêt de notre peuple.

Analysant un tableau publié en 1983 par le Club du Sahel, Jacques Giri dans son ouvrage “Le Sahel Demain”, conclut avec beaucoup de bon sens que l’aide au Sahel, à cause de son contenu et des mécanismes en place, n’est qu’une aide à la survie. Seuls, souligne-t-il, 30 pour cent de cette aide permet simplement au Sahel de vivre. Selon Jacques Giri, cette aide extérieure n’aurait d’autres buts que de continuer à développer les secteurs improductifs, imposant des charges intolérables à nos petits budgets, désorganisant nos campagnes, creusant les déficits de notre balance commerciale, accélérant notre endettement.

Juste quelques clichés pour présenter l’ex Haute-Volta :
– 7 millions d’habitants, avec plus de 6 millions de paysannes et de paysans
– Un taux de mortalité infantile estimé à 180 pour mille
– Une espérance de vie se limitant à 40 ans
– Un taux d’analphabétisme allant jusqu’à 98 pour cent, si nous concevons l’alphabétisé comme celui qui sait lire, écrire et parler une langue.
– Un médecin pour 50000 habitants
– Un taux de scolarisation de 16 pour cent
– et enfin un produit intérieur brut par tête d’habitant de 53356 francs CFA soit à peine plus de 100 dollars.

Le diagnostic à l’évidence, était sombre. La source du mal était politique. Le traitement ne pouvait qu’être politique.

Certes nous encourageons l’aide qui nous aide à nous passer de l’aide. Mais en général, la politique d’assistance et d’aide n’a abouti qu’à nous désorganiser, à nous asservir, à nous déresponsabiliser dans notre espace économique, politique et culturel.

Nous avons choisi de risquer de nouvelles voies pour être plus heureux. Nous avons choisi de mettre en place de nouvelles techniques.

Nous avons choisi de rechercher des formes d’organisation mieux adaptées à notre civilisation, rejetant de manière abrupte et définitive toutes sortes de diktats extérieurs, pour créer ainsi les conditions d’une dignité à la hauteur de nos ambitions. Refuser l’état de survie, desserrer les pressions, libérer nos campagnes d’un immobilisme moyenâgeux ou d’une régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir. Briser et reconstruire l’administration à travers une autre image du fonctionnaire, plonger notre armée dans le peuple par le travail productif et lui rappeler incessamment que sans formation patriotique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance. Tel est notre programme politique.

Au plan de la gestion économique, nous apprenons à vivre simplement, à accepter et à nous imposer l’austérité afin d’être à même de réaliser de grands desseins.

Déjà, grâce à l’exemple de la Caisse de solidarité nationale, alimentée par des contributions volontaires, nous commençons à répondre aux cruelles questions posées par la sécheresse. Nous avons soutenu et appliqué les principes d’Alma-Ata en élargissant le champ des soins de santé primaires. Nous avons fait nôtre, comme politique d’Etat, la stratégie du GOBI FFF, préconisée par l’UNICEF.

Par l’intermédiaire de l’Office du Sahel des Nations Unies (OSNU), nous pensons que les Nations unies devraient permettre aux pays touchés par la sécheresse la mise sur pied d’un plan moyen et long termes afin de parvenir à l’autosuffisance alimentaire.

Pour préparer le vingt et unième siècle, nous avons, par la création d’une tranche spéciale de la Tombola, “Instruisons nos enfants”, lancé une campagne immense pour l’éducation et la formation de nos enfants dans une école nouvelle. Nous avons lancé à travers l’action salvatrice des Comités de Défense de la Révolution un vaste programme de construction de logements sociaux, 500 en trois mois, de routes, de petites retenues d’eau etc… Notre ambition économique est d’œuvrer pour que le cerveau et les bras de chaque burkinabè puissent au moins lui servir à inventer et à créer de quoi s’assurer deux repas par jour et de l’eau potable.

Nous jurons, nous proclamons, que désormais au Burkina Faso, plus rien ne se fera sans la participation des burkinabè. Rien qui n’ait été au préalable décidé par nous, élaboré par nous. Il n’y aura plus d’attentat à notre pudeur et à notre dignité.

Forts de cette certitude, nous voudrions que notre parole s’élargisse à tous ceux qui souffrent dans leur chair, tous ceux qui sont bafoués dans leur dignité d’homme par un minorité d’hommes ou par un système qui les écrase.

Permettez, vous qui m’écoutez, que je le dise : je ne parle pas seulement au nom du Burkina Faso tant aimé mais également au nom de tous ceux qui ont mal quelque part.

Je parle au nom de ces millions d’êtres qui sont dans les ghettos parce qu’ils ont la peau noire ou qu’ils sont de culture différente et bénéficient d’un statut à peine supérieur à celui d’un animal.

Je souffre au nom des Indiens massacrés, écrasés, humiliés et confinés depuis des siècles dans des réserves afin qu’ils n’aspirent à aucun droit et que leur culture ne puisse s’enrichir en convolant en noces heureuses au contact d’autres cultures, y compris celle de l’envahisseur.

Je m’exclame au nom des chômeurs d’un système structurellement injuste et conjoncturellement désaxé, réduits à ne percevoir de la vie que le reflet de celle des plus nantis.

Je parle au nom des femmes du monde entier, qui souffrent d’un système d’exploitation imposé par les mâles. Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à accueillir toutes les suggestions du monde entier, nous permettant de parvenir à l’épanouissement total de la femme burkinabè. En retour, nous donnons en partage à tous les pays, l’expérience positive que nous entreprenons avec des femmes désormais présentes à tous les échelons de l’appareil de l’État et de la vie sociale au Burkina Faso. Des femmes qui luttent et proclament avec nous, que l’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère et nous en appelons à toutes nos sœurs de toutes les races pour qu’elles montent à l’assaut pour la conquête de leurs droits.

Je parle au nom des mères de nos pays démunis, qui voient mourir leurs enfants de paludisme ou de diarrhée, ignorant qu’il existe, pour les sauver, des moyens simples que la science des multinationales ne leur offre pas, préférant investir dans les laboratoires de cosmétiques et dans la chirurgie esthétique pour les caprices de quelques femmes ou d’hommes dont la coquetterie est menacée par les excès de calories de leurs repas trop riches et d’une régularité à vous donner, non, plutôt à nous donner, à nous autres du Sahel, le vertige. Ces moyens simples recommandés par l’OMS et l’UNICEF, nous avons décidé de les adopter et de les populariser.

Je parle aussi au nom de l’enfant. L’enfant du pauvre, qui a faim et qui louche furtivement vers l’abondance amoncelée dans une boutique pour riches. La boutique protégée par une vitre épaisse. La vitre défendue par une grille infranchissable. Et la grille gardée par un policier casqué, ganté et armé de matraque. Ce policier, placé là par le père d’un autre enfant qui viendra se servir ou plutôt se faire servir parce que représentant toutes les garanties de représentativité et de normes capitalistiques du système.

Je parle au nom des artistes (poètes, peintres, sculpteur, musiciens, acteurs), hommes de bien qui voient leur art se prostituer pour l’alchimie des prestidigitations de show-business.

Je crie au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge pour ne pas subir les dures lois du chômage.

Je proteste au nom des sportifs du monde entier dont les muscles sont exploités par les systèmes politiques ou les négociants de l’esclavage modernes.

Mon pays est un concentré de tous les malheurs des peuples, une synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l’humanité, mais aussi et surtout des espérances de nos luttes. C’est pourquoi je vibre naturellement au nom des malades qui scrutent avec anxiété les horizons d’une science accaparée par les marchands de canons. Mes pensées vont à tous ceux qui sont touchés par la destruction de la nature et à ces trente millions d’hommes qui vont mourir comme chaque année, abattus par la redoutable arme de la faim.

Militaire, je ne peux oublier ce soldat obéissant aux ordres, le doigt sur la détente, et qui sait que la balle qui va partir ne porte que le message de la mort.

Enfin, je veux m’indigner en pensant aux Palestiniens qu’une humanité inhumaine a choisi de substituer à un autre peuple, hier encore martyrisé. Je pense à ce vaillant peuple palestinien, c’est-à-dire à ces familles atomisées errant de par le monde en quête d’un asile. Courageux, déterminés, stoïques et infatigables, les Palestiniens rappellent à chaque conscience humaine la nécessité et l’obligation morale de respecter les droits d’un peuple : avec leurs frères juifs, ils sont antisionistes.

