Le déserteur
Boris VianOriginale | LATINO / LATIN -Riccardo Venturi |
LE DÉSERTEUR | MILITIAE PERFUGA In Latinum sermonem vertit a Gallica lingua Richardus Venturi die XXIV mensis Augusti a.d.MMV p.Chr.n. |
Monsieur le Président, Je vous fais une lettre Que vous lirez, peut-être, Si vous avez le temps. Je viens de recevoir Mes papiers militaires Pour partir à la guerre Avant mercredi soir. Monsieur le Président, Je ne veux pas la faire! Je ne suis pas sur terre Pour tuer des pauvres gens... C'est pas pour vous fâcher, Il faut que je vous dise: Ma décision est prise, Je m'en vais déserter. | Domine, Rei Publicae dux! Tibi epistulam scribo quam leges, vel non leges si tibi tempus est. Vix mihi mandatum est, mihique est persequendum ut mererem stipendium: nunc militandum est! Domine, Rei Publicae dux, sed militare nolo! Ad homines caedendos certe natus non sum. Ne suscensueris, sed tibi hoc dicere volo, iam cepi meum consilium: militiam perfugiam. |
Depuis que je suis né J'ai vu mourir mon père, J'ai vu partir mes frères Et pleurer mes enfants; Ma mère a tant souffert, Elle est dedans sa tombe Et se moque des bombes Et se moque des vers. Quand j'étais prisonnier On m'a volé ma femme, On m'a volé mon âme Et tout mon cher passé... Demain de bon matin Je fermerai ma porte. Au nez des années mortes J'irai sur les chemins. | Et post natales meos patrem mortuum vidi, et fratres, qui abiere, flentes domi pueros. Tam multa passa est mater; nunc in sepulcro irridet tela et arma, vermes nihil ei sunt. Captivus cum essem mulier mihi est abrepta, anima mihi est abacta totaque vita mea. Quar’ multo mane cras domi ostium percludam ad praeteritos annos, iterque inibo meum. |
Je mendierai ma vie Sur les routes de France, De Bretagne en Provence Et je dirai aux gens: Refusez d'obéir! Refusez de la faire! N'allez pas à la guerre, Refusez de partir. S'il faut donner son sang, Allez donner le vôtre! Vous êtes bon apôtre, Monsieur le Président... Si vous me poursuivez, Prévenez vos gendarmes Que je n'aurai pas d'armes Et qu'ils pourront tirer. | Panem mendico nunc pererrans totam Galliam, Armoricam, Arverniam hoc clamans omnibus: Oboedienda non sunt mandata, nec servanda! Militia est deneganda, bellum opprobrium est. Cruor si effunditur, Domine, effunde tuum! O dux Rei Publicae, animo simulator! Cum persecutus sim mandate praetorianis ut telis me perfoderent, telum mihi non erit. |