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Le déserteur

Boris Vian
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MONSIEUR LE PERCEPTEUR
LETTRE AU MIRACULÉ DE LA RÉPUBLIQUEMONSIEUR LE PERCEPTEUR
Monsieur Chevènement, je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être, si vous avez le temps
Voici en commençant, mes voeux les plus sincères
Pour gagner votre guerre en bon convalescent.
Vous êtes le miraculé, essayez donc le doute
Changez un peu de route, envers les sans-papiers.
C'est pas pour vous fâcher, il faut que je vous dise
Que ce dossier s'enlise faute d'humanité.
Monsieur le percepteur
Scusez-moi si j'ose
Par la présente prose
Vous décrire mon malheur
Je viens de recevoir
Vos fameux formulaires
D'impôts sur les salaires
à payer sans retard
Monsieur le percepteur
C'est pas que je m'y oppose
Mais ma vie n'est pas rose
Et dans ma soupe, y a pas de beurre
J'voudrais pas vous fâcher
Mais maintenant faudrait que je vous dise
Chuis tellement dans la mouise
Que je peux pas payer
Je suis venu chez vous, six années en arrière
Contraint par la misère qui sévissait chez nous
J'étais plein d'espérances, j'écoutais mon grand-père,
Qui avait fait la guerre, pour libérer la France.
J'ai fait plusieurs boulots, payés au lance-pierres
A l'usine, à la terre, j'ai connu bien des maux
Mais je gardais au coeur, tout au long des jours sombres
Et des pépins sans nombre, l'espoir des jours meilleurs.
Depuis quelques années
Votre brigade rôde
Pour trouver une fraude
Des sous non déclarés
Ces gens-là devraient voir
Que je n'ai pas d'usine
Caché dans ma cuisine
Ni d'avion dans le placard
J'suis qu'un pauvre paysan
Mes dix hectares de terre
J'les mâche avec ma mère
Et ben y a pas de pétrole dedans
Alors je vous préviens
Si un beau jour je craque
Ben j'fermerai la baraque
Et puis la Suisse, ben c'est pas loin
Puis, j'ai appris un jour que ma terre d'asile
Rendrait bien plus facile un titre de séjour
Qu'il suffisait d'aller dans une préfecture
Avec des preuves sûres et beaucoup de papiers.
J'y suis allé confiant et j'ai tout révélé
De mes activités, de mes antécédents.
Mais quelques mois après, on m'a dit (c'est énorme !)
Que j'étais hors des normes, que j'étais refusé.
J'irai faire mon métier, oui monsieur !
S'il le faut hors de France
Ça me fait à la panse
Mais ça vaut le mont de piété
Quand on ne peut pas payer
Pourquoi faudrait-il faire
L'acrobatie bancaire
Pour danser le mal du fer
S'il vous faut de l'argent
Y a un truc je vous donne là
Les guerres, quand elles sont bonnes,
Ça rapporte toujours autant
Avant de terminer
J'ai oublié de vous dire
Que je n'ai plus de tirelire
J'sais plus où je l'ai cachée
Héhé (c'est nerveux, excusez-moi)
Monsieur Chevènement, dans votre circulaire
Que je ne connais guère, comme beaucoup de gens
Paraît que vous fixez des conditions très dures
Pour ouvrir l'aventure d'être régularisé.
Pour sortir du pétrin il serait raisonnable
De croire les gens capables de partager le pain
Il serait plus humain d'ouvrir les coeurs, les villes
A ces soixante mille qui demandent en vain
A ces soixante mille qui attendent en vain
A ces soixante mille qui espèrent sans fin.
Pabapaba…


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