Aux côtés de mes frères soldats de l’Iran et de l’Irak, qui meurent dans une guerre fratricide et suicidaire, je veux également me sentir proche des camarades du Nicaragua dont les ports sont minés, les villes bombardées et qui, malgré tout, affrontent avec courage et lucidité leur destin. Je souffre avec tous ceux qui, en Amérique latine, souffrent de la mainmise impérialiste.

Je veux être aux côtés des peuples afghan et irlandais, aux côtés des peuples de Grenade et de Timor Oriental, chacun à la recherche d’un bonheur dicté par la dignité et les lois de sa culture.

Je m’élève ici au nom des tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde ils pourront faire entendre leur voix et la faire prendre en considération réellement. Sur cette tribune beaucoup m’ont précédé, d’autres viendront après moi. Mais seuls quelques uns feront la décision. Pourtant nous sommes officiellement présentés comme égaux. Eh bien, je me fais le porte voix de tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde, ils peuvent se faire entendre. Oui je veux donc parler au nom de tous les “laissés pour compte” parce que “je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger”.

Notre révolution au Burkina Faso est ouverte aux malheurs de tous les peuples. Elle s’inspire aussi de toutes les expériences des hommes depuis le premier souffle de l’Humanité. Nous voulons être les héritiers de toutes les révolutions du monde, de toutes les luttes de libération des peuples du Tiers Monde. Nous sommes à l’écoute des grands bouleversements qui ont transformé le monde. Nous tirons des leçons de la révolution américaine, les leçons de sa victoire contre la domination coloniale et les conséquences de cette victoire. Nous faisons nôtre l’affirmation de la doctrine de la non-ingérence des Européens dans les affaires américaines et des Américains dans les affaires européennes. Ce que Monroe clamait en 1823, « L’Amérique aux Américains », nous le reprenons en disant « l’Afrique aux Africains », « Le Burkina aux Burkinabè ». La Révolution française de 1789, bouleversant les fondements de l’absolutisme, nous a enseigné les droits de l’homme alliés aux droits des peuples à la liberté. La grande révolution d’octobre 1917 a transformé le monde, permis la victoire du prolétariat, ébranlé les assises du capitalisme et rendu possible les rêves de justice de la Commune française.

Ouverts à tous les vents de la volonté des peuples et de leurs révolutions, nous instruisant aussi de certains terribles échecs qui ont conduits à de tragiques manquements aux droits de l’homme, nous ne voulons conserver de chaque révolution, que le noyau de pureté qui nous interdit de nous inféoder aux réalités des autres, même si par la pensée, nous nous retrouvons dans une communauté d’intérêts.

Monsieur les Président,

Il n’y a plus de duperie possible. Le Nouvel Ordre Economique Mondial pour lequel nous luttons et continuerons à lutter, ne peut se réaliser que :
– si nous parvenons à ruiner l’ancien ordre qui nous ignore,
– si nous imposons la place qui nous revient dans l’organisation politique du monde,
– si, prenant conscience de notre importance dans le monde, nous obtenons un droit de regard et de décision sur les mécanismes qui régissent le commerce, l’économie et la monnaie à l’échelle planétaire.

Le Nouvel Ordre Economique international s’inscrit tout simplement, à côté de tous les autres droits des peuples, droit à l’indépendance, au libre choix des formes et de structures de gouvernement, comme le droit au développement. Et comme tous les droits des peuples, il s’arrache dans la lutte et par la lutte des peuples. Il ne sera jamais le résultat d’un acte de la générosité d’une puissance quelconque.

Je conserve en moi la confiance inébranlable, confiance partagée avec l’immense communauté des pays non-alignés, que sous les coups de boutoir de la détresse hurlante de nos peuples, notre groupe va maintenir sa cohésion, renforcer son pouvoir de négociation collective, se trouver des alliés parmi les nations et commencer, de concert avec ceux qu peuvent encore nous entendrez, l’organisation d’un système de relations économiques internationales véritablement nouveau.

Monsieur le Président,

Si j’ai accepté de me présenter devant cette illustre assemblée pour y prendre la parole, c’est parce que malgré les critiques qui lui sont adressées par certains grands contributeurs, les Nations Unies demeurent la tribune idéale pour nos revendications, le lieu obligé de la légitimité des pays sans voix.

C’est cela qu’exprime avec beaucoup de justesse notre Secrétaire général lorsqu’il écrit : “L’organisation des Nations Unies est unique en ce qu’elle reflète les aspirations et les frustrations de nombreux pays et gouvernements du monde entier. Un de ses grands mérites est que toutes les Nations, y compris celles qui sont faibles, opprimées ou victimes de l’injustice, (il s’agit de nous), peuvent, même lorsqu’elles sont confrontées aux dures réalités du pouvoir, y trouver une tribune et s’y faire entendre. Une cause juste, même si elle ne rencontre que revers ou indifférence, peut trouver un écho à l’Organisation des Nations Unies ; cet attribut de l’Organisation n’est pas toujours prisé, mais il n’en est pas moins essentiel”.

On ne peut mieux définir le sens et la portée de l’Organisation.

Aussi est-il, pour chacun de nous, un impératif catégorique de consolider les assises de notre Organisation, de lui donner les moyens de son action. Nous adoptons en conséquence, les propositions faîtes à cette fin par le Secrétaire Général, pour sortir l’Organisation des nombreuses impasses, soigneusement entretenues par le jeu des grandes puissances afin de la discréditer aux yeux de l’opinion publique.

Monsieur le Président,

Reconnaissant les mérites mêmes limités de notre Organisation, je ne peux que me réjouir de la voir compter de nouveaux adhérents. C’est pourquoi la délégation burkinabè salue l’entrée du 159ème membre de notre Organisation : l’Etat du Brunei Daressalam.

C’est la déraison de ceux entre les mains desquelles la direction du monde es tombée par le hasard des choses qui fait l’obligation au Mouvement des pays non alignés, auquel je l’espère, se joindra bientôt l’Etat du Brunei Darussalam, de considérer comme un des objectifs permanents de sa lutte, le combat pour le désarmement qui est un des aspects essentiels et une condition première de notre droit au développement.

Il faut, à notre avis des études sérieuses prenant en compte tous les éléments qui ont conduit aux calamités qui ont fondu sur le monde. A ce titre, le Président Fidel Castro en 1979, a admirablement exprimé notre point de vue à l’ouverture du sixième sommet des Pays non alignés lorsqu’il déclarait : “Avec 300 milliards de dollars, on pourrait construire en un an 600000 écoles pouvant recevoir 400 millions d’enfants ; ou 60 millions de logements confortables pour 300 millions de personnes ; ou 30000 hôpitaux équipés de 18 millions de lits ; ou 20000 usines pouvant employer plus de 20 millions de travailleurs ou irriguer 150 millions d’hectares de terre qui, avec les moyens techniques adéquats pourraient alimenter un milliard de personnes…”

En multipliant aujourd’hui ce chiffre par 10, je suis certainement en deçà de la réalité, on réalise ce que l’Humanité gaspille tous les ans dans le domaine militaire, c’est-à-dire contre la paix.

On perçoit aisément pourquoi l’indignation des peuples se transforme rapidement en révolte et en révolution devant les miettes qu’on leur jette sous la forme ignominieuse d’une certaine “aide”, assortie de conditions parfois franchement abjectes. On comprend enfin pourquoi dans le combat pour le développement, nous nous désignons comme des militants inlassables de la paix.

Nous faisons le serment de lutter pour atténuer les tensions, introduire les principes d’une vie civilisée dans les relations internationales et les étendre à toutes les parties du monde. Ce qui revient à dire que nous ne pouvons assister passifs, au trafic des concepts.

Nous réitérons notre résolution d’être des agents actifs de la paix ; de tenir notre place dans le combat pour le désarmement ; d’agir enfin dans la politique internationale comme le facteur décisif, libéré de toute entrave vis-à-vis de toutes les grandes puissances, quels que soient les projets de ces dernières.

