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Le Cahier vert

Marco Valdo M.I.
Lingua: Francese



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Le Cahier vert

Lettre de prison 39
19 juillet 1935

Dialogue Maïeutique

  J’écris trois pages par jour.<br />
J’y mets tout l’art,<br />
J’y insère tout le savoir<br />
Et La Loge de Renoir.
J’écris trois pages par jour.
J’y mets tout l’art,
J’y insère tout le savoir
Et La Loge de Renoir.


Le Cahier vert ?, s’étonne Lucien l’âne. Je me demande ce qu’il peut contenir.

Sans aucun doute, il peut contenir tout, absolument tout, tout un univers ou alors, répond Marco Valdo M.I., rien, au départ sûrement, rien du tout. En fait, je ne sais pas et je ne sais même pas si ce carnet vert a été conservé. Cependant, on peut être sûr qu’il a existé et ce que je peux en dire, c’est que c’est la première fois qu’il est mentionné.

Pour moi, dit Lucien l’âne, un carnet vert, bleu, rouge, jaune ou de n’importe quelle couleur, peu importe, mais un tel carnet s’impose. On devrait en remettre un à chaque prisonnier qui le demande, surtout à ceux qui sont mis en isolement. Un carnet et un miroir, ça briserait le cercle de la solitude. En quelque sorte, ce serait plus humain, comme vous dites.

Ce serait certainement une bonne idée, dit Marco Valdo M.I., il aiderait le prisonnier à se réfléchir et à regarder passer le temps. Pourtant, il ne sert pas à grand-chose d’épiloguer sur ce carnet mystérieux. Peut-être un jour le retrouvera-t-on et peut-être, comme pour ces lettres, quelqu’un pensera à le publier ; mais d’ici-là, on ne peut que patienter.

Pour ce qui est de ce cahier vert, dit Lucien l’âne, je ne vois pas d’autre solution. Mais pour ce qui est de la lettre, ça, tu peux en parler.

Oui, en effet, répond Marco Valdo M.I. ; d’abord, elle annonce le prochain départ de Carlo Levi pour son lieu de confinement ; mais comme celui ne lui a pas encore été révélé, le prisonnier s’interroge :

« À la mer, à la montagne ?
Dans les collines ? Dans la campagne ?
Vraiment, je n’en sais rien.
Je le saurai demain. »


Ensuite, autre nouveauté qui montre que la situation a changé : la promenade, qu’il devait ordinairement effectuer seul, soudain se peuple. L’isolement se desserre.Deux autres relégats sont autorisés à l’accompagner. Comme dit le prisonnier : « C’est toujours ça ».

Oh, dit Lucien l’âne, c’est bizarre ces deux compagnons soudains. La question qu’on doit se poser à leur propos est de savoir lequel des deux (au moins) est un mouton, un espion ?

Certes, Lucien l’âne mon ami, ta prudence est légitime et tu peux facilement imaginer celle de Carlo Levi, qui depuis des années est dans la clandestinité, qui vit dans un pays où sévissent la dénonciation et la délation et qui sait très bien où il se trouve et pourquoi il s’y trouve, ce qu’il peut dire ou ne pas dire à des inconnus, c’est bien lui. Il sait aussi combