L'Italia
Mercanti di LiquoreVersion française – L'ITALIE – Marco Valdo M.I. – 2008 | |
L'ITALIE « Quand je l'ai connue l'Italie était déjà femme De constitution robuste, forte et saine Plus que travailler, je dirais qu'elle s'agitait, Et comme elle était grasse, elle suait… » « Deux bêtes dans l'étable et une chorale de poules, Qu'on calmait en les serrant par le cou. Pour nous faire fête, l'Italie s'inventait Des histoires fabuleuses, tirées d'on ne sait où… » « Si tu l’emmenais faire un tour, l'Italie en maillot rose, Montait à l'arrière en voiture car elle était bienséante… Moitié du siège à elle, et moitié à nous ses frères, Pas vraiment de Mameli, cependant assez seyants… » « Quand elle allait dîner dehors, elle dévorait, après quoi On pouvait se regarder dans le plat, Et le ventre plein, brusquement elle se levait, Faisait une révérence, notre Italie et ensuite, dansait. Nous là, muets et fascinés par le rythme de ses pas. Elle dansait vraiment bien comme souvent font les gras, Dans le tourbillon, notre Italie haletait et se démenait Parfois, tombait mais toujours, elle se relevait » « Lorsque je l'ai connue, nous étions compatriotes, Elle puait de misère et avait des manières étranges Avec cette grosse voix et un rire du tonnerre, Contente de vivre, en plus de survivre À la guerre d'après-guerre et la guerre d'après encore Une nature de putain en habit de nonne, Maîtresse ès ruses et un peu girouette Mais respectueuse d'autrui, plus tendre et plus humaine. Elle avait les yeux ardents et une belle gestuelle, Le sein ample, l'allure familiale, Un corps très gauche un peu hors mesure Contenu avec peine par des points de suture, Encore belle pourtant, magnifique et attrayante, D'une beauté impudique et parfois indécente, Encline et bien disposée aux vices du plaisir, l'Italie savait même jouir… » « Avec les ans, nous nous sommes perdus de vue, Je lui écrivis nombre de fois mais sans jamais de réponse. On me dit qu'elle s'était mise dans des affaires étranges Et qu'elle s'entourait de voleurs et de crapules… Puis hier, je l'ai rencontrée dans un supermarché, Mon Italie avec son chariot au rayon des surgelés, Tellement amaigrie qu'elle paraissait une autre, Avec ses pommettes refaites et sa frange courte » « J'aurais voulu lui dire que j'avais la nostalgie Des temps où je jouissais de sa compagnie, En somme, que je la trouvais belle, séduisante vraiment Et que même lointain, j'étais toujours son parent » « Elle m'a regardé comme on regarde les enfants, Elle m'a demandé si je savais où étaient les purées, En me voyant perplexe, elle s'est retournée brusquement Et en un rien de temps, l'Italie s'en est allée… » « Italie, mon amour ancienne, tu as perdu ta gaîté Et tu ne te souviens même pas de la vieille courtoisie, Et même si j'admets que j'ai mal vieilli, Que diable, tu pourrais au moins me saluer ! Pourtant malgré tout, je t'aime encore Quelque chose de moi t'appartient encore, Il te plaît de faire la salope et de me désespérer, Mais je sais qu'un jour ou l'autre, je te reverrai danser » la la la la la la la la la la la la … | L'Italie Quand je l'ai connue, l'Italie était déjà une femme de constitution robuste et saine et plus que travailler, je dirais qu'elle se mettait en peine, puis comme elle était grasse, madonna elle suait... Dans l'étable, deux bêtes et un chœur de poules à qui couper la tête pour se donner du bien, pour se faire une fête, l'Italie s'inventait des histoires fabuleuses, qui sait comment elle faisait... Si on l'emmenait faire un tour, l'Italie maillot rose montait à l'arrière de la voiture car elle était respectueuse... Moitié de siège pour elle et moitié pour nous autres ses frères, pas exactement de Mameli1, mais quand même suffisamment beaux. Quand elle allait dîner dehors, elle mangeait tout ensuite, on pouvait se mirer dans son assiette, et la panse pleine, d'un coup, elle se levait, elle faisait une belle révérence, l'Italie, et puis, elle dansait... Nous muets et fascinés par le rythme de ses pas, elle dansait vraiment bien comme font souvent les gras. L'Italie dans ses virevoltes haletait et forçait, elle semblait tomber mais elle se relevait. Quand je l'ai connue, nous étions compatriotes, elle puait la misère et avait d'étranges manières avec sa grosse voix forte et son ton rieur, contente car elle vivait, car elle survivait encore à guerre, après-guerre, guerre d'après encore, avec son caractère de putain et ses habits de sœur, maîtresse en fourberie et un peu girouette, mais vis-à-vis des autres, très tendre et très humaine. Elle avait de beaux gestes et des yeux ardents un air familier, le sein proéminent, un corps très maladroit, un peu hors mesure, tenu tout ensemble par des points de suture, pourtant elle était belle encore, magnifique et attirante, une beauté impudique et parfois inconvenante, portée et disposée aux vices du plaisir, l'Italie savait encore jouir... Avec les ans, nous nous sommes perdus de vue, je lui écrivis nombre de fois, mais sans réponse. On me dit qu'elle s'était mise dans certaines affaires étranges avec des voleurs et des voyous... Puis, hier, je l'ai rencontrée dans un supermarché, l'Italie avec sa charrette au rayon des surgelés, tellement maigrie qu'elle me paraissait être une autre fille, avec ses pommettes refaites et sa petite frange courte. J'aurais voulu lui dire que j'avais la nostalgie des temps où je jouissais de sa compagnie; que je la trouvais belle, en somme, séduisante, vraiment et que même lointain, j'étais pourtant son parent. Elle m'a regardé comme on regarde les enfants, elle m'a demandé si je savais où étaient les gressins; me voyant perplexe, elle s'est retournée soudain, et dans l'instant, mon Italie s'en est allée... Italie, mon ancienne aimée, tu as perdu ton allégresse et peut-être ne te souviens-tu plus de l'ancienne courtoisie et même si je l'admets, j'en suis resté confus, que diable, au moins tu pouvais saluer ! Pourtant, malgré tout, je t'aime encore, quelque chose de moi-même t'appartient. Il te plaît de faire la pécore et de me faire désespérer, mais je sais qu'un jour ou l'autre, je te reverrai danser. la la la la la la la la la la la la la la... |