Mais la recherche de la paix va de pair avec l’application ferme du droit des pays à l’indépendance, des peuples à la liberté et des nations à l’existence autonome. Sur ce point, le palmarès le plus pitoyable, le plus lamentable _ oui, le plus lamentable_ est détenu au Moyen Orient en termes d’arrogance, d’insolence et d’incroyable entêtement par un petit pays, Israël, qui, depuis, plus de vingt ans, avec l’inqualifiable complicité de son puissant protecteur les Etats-Unis, continue à défier la communauté internationale.

Au mépris d’une histoire qui hier encore, désignait chaque Juif à l’horreur des fours crématoires, Israël en arrive à infliger à d’autres ce qui fut son propre calvaire. En tout état de cause, Israël dont nous aimons le peuple pour son courage et ses sacrifices d’hier, doit savoir que les conditions de sa propre quiétude ne résident pas dans sa puissance militaire financée de l’extérieur. Israël doit commencer à apprendre à devenir une nation comme les autres, parmi les autres.

Pour l’heure, nous tenons à affirmer du haut de cette tribune, notre solidarité militante et agissante à l’endroit des combattants, femmes et hommes, de ce peuple merveilleux de la Palestine parce que nous savons qu’il n’y a pas de souffrance sans fin.

Monsieur, le Président,

Analysant la situation qui prévaut en Afrique sur les plans économique et politique, nous ne pouvons pas ne pas souligner les graves préoccupations qui sont les nôtres, face aux dangereux défis lancés aux droits des peuples par certaines nations qui, sûres de leurs alliances, bafouent ouvertement la morale internationale.

Certes, nous avons le droit de nous réjouir de la décision de retrait des troupes étrangères au Tchad, afin que le Tchadiens entre eux, sans intermédiaire, cherchent les moyens de mettre fin à cette guerre fratricide, et donner enfin à ce peuple qui n’en finit pas de pleurer depuis de nombreux hivernages, les moyens de sécher ses larmes. Mais, malgré les progrès enregistrés çà et là par les peuples africains dans leur lutte pour l’émancipation économique, notre continent continue de refléter la réalité essentielle des contradictions entre les grandes puissances, de charrier les insupportables apories du monde contemporain.

C’est pourquoi nous tenons pour inadmissible et condamnons sans recours, le sort fait au peuple du Sahara Occidental par le Royaume du Maroc qui se livre à des méthodes dilatoires pour retarder l’échéance qui, de toute façon, lui sera imposée par la volonté du peuple sahraoui. Pour avoir visité personnellement les régions libérées par le peuple sahraoui, j’ai acquis la confirmation que plus rien désormais ne saurait entraver sa marche vers la libération totale de son pays, sous la conduite et éclairée du Front Polisario.

Monsieur le Président,

Je ne voudrais pas trop m’étendre sur la question de Mayotte et des îles de l’Archipel malgache. Lorsque les choses sont claires, lorsque les principes sont évidents, point n’est besoin d’élaborer. Mayotte appartient aux Comores. Les îles de l’archipel sont malgaches.

En Amérique Latine, nous saluons l’initiative du Groupe de Contadora, qui constitue une étape positive dans la recherche d’une solution juste à la situation explosive qui y prévaut. Le commandant Daniel Ortega, au nom du peuple révolutionnaire du Nicaragua a fait ici des propositions concrètes et posé des questions de fond à qui de droit. Nous attendons de voir la paix s’installer dans son pays et en Amérique Centrale, le 15 octobre prochain et après le 15 octobre et nous prenons à témoin l’opinion publique mondiale.

De même que nous avons condamné l’agression étrangère de l’île de Grenade, de même nous fustigeons toutes les interventions étrangères. C’est ainsi que nous ne pouvons pas nous taire face à l’intervention militaire en Afghanistan.

Il est cependant un point, mais dont la gravité exige de chacun de nous une explication franche et décisive. Cette question, vous vous en doutez, ne peut qu’être celle de l’Afrique du Sud. L’incroyable insolence de ce pays à l’égard de toutes les nations du monde, même vis-à-vis de celles qui soutiennent le terrorisme qu’il érige en système pour liquider physiquement la majorité noire de ce pays, le mépris qu’il adopte à l’égard de toutes nos résolutions, constituent l’une des préoccupations les plus oppressantes du monde contemporain.

Mais le plus tragique, n’est pas que l’Afrique du Sud se soit elle-même mise au banc de la communauté internationale à cause de l’abjection des lois de l’apartheid, encore moins qu’elle continue de maintenir illégalement la Namibie sous la botte colonialiste et raciste, ou de soumettre impunément ses voisins aux lois du banditisme. Non, le plus abject, le plus humiliant pour la conscience humaine, c’est qu’elle soit parvenue à “banaliser” le malheur de millions d’êtres humains qui n’ont pour se défendre que leur poitrine et l’héroïsme de leurs mains nues. Sûre de la complicité des grandes puissances et de l’engagement actif de certaines d’entre elles à ses côtés, ainsi que de la criminelle collaboration de quelques tristes dirigeants de pays africains, la minorité blanche ne se gêne pas pour ridiculiser les états d’âme de tous les peuples, qui, partout à travers le monde, trouvent intolérable la sauvagerie des méthodes en usage dans ce pays.

Il fut un temps où les brigades internationales se constituaient pour aller défendre l’honneur des nations agressées dans leur dignité. Aujourd’hui, malgré la purulence des plaies que nous portons tous à nos flancs, nous allons voter des résolutions dont les seules vertus, nous dira-t-on, seraient de conduire à résipiscence une Nation de corsaires qui “détruit le sourire comme la grêle tue les fleurs”.

Monsieur le Président,

Nous allons bientôt fêter le cent cinquantième anniversaire de l’émancipation des esclaves de l’Empire britannique. Ma délégation souscrit à la proposition des pays d’Antigua et de la Barbade de commémorer avec éclat cet événement qui revêt, pour les pays africains et le monde noir, une signification d’une très grande importance. Pour nous, tout ce qui pourra être fait, dit ou organisé à travers le monde au cours des cérémonies commémoratives devra mettre l’accent sur le terrible écot payé par l’Afrique et le monde noir, au développement de la civilisation humaine. Ecot payé sans retour et qui explique, sans aucun doute, les raisons de la tragédie d’aujourd’hui sur notre continent.

C’est notre sang qui a nourri l’essor du capitalisme, rendu possible notre dépendance présente et consolidé notre sous-développement. On ne peut plus escamoter la vérité, trafiquer les chiffres. Pour chaque Nègre parvenu dans les plantations, cinq au moins connurent la mort ou la mutilation. Et j’omets à dessein, la désorganisation du continent et les séquelles qui s’en sont suivies.

Monsieur le Président,

Si la terre entière, grâce à vous, avec l’aide du Secrétaire Général, parvient à l’occasion de cet anniversaire à se convaincre de cette vérité-là, elle comprendra pourquoi, avec toute la tension de notre être, nous voulons la paix entre les nations, pourquoi nous exigeons et réclamons notre droit au développement dans l’égalité absolue, par une organisation et une répartition des ressources humaines.

C’est parce que de toutes les races humaines, nous appartenons à celles qui ont le plus souffert, que nous nous sommes jurés, nous burkinabè, de ne plus jamais accepter sur la moindre parcelle de cette terre, le moindre déni de justice. C’est le souvenir de la souffrance qui nous place aux côtés de l’OLP contre les bandes armées d’Israël. C’est le souvenir de cette souffrance qui, d’une part, nous fait soutenir l’ANC et la SWAPO, et d’autre part, nous rend intolérable la présence en Afrique du Sud des hommes qui se disent blancs et qui brûlent le monde à ce titre. C’est enfin ce même souvenir qui nous fait placer l’Organisation des Nations Unies toute notre foi dans un devoir commun, dans un tâche commune pour un espoir commun.

Nous réclamons :
– Que s’intensifie à travers le monde la campagne pour la libération de Nelson Mandela et sa présence effective à la prochaine Assemblée générale de l’ONU comme une victoire de fierté collective.
– Que soit créé en souvenir de nos souffrances et au titre de pardon collectif un Prix international de l’Humanité réconciliée, décerné à tous ceux qui par leur recherche auraient contribué à la défense des droits de l’homme.
– Que tous les budgets de recherches spatiales soient amputés de 1/10000e et consacrés à des recherches dans le domaine de la santé et visant à la reconstitution de l’environnement humain perturbé par tous ces feux d’artifices nuisibles à l’écosystème

Nous proposons également que les structures des Nations Unies soient repensées et que soit mis fin à ce scandale que constitue le droit de veto. Bien sûr, les effets pervers de son usage abusif sont atténués par la vigilance de certains de ses détenteurs. Cependant, rien ne justifie ce droit : ni la taille des pays qui le détiennent ni les richesses de ces derniers.

Si l’argument développé pour justifier une telle iniquité est le prix payé au cours de la guerre mondiale, que ces nations, qui se sont arrogé ces droits, sachent que nous aussi nous avons chacun un oncle ou un père qui, à l’instar de milliers d’autres innocents arrachés au Tiers Monde pour défendre les droits bafoués par les hordes hitlériennes, porte lui aussi dans sa chair les meurtrissures des balles nazies. Que cesse donc l’arrogance des grands qui ne perdent aucune occasion pour remettre en cause le droit des peuples. L’absence de l’Afrique du Club de ceux qui détiennent le droit de veto est une injustice qui doit cesser.

Enfin ma délégation n’aurait pas accompli tous ses devoirs si elle n’exigeait pas la suspension d’Israël et le dégagement pur et simple de l’Afrique du Sud de notre organisation. Lorsque, à la faveur du temps, ces pays auront opéré la mutation qui les introduira dans la Communauté internationale, chacun de nous nous, et mon pays en tête, devra les accueillir avec bonté, guider leur premier pas.

Nous tenons à réaffirmer notre confiance en l’Organisation des Nations Unies. Nous lui sommes redevables du travail fourni par ses agences au Burkina Faso et de la présence de ces dernières à nos côtés dans les durs moments que nous t traversons.

Nous sommes reconnaissants aux membres du Conseil de Sécurité de nous avoir permis de présider deux fois cette année les travaux du Conseil. Souhaitons seulement voir le Conseil admettre et appliquer le principe de la lutte contre l’extermination de 30 millions d’êtres humains chaque année, par l’arme de la faim qui, de nos jours, fait plus de ravages que l’arme nucléaire.

Cette confiance et cette foi en l’Organisation me fait obligation de remercier le Secrétaire général, M. Xavier Pérez de Cuellar, de la visite tant appréciée qu’il nous a faite pour constater, sur le terrain, les dures réalités de notre existence et se donner une image fidèle de l’aridité du Sahel et la tragédie du désert conquérant.

Je ne saurai terminer sans rendre hommage aux éminentes qualités de notre Président (Paul Lusaka de Zambie) qui saura, avec la clairvoyance que nous lui connaissons, diriger les travaux de cette Trente-neuvième session.

Monsieur le Président,

J’ai parcouru des milliers de kilomètres. Je suis venu pour demander à chacun de vous que nous puissions mettre ensemble nos efforts pour que cesse la morgue des gens qui n’ont pas raison, pour que s’efface le triste spectacle des enfants mourant de faim, pour que disparaisse l’ignorance, pour que triomphe la rébellion légitime des peuples, pour que se taise le bruit des armes et qu’enfin, avec une seule et même volonté, luttant pour la survie de l’Humanité, nous parvenions à chanter en chœur avec le grand poète Novalis :

“Bientôt les astres reviendront visiter la terre d’où ils se sont éloignés pendant nos temps obscurs ; le soleil déposera son spectre sévère, redeviendra étoile parmi les étoiles, toutes les races du monde se rassembleront à nouveau, après une longue séparation, les vieilles familles orphelines se retrouveront et chaque jour verra de nouvelles retrouvailles, de nouveaux embrassement ; alors les habitants du temps jadis reviendront vers la terre, en chaque tombe se réveillera la cendre éteinte, partout brûleront à nouveau les flammes de la vie, le vieilles demeures seront rebâties, les temps anciens se renouvelleront et l’histoire sera le rêve d’un présent à l’étendue infinie”.

A bas la réaction internationale !

A bas l’impérialisme !

A bas le néocolonialisme !

A bas le fantochisme !

Gloire éternelle aux peuples qui luttent pour leur liberté !

Gloire éternelle aux peuples qui décident de s’assumer pour leur dignité !

Victoire éternelle aux peuples d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie qui luttent !

La Patrie ou la mort, nous vaincrons !

Je vous remercie.
Señor secretario general,

honorables representantes de la Comunidad internacional:

Vengo en estos lugares aportarle la salvación fraternal de un país de 274.000 km2; donde siete millones de niños, de mujeres y de hombres, se niegan en lo sucesivo a morir de ignorancia, de hambre, de sed, no logrando vivir verdaderamente desde un cuarto de siglo de existencia como Estado soberano, ocupando un escaño en la ONU.

Vengo a esta Treinta y nueve sesión a hablarle a usted en nombre de pueblo que, sobre la tierra de sus antepasados, escogió, desde ahora en adelante, confirmarse y de asumir su historia, en sus aspectos positivos, como en sus aspectos negativos, sin complejo alguno.

Vengo por fin, autorizado por el Consejo Nacional de la Revolución (CNR) de Burkina Faso, para expresar el punto de vista de mi pueblo sobre lo que concierne a los problemas inscritos en el orden del dia, y que constituyen la trama trágica de los acontecimientos que agrietan dolorosamente los fundamentos del mundo en estos finales del vigésimo siglo. Un mundo donde la humanidad se transformó en circo, desgarrada por las luchas entre los grandes y los semigrandes, batida por bandas armadas, sometida a la violencia y el pillaje. Un mundo donde naciones, sustrayéndose a la jurisdicción internacional, acosan a grupos persona fuera de la ley, donde se vive de rapiñas, y que organiza tráficos innobles, fusil en la mano.

Señor Presidente
No tengo aquí la pretensión de enunciar dogmas. No soy un mesías ni un profeta. No detengo ninguna verdad. Mi sola ambición es una aspiración doble: primero, poder, en lenguaje simple, el de la evidencia y de la claridad, hablar en nombre de mi pueblo, el pueblo de Burkina Faso; en segundo lugar, llegar a expresar también, a mi manera, la voz del ” Gran pueblo de los desheredados “, los que pertenecen a este mundo que maliciosamente se bautizó como Tercer Mundo. Y decir, si no logro darlos a entender, las razones que tenemos para rebelarnos.

De todo esto denota el interés a que nos referimos en la ONU, las exigencias de nuestros derechos que toman allí un vigor y el rigor de la conciencia clara de nuestros deberes.
Ninguno se asombrará de vernos asociar el ex Alto-Volta, hoy Burkina Faso, con este trastero despreciado, el Tercer Mundo, al que otro mundo inventó en el momento de las independencias formales, para asegurar mejor nuestra alienación cultural, económica y política. Queremos insertarnos en él sin justificar esta estafa gigantesca de la Historia. Todavía menos para aceptar ser ” el trasero del mundo de Occidente”. Pero para afirmar la conciencia de pertenecer a un conjunto tricontinental y admitir, como no alineados, y con la densidad de nuestras convicciones, que una solidaridad especial une estos tres continentes de Asia, de América Latina y de África en el mismo combate contra los mismos traficantes políticos, los mismos explotadores económicos.

Reconocer pues nuestra presencia en el seno del Tercer Mundo es, parafraseando a José Martí, “afirmar que sentimos sobre nuestra mejilla todo golpe dado a cualquier hombre del mundo”. Tendimos hasta aquí la otra mejilla. Las bofetadas redoblaron. Pero el corazón del malo no se ablandó. Pisotearon la verdad del justo. Del Cristo traicionaron la palabra. Transformaron su cruz en porra. Y después de que se hubieran vestido con su túnica, laceraron nuestros cuerpos y nuestras almas. Oscurecieron su mensaje. Lo que los occidentales tienen lo recibíamos como liberación universal. Entonces, nuestros ojos se abrieron a la lucha de las clases. No habrá más bofetadas.
Hay que proclamar que no puede haber salvación para nuestros pueblos, si radicalmente damos la espalda a todos los modelos que los charlatanes de la misma índole tratan de vendernos durante veinte años. Ningún desarrollo aparte de esta rotura.
 
De repente, ese mundo es despertado por la subida vertiginosa de mil millones de hombres andrajosos, es asustado por la amenaza que supone para su digestión esta multitud acosada por el hambre, comienza a remodelar sus discursos y, en una búsqueda ansiosa, busca una vez más nuestro lugar, conceptos-milagros, nuevas formas de desarrollo para nuestros países.

Basta para convencérselo de leer los numerosos actos de los coloquios innumerables y los seminarios.
Lejos de mí la idea de ridiculizar los esfuerzos pacientes de estos intelectuales honrados que, porque tienen ojos para ver, descubren las consecuencias terribles de los estragos impuestos por los susodichos “especialistas” en desarrollo en el Tercer Mundo. El temor que me habita es ver los resultados de tantas energías confiscadas por Prospéro de todo género, para hacerlo la varilla mágica destinada a reenviarnos un mundo de esclavitud maquillado según el gusto de nuestro tiempo.

La pequeña burguesía africana diplomada, si la del Tercer Mundo, por pereza intelectual, habiendo merendado al modo occidental de vida, no está dispuesta a renunciar a sus privilegios. Olvida que toda verdadera lucha política postula un debate teórico riguroso y niega el esfuerzo de reflexión que nos espera. Consumidora pasiva y lamentable, ella se rebosa de vocablos-fetiche por Occidente como lo hace su whisky y su champán, en sus salones a la armonía dudosa.
Rescatamos en vano los conceptos de negritud o de “African Personality” marcados ahora por los tiempos, las ideas verdaderamente nuevas nacidas cerebros de nuestros “grandes” intelectuales. El vocabulario y las ideas nos vienen por otra parte. Nuestros profesores, nuestros ingenieros y nuestros economistas se contentan con añadir a eso colorantes porque, universidades europeas devolvieron sólo sus diplomas y el terciopelo de los adjetivos superlativos.

Es necesario, es urgente que nuestro personal y nuestros trabajadores de la pluma se enteren que no hay escritura inocente. En estos tiempos de tempestades, no podemos dejar a nuestros enemigos de ayer y de hoy, el monopolio del pensamiento, de la imaginación y de la creatividad. Hace falta, antes de que sea demasiado tarde (porque ya es demasiado tarde) que estas élites, estos hombres de África, del Tercero Mundo, les vuelvan la cara a su sociedad, a la miseria que heredamos, para comprender no sólo que la batalla para un pensamiento al servicio de las masas desheredadas no es vana, sino que pueden volverse creíbles en el plano internacional. Realmente inventando, es decir, dando una imagen fiel de su pueblo. Una imagen que les permita realizar cambios profundos de la posición social y política, susceptibles de sacarnos de la dominación y de la explotación extranjeras que entregan nuestros Estados a la sola perspectiva de la quiebra.

Es lo que percibimos, nosotros, el pueblo burkinabè, en el curso de esta noche del 4 agosto de 1983, a los primeros centelleos de las estrellas en el cielo de nuestra Patria. Debíamos ponernos a la cabeza de levantamientos de campesinos que se miraban en los campos enloquecidos por la hijuela del desierto, agotadas por el hambre y la sed, abandonadas. Debíamos dar un sentido a las rebeliones gruñidoras de las masas urbanas ociosas, frustradas y cansadas de ver circular las limusinas de las élites enajenadas que se sucedían en la cabeza del Estado y que no les ofrecían nada más que las soluciones falsas pensadas y concebidas por otros cerebros. Debíamos dar peso ideológico a las luchas justas de nuestras masas populares, movilizadas contra el imperialismo monstruoso. A la rebelión pasajera, simple fuego de paja, debía sustituirse para siempre la revolución, la lucha eterna contra la dominación.
Otros han hablado antes que yo. Otros más, después de mí, dirán hasta qué punto se ensanchó el foso entre los pueblos pudientes y los que aspiran sólo a aplacar su hambre, su sed, sobrevivir y conservar su dignidad. Pero ninguno imaginará hasta qué punto “el grano del pobre alimentó la vaca del rico “.
 
En el caso del ex Alto Volta, el proceso era todavía más ejemplar. Éramos la condensación de todas las calamidades, que se derritieron sobre los países denominados “en vías de desarrollo “. El testimonio de la ayuda presentada como la panacea y a menudo anunciada a bombo y platillo es aquí más elocuente. Son muy pocos los países que fueron, como el mío, tan inundados de ayudasinternacionales de toda clase. Esta ayuda es en principio considerada para contribuir al desarrollo. Busquemos en vano, en lo que fue en otro tiempo Alto Volta, los monos de lo que puede depender de un desarrollo. Los hombres, sea por ingenuidad o por egoísmo de clase, no pudieron, no quisieron dominar este flujo del exterior. Cogieron todo lo que quisieron y exprimieron, en interés de nuestro pueblo.

Analizando un cuadro publicado en 1983 por el Club de Sahel, Santiago Giri en su obra ” Sahel Mañana “, concluye con mucho sentido común que la ayuda a Sahel, a causa de su contenido y mecanismos, es sólo una ayuda a la supervivencia. Sólo, subraya, el 30 por ciento de esta ayuda bastaría para que el Sahel sobreviviera. Según Santiago Giri, esta ayuda exterior tenía otros fines: continuar desarrollando los sectores improductivos, imponer cargas intolerables a nuestros pequeños presupuestos, desorganizar nuestros campos, cavar los déficit de nuestra balanza comercial, acelerar nuestra deuda…
Sólo algunos datos para presentarles el ex Alto Volta:
– 7 millones de habitantes, más de 6 millones campesinas y de campesinos.
– Un índice de mortalidad infantil de 180 pcada mil.
– Una esperanza de vida que se limita a 40 años.
– Un índice de analfabetismodel 98 porciento, si concebimos el alfabetizado como el que sabe leer, escribir y hablar una lengua.
– Un médico para cada 50.000 habitantes.
– Un índice de escolarización de 16 porciento.
– Y, por fin, un producto interior bruto por habitante de 53.356 francos CFA, es decir, de apenas más 100 dólares.
El diagnóstico, evidentemente, era sombrío. La fuente del mal era la política. Por eso, el tratamiento sólo podía ser político.

Por cierto, animamos a que nos ayuden a evolucionar sin ayuda externa. Porque, en general, la política de asistencia sólo nos llega para desorganizarnos, esclavizarnos, desestabilizar nuestro espacio económico, político y cultural.
Escogemos arriesgarnos para ser más felices. Elegimos practicar nuevas técnicas.
Preferimos buscar formas de organización mejor adaptadas a nuestra civilización, rechazando de manera abrupta y definitiva toda suerte de imposiciones externas, para crear condiciones dignas, a la altura de nuestras ambiciones. Acabar con la supervivencia, aflojar las presiones, liberar nuestros campos de un inmovilismo medieval, democratizar nuestra sociedad, despertar los espíritus sobre un universo de responsabilidad colectiva, para atreverse a inventar el futuro. Reconstruir la administración cambiando la imagen del funcionario, sumergir nuestro ejército en el pueblo y recordarle sin cesar que sin formación patriótica, un militar es sólo un criminal en potencia. Ése es nuestro programa político.

En el plano de la gestión económica, simplemente hemos damos una lección. Aceptamos e imponemos la austeridad, con el fin de poder estar en condiciones de realizar grandes intenciones.
Ya, gracias al ejemplo de la Caja de solidaridad nacional (alimentada por contribuciones voluntarias) comenzamos a responder a las cuestiones crueles derivadas de la sequía. Sostuvimos y aplicamos los principios de Alma-Ata extendiendo los cuidados primarios de la salud. Hicimos nuestra, como política de Estado, la estrategia del GOBI FFF, preconizada por UNICEF.
 
A través del Oficio de Sahel de Unidas las Naciones, pensamos que las Naciones Unidas deberían permitir a los países afectados por la sequía la puesta en pie de un plan a medio y largo plazo, con el fin de alcanzar la autosuficiencia alimenticia.

Para preparar el siglo XXI, vamos a aplicar el programa especial “Instruyamos a nuestros niños”, lanzando un programa inmenso de educación y formación de nuestros niños en una escuela nueva. Lanzamos, a través de la acción salvadora de los Comités de Defensa de la Revolución, un vasto programa de construcción de viviendas sociales, 500 en tres meses, de caminos, de pequeñas conducciones de agua. Nuestra ambición económica es trabajar para que el cerebro y los brazos de cada burkinabè puedan por lo menos servir para él mismo y asegurarse, al menos, dos comidas al día y agua potable.
Juramos, proclamamos, que en lo sucesivo, en Burkina Faso, nada más se hará sin la participación del burkinabè. Nada que previamente hubiera sido decidido por nosotros. No habrá más atentados a nuestro pudor ni a nuestra dignidad.
Fuertes de esta certeza, querríamos que nuestra palabra se extendiera a todos los que sufren en sus carnes, los que sienten que una minoría de hombres o un sistema que les atrpella y aplasta se burlan de su dignidad de hombre.
Permítame, usted que me escucha, que lo diga: hablo ni siquiera en nombre de Burkina Faso, sino en nombre de todos los que sufren dolor en alguna parte.

Hablo en nombre de estos millones de seres que están en los guetos porque tienen la piel negra o porque son de cultura diferente y gozan de un estatuto apenas superior al del animal.

Sufro en nombre de los indios masacrados, atropellados, aplastados, humillados y confinados desde hace siglos en reservas, con el fin de que no aspiren a ningún derecho y el fin de que su cultura no pueda enriquecerse casándose en bodas felices en contacto con otras culturas, incluida la del invasor.

Exclamo en nombre de los parados de un sistema estructuralmente injusto y conyunturalmente descentrado, reducidos a ver pasar la vida sólo en el reflejo de cómo viven los más pudientes.

Hablo en nombre de las mujeres del mundo entero, que sufren un sistema impuesto por los varones. Para lo que nos concierne, estamos dispuestos a acoger todas las sugerencias del mundo entero, alcanzaremos la libertad total de la mujer burkinabè. A cambio, escúchenme todos los países, creemos en la experiencia positiva de contar con las mujeres en todos los escalones del aparato del Estado y de la vida social en Burkina Faso. Mujeres que luchan y proclaman con nosotros, que el esclavo que no es capaz de asumir su rebelión no merece que nadie se apiade de su suerte. Sólo la lucha libera. Hacemos un llamamiento a todas nuestras hermanas de todas las razas para que se lancen al asalto de la conquista de sus derechos.
Hablo en nombre de las madres de nuestros países desprovistos, que ven morir sus niños de malaria o de diarrea, ignorando que existen, para salvarles, unos medios simples que la ciencia de las multinacionales no les ofrece, prefiriendo invertir en los laboratorios de cosméticos y en la cirugía estética para los caprichos de algunas mujeres o de hombres, cuya coquetería es amenazada por los excesos de calorías de sus comidas demasiado ricas que a nosotros, los del Sahel, dos producen vértigo. Recomendamos seguir las medidas básicas contempladas en los informes de la OMS y el UNICEF. Decidimos adoptarlos y popularizarlos.

Hablo también en nombre del niño. El niño del pobre, que tiene hambre y que bizquea furtivamente hacia la abundancia amontonada en una tienda para ricos. La tienda protegida por un cristal espeso. El cristal defendido por una verja infranqueable. Y la verja guardada por un policía enguantado y armado de garrote. Este policía, colocado allí por el padre de otro niño que vendrá para servirse o más bien para hacerse servir.

Hablo en nombre de los artistas (poetas, pintores, escultores, músicos, actores), hombres de bien, que ven su arte prostituirse para la alquimia de las prestidigitaciones de mundo del espectáculo.

Grito en nombre de los periodistas que son reducidos al silencio, o sea a la mentira para no sufrir las leyes duras del paro.

Protesto en nombre de los deportistas del mundo entero, cuyos músculos son explotados por los sistemas políticos o los negociantes modernos de la esclavitud.

Mi país posee concentradas todas las desgracias de los pueblos. Es una síntesis dolorosa de todos los sufrimientos de la Humanidad, pero también, y sobre todo, concentra las esperanzas de nuestras luchas. Es por eso que naturalmente vibro en nombre de los enfermos que escudriñan con ansiedad el horizonte de una ciencia acaparada ahora por los vendedores de armas. Mis pensamientos van a todos los que son tocados por la destrucción de la naturaleza y a estos treinta millones de hombres que van a morir como cada año, derrotados por el arma temible del hambre.

Militar, no puedo olvidar a este soldado que obedece las órdenes, el dedo sobre el descanso, y que sabe que la pelota que va a irse lleva sólo el mensaje de la muerte.
Por fin, quiero indignarme y pensar en los palestinos, que una humanidad inhumana escogió sustituir por otro pueblo, ayer todavía martirizado. Pienso en este pueblo valiente y palestino, es decir en estas familias atomizadas que vagan por todas partes en busca de un asilo. Valientes, determinados, estoicos e infatigables, los palestinos recuerdan a cada conciencia humana la necesidad y la obligación moral de que se respeten los derechos de pueblo: con sus hermanos judíos, son antisionistas.

Al lado de mis hermanos soldados de Iran y de Iraq, que mueren en una guerra fratricida y suicida, también quiero sentirme próximo a los compañeros de Nicaragua cuyos puertos son minados, sus ciudades bombardeadas y que, a pesar de todo, se enfrentan con coraje y lucidez a su destino. Sufro con todos los que, en América Latina, sufren del embargo imperialista.
Quiero estar al lado de los pueblos afganos e irlandeses, al lado de los pueblos de Granada y de Timor Oriental, cada uno en busca de una felicidad dictada por la dignidad y las leyes de su cultura.

Me elevo aquí en nombre de todo los que buscan vanamente dejar oír su voz y que realmente hacerlo signifique que los tengan en cuenta. Sobre esta tribuna muchos me precedieron, otros vendrán después de mí. Pero sólo algunos pocos tomarán decisiones. Sin embargo, oficialmente somos iguales. Pues bien, yo me erijo como la voz de todos los que buscan vanamente su lugar en este foro para que se les oiga.
Nuestra revolución en Burkina Faso está abierta a las desgracias de todos los pueblos. Se inspira también en todas las experiencias de los hombres, desde el primer soplo de la Humanidad. Queremos ser los herederos de todas las revoluciones del mundo, de todas las luchas de liberación de los pueblos del Tercer Mundo. Estamos en la línea de los grandes cambios que transformaron el mundo. Sacamos fruto de la revolución americana, las lecciones de su victoria contra la dominación colonial y las consecuencias de esta victoria. Hacemos nuestra la afirmación de la doctrina de la no injerencia de los europeos en los asuntos americanos y los estadounidenses en los asuntos europeos. Lo que Monroe clamaba en 1823, « América para los estadounidenses », le repetimos diciendo « África para los africanos », « Burkina para los burkinabè ». La Revolución francesa de 1789, revolviendo los fundamentos del absolutismo, nos enseñó los derechos del hombre aliados a los derechos de los pueblos a la libertad. La gran revolución de octubre de 1917 transformó el mundo, permitió la victoria del proletariado, quebrantó los cimientos del capitalismo y la devoluvió los sueños de justicia a los franceses.
 
Abiertos a todos los vientos de la voluntad de los pueblos y de sus revoluciones, instruyéndonos también de ciertos fracasos terribles que condujeron a trágicas consecuencias contra los derechos del hombre, queremos conservar lo bueno de cada revolución: que el tuétano de la pureza nos prohíba enfeudarnos en las realidades de otros.

Señor Presidente,
No hay más engaño posible. El nuevo orden económico mundial por el cual luchamos y continuaremos luchando, puede realizarse sólo:
– Si llegamos a arruinar al antiguo orden que nos ignora,
– Si imponemos el sitio que nos corresponde en la organización política del mundo,
– Si, dándose cuenta de nuestra importancia en el mundo, obtenemos un derecho de mirada y de decisión sobre los mecanismos que rigen el comercio, la economía y la moneda a la escala planetaria.

El nuevo orden económico internacional se inscribe simplemente, al lado de todos los demás derechos de los pueblos, como el derecho a la independencia, a la elección libre de las formas y de las estructuras de gobierno, como el derecho al desarrollo. Y como todos los derechos de los pueblos jamás será el resultado de un acto de la generosidad de una potencia cualquiera.

Conservo en mí la confianza inquebrantable, la confianza compartida con la comunidad inmensa de los países no alineados, que ante los ataques bruscos y violentos del desamparo aullador de nuestros pueblos, nuestro grupo va a mantener su cohesión, a reforzar su poder de negociación colectiva, a establecer alianzas entre las naciones para organizar un sistema de relaciones económicas internacionales verdaderamente nuevas.

Señor Presidente,
Si acepté presentarme delante de esta asamblea ilustre para tomar la palabra, es porque, a pesar de las críticas enviadas por ciertas grandes contributeurs, las Naciones Unidas son la tribuna ideal para nuestras reivindicaciones, el lugar obligado para reclamar la legitimidad de los países sin voz.
Es esto lo que expresa nuestro Secretario general, cuando escribe:

“La organización de las Naciones Unidas es única en lo que refleja las aspiraciones y las frustraciones de numerosos países y gobiernos del mundo entero. Uno de sus grandes méritos es que todas las Naciones, incluidas las que son débiles, oprimidas o víctimas de la injusticia, (se trata de nosotros), pueden, hasta cuando están confrontadas con las realidades duras del poder, encontrar allí una tribuna y hacerse oír allí. Una causa justa, aunque encuentra sólo revés o indiferencia, puede encontrar un eco en la Organización de las Naciones Unidas; este atributo de la Organización no siempre es apreciado, pero es esencial”.

No podemos definir mejor el sentido de la Organización.
Para cada uno de nosotros, es imperativo consolidar los cimientos de nuestra Organización, darle los medios para que pueda actuar. Adoptamos en consecuencia las proposiciones cumbres a este fin por el Secretario general, para sacar la Organización de los numerosos callejones sin salida, cuidadosamente mantenidos por el juego de las grandes potencias, con el fin de desacreditarla ante los ojos de la opinión pública.

Señor Presidente,
Reconociendo los méritos mismos limitados de nuestra Organización, sólo puedo regocijarme por verla contar con nuevas adhesiones. Es por eso que la delegación burkinabè saluda la entrada del 159 Miembro de nuestra Organización: el Estado de Brunei Darussalam.

Es el desatino de de las manos que han regido la dirección del mundo obliga al Movimiento de los países no alineados, al cual lo espero, se sumará pronto el Estado de Brunei Darussalam. Consideramos como uno de los objetivos permanentes la lucha para conseguir el desarme y, otro aspecto esencial, nuestro derecho al desarrollo.
 
Hace falta, según nuestra opinión, estudios serios que tomen en consideración todos los elementos que condujeron a las calamidades que se vertieron sobre la gente. A este título, el Presidente Fidel Castro en 1979, admirablemente expresó nuestro punto de vista en la apertura de la sexta cumbre de los Países no alineados cuando declaraba:

“Con 300 mil millones de dólares, podríamos construir en un año 600.000 escuelas que podrían recibir a 400 millones de niños; o 60 millones de viviendas confortables para 300 millones de personas; ó 30.000 hospitales equipados con 18 millones de las camas; o 20.000 fábricas que pueden emplear más de 20 millones de trabajadores o irrigar 150 millones de hectáreas de tierra que, con los medios técnicos adecuados, podrían alimentar a un mil millones de personas … “
Multiplicando hoy esta cifra por 10, ciertemente por debajo de la realidad, justamente coincide con lo que la Humanidad despilfarra cada año en el dominio militar, es decir, contra la paz.

Percibimos fácilmente por qué la indignación de los pueblos se transforma rápidamente en rebelión y en revolución contra las migajas que se les echa bajo la forma ignominiosa de una cierta “ayuda”, combinada por condiciones a veces francamente abyectas. Comprendemos por fin por qué en el combate para el desarrollo, nos designamos como militantes incansables de la paz.

Juramos luchar para atenuar las tensiones, introducir los principios de una vida civilizada en las relaciones internacionales y extenderlos en todos los continentes. Lo que quiere decir que no podemos asistir pasivos, al tráfico de conceptos.

Reiteramos nuestra resolución de ser agentes activos de la paz; de ocupar nuestra plaza en el combate por el desarme; de actuar por fin en la política internacional como el factor decisivo y liberado de toda traba, frente de todas las grandes potencias, cualesquiera que sean los proyectos de éstas últimas.

Pero la búsqueda de la paz es posible con la aplicación firme del derecho de los países a la independencia, los pueblos a la libertad y las naciones a la existencia autónoma. Sobre este punto, la lista de premios más lamentable y más lamentable sí, más lamentable la tienen en Oriente Medio en términos de arrogancia, de insolencia y de terquedad increíble por un pequeño país, Israel, que, después de más de veinte años, con incalificable complicidad de su protector poderoso los Estados Unidos, continúan desafiando a la comunidad internacional.
Con desprecio a la historia que ayer todavía enviaba a cada judío al horror de los hornos crematorios, Israel logra infligir a otros esto que fue su propio calvario. De todas formas, Israel del que nos gusta el pueblo por su coraje y sus sacrificios de ayer, debe saber que las condiciones de su propia paz mental no residen en la potencia militar financiada del exterior. Israel debe comenzar a aprender a hacerse una nación como otras.

Por ahora, queremos afirmar desde lo alto de esta tribuna, nuestra solidaridad militante y activa con respecto a los combatientes, a mujeres y hombres, de este pueblo maravilloso de Palestina porque sabemos que no hay sufrimiento infinito.
Señor, el Presidente,

Analizando la situación que prevale en África sobre los planos económicos y políticos, no podemos olvidar las preocupaciones graves frente a los desafíos peligrosos lanzados a los derechos de los pueblos por ciertas naciones que, seguras de sus alianzas, abiertamente se burlan de la moral internacional.

Por cierto, tenemos el derecho a regocijarnos de la decisión de retirada de las tropas extranjeras del Chad, con el fin de que chadianos entre ellos, sin intermediarios, busquen los medios de poner fin a esta guerra fratricida, y dar por fin a este pueblo que no acaba de llorar desde numerosas invernadas, los medios para secar sus lágrimas. Pero, a pesar de los progresos registrados acá y allí por los pueblos africanos en su lucha por la emancipación económica, nuestro continente continúa reflejando la realidad esencial de las contradicciones entre las grandes potencias, acarreando los insoportables pesos del mundo contemporáneo.
Es por eso que tenemos por inadmisible y condenamos sin recurso, la suerte que infringe al pueblo de Sáhara Occidental el Reino de Marruecos, que se entrega a métodos dilatorios para retrasar el vencimiento que, de todo modo, le será impuesto por la voluntad del pueblo saharaui. Después de haber visitado personalmente las regiones liberadas por el pueblo saharaui, adquirí la confirmación que nada más en lo sucesivo sabría trabar su marcha hacia la liberación total de su país, bajo la conducta del la Frente Polisario.

Señor Presidente,
No querría extenderme demasiado sobre la cuestión de Mayotte y de las islas del Archipiélago malgache. Cuando las cosas son claras, cuando los principios son evidentes, sólo hay que trabajar.El Mayotte pertenece a las Comores. Las islas del archipiélago son malgaches.

En América Latina, saludamos la iniciativa del Grupo de Contadora, que constituye una etapa positiva en la búsqueda de una solución justa a la situación explosiva que prevalece allí. El comandante Daniel Ortega, en nombre del pueblo revolucionario de Nicaragua, hizo aquí proposiciones concretas y planteó las cuestiones de fondo al que tienen derecho. Esperamos ver la paz instalarse en su país y en América Central el próximo 15 de octubre. Tomamos por testigo a la opinión pública mundial.

Lo mismo que condenamos la agresión extraña de la isla de Granada, también fustigamos todas las intervenciones extrañas. Tampoco podemos callarnos frente a la intervención militar en Afganistán.

Es sin embargo un punto, pero la gravedad exige a cada uno de nosotros su explicación franca y decisiva. Esta cuestión, usted lo sospecha, puede sólo ser la de África del Sur. La insolencia increíble de este país con respecto a todas las naciones del mundo, hasta enfrente de las que sostienen el terrorismo que erige en sistema para liquidar físicamente la mayoría negra de este país, el desprecio que adopta con respecto a todas nuestras resoluciones, constituyen una de las preocupaciones más oprimentes del mundo contemporáneo.
Pero lo más trágico no es que África del Sur misma se haya puesto en contra a la comunidad internacional a causa de la abyección de las leyes del apartheid, todavía más lo es lo que continúa vigente ilegalmente en Namibia bajo la bota colonialista y racista, o sometiendo impunemente a sus vecinos a las leyes del bandolerismo. No, lo más abyecto, lo más humillante para la conciencia humana, es que haya llegado a “hacer trivial” la desgracia de millones de seres humanos que sólo tienen para defenderse su pecho y el heroísmo de sus manos desnudas. Segura de la complicidad de las grandes potencias y del empeño activo de algunas de ellas a su lado, así como de la colaboración criminal de algunos tristes dirigentes de países africanos, la minoría blanca ridiculiza los estados de alma de todos los pueblos, que, por todas partes a través del mundo encuentran intolerable el salvajismo de los métodos en uso en este país.

Fue el tiempo cuando las brigadas internacionales se constituían para ir a defender el honor de las naciones agredidas en su dignidad. Hoy, a pesar de la purulencia de las heridas que nosotros todos nos llevamos en nuestros costados, vamos a votar resoluciones sobre las que las solas virtudes, se nos dirá, serían conducir a arrepentimiento a una nación de corsarios que ” destruye la sonrisa como el granizo las flores “.

Señor Presidente,
Vamos pronto a celebrar ciento quincuagésimo aniversario de la emancipación de los esclavos del Imperio británico. Mi delegación suscribe la proposición de los países de Antigua y del Barbados de conmemorar este acontecimiento que reviste, para los países africanos y el mundo negro, un significado de una gran importancia. Para nosotros, todo lo que podrá ser hecho, ser dicho u organizado a través de la gente en el curso de las ceremonias conmemorativas, deberá poner el énfasis en el precio terrible pagado por África y la gente negra al desarrollo de la civilización humana. Escote pagado sin retorno y que explica, sin duda alguna, las razones de la tragedia que hoy se cierne sobre nuestro continente.
Es nuestra sangre se alimentó el vuelo del capitalismo, la devolución posible nuestra dependencia presente y se consolidó nuestro subdesarrollo. No podemos más escamotear la verdad, traficar con las cifras. Por cada negro que llegó a las plantaciones, cinco por lo menos conocieron a la muerte o la mutilación. Y omito a propósito, la desorganización del continente y las secuelas que se lo siguieron.

Señor Presidente,
Si la tierra entera, a gracias a usted, con la ayuda del Secretario general, alcanza con ocasión de este aniversario que hay que convencerse de aquella verdad, comprenderá por qué, con toda la tensión de nuestro ser, queremos la paz entre las naciones, por qué exigimos y reclamamos nuestro derecho al desarrollo en la igualdad absoluta, por una organización y una repartición justa de los recursos humanos.

Es porque, de todas las razas humanas, pertenecemos a las que más sufrieron, que juramos, nosotros los burkinabè, no aceptar nunca más la menor parcela de esta tierra, la omisión de justicia. Es la memoria del sufrimiento que nos coloca al lado del OLP contra las fuerzas armadas de Israel. Es la memoria del sufrimiento que, de una parte, nos hace sostener el ACN y el SWAPO, y por otra parte, nos hace intolerable la presencia en África del Sur de los hombres que se dicen blancos y que queman al resto del mundo sólo esgrimiendo ese título. Es por fin esta memoria la que nos hace depositar en la Organización de las Naciones Unidas toda nuestra fe en un deber común, en tarea común para una esperanza común.

Reclamamos:
– Que se intensifique a través del mundo la liberación de Nelson Mandela y su presencia efectiva en la Junta general próximo de la ONU como una victoria de orgullo colectivo.
– Qué sea creado como recuerdo de nuestros sufrimientos y a título de perdón colectivo un Precio internacional de la Humanidad reconciliada, concedido a todos los que por su búsqueda habrían contribuido a la defensa de los derechos del hombre.
– Qué todos los presupuestos de bla carrera espacial sean amputados por 1/10000E Y consagrados a búsqueda del dominio de la salud, que apunta a la reconstitución del medio ambiente humano perturbado por todos estos fuegos de artificios perjudiciales para el ecosistema.
También proponemos que las estructuras de las Naciones Unidas sean repensadas y para que se dé fin a este escándalo que constituye el derecho de veto. Por supuesto, los efectos depravados de su uso abusivo son atenuados por la vigilancia de algunos de sus poseedores. Sin embargo, nada justifica este derecho: ni la talla de los países que lo detentan, ni las riquezas de estos últimos.

Si el argumento desarrollado para justificar tal iniquidad es el precio pagado en el curso de la guerra mundial, estas naciones, que se arrogaron estos derechos, deben saber que nosotros también nos tenemos cada uno un tío o un padre que, a ejemplo de millares de otros inocentes arrancados al Tercer Mundo para defender los derechos burlados por las hordas hitlerianas, lleva él también en su carne las magulladuras de las pelotas nazis. Que cese pues la arrogancia de los grandes que no pierden ninguna ocasión para devolver en causa el derecho de los pueblos. La ausencia de África del Club de los que detentan el derecho de veto es una injusticia que debe acabar.

Por fin mi delegación no habría cumplido todos sus deberes si no exigiera la suspensión de Israel y África del Sur de nuestra organización. Cuando, con el paso del tiempo, estos países hayan operado la mudanza que los introducirá en la Comunidad internacional, cada uno de nosotros, y mi país en cabeza, deberá acogerlos con bondad, guiar su primer paso.
Queremos reafirmar nuestra confianza en la Organización de las Naciones Unidas. Le somos agradecidos del trabajo desarrollado por sus agencias en Burkina Faso y de la presencia de estas últimas a nuestro lado en los momentos duros que atravesamos.
Somos agradecidos a los miembros del Consejo de Seguridad por habernos permitido presidir dos veces este año los trabajos del Consejo. Deseamos ver al Consejo admitir solamente el exterminio de 30 millones de seres humanos cada año, por el arma del hambre que, en nuestros días, hace más estragos que el arma nuclear.

Esta confianza y esta fe en la Organización me obligan a agradecer al Secretario general, Sr. Xavier Pérez de Cuellar, la visita tan apreciada que nos hizo para comprobar, en el mismo sitio, las realidades duras de nuestra existencia y hacerse una imagen fiel de la aridez del Sahel y la tragedia del desierto conquistador.

No sabré acabar sin rendir homenaje a las calidades eminentes de nuestro Presidente (Pablo Lusaka de Zambia) que sabrá, con la clarividencia que le conocemos, dirigir los trabajos de esta Treinta y nueve sesión.

Señor Presidente,
Recorrí millares de kilómetros. Vine para pedirle a cada uno de ustedes que pudiéramos poner juntos nuestros esfuerzos para que cese el depósito de cadáveres de la gente que no tiene razón, para que se borre el espectáculo triste de los niños que mueren de hambre, para que desaparezca la ignorancia, para que triunfe la rebelión legítima pueblos, para que se calle el ruido de las armas y que, por fin, con una sola y misma voluntad, luchemos por la Supervivencia De la Humanidad, y lleguemos cantar en coro al gran poeta Novalis:

“Pronto los astros volverán a visitar la tierra de donde se alejaron durante nuestros tiempos oscuros; el sol depositará su espectro severo, volverá a ser estrella entre las estrellas, todas las razas del mundo se reunirán de nuevo, después de una separación larga, las familias viejas huérfanas se reencontrarán y cada día verá nuevos reencuentros, nuevos abrazo; entonces los habitantes del tiempo antaño volverán hacia la tierra, en cada tumba se despertará la ceniza apagada, por todas partes quemarán de nuevo las llamas de la vida, moradas viejas serán reconstruidas, los tiempos remotos se renovarán y la historia será el sueño de un obsequio a la extensión infinita “.

¡ La Patria o la muerte, venceremos!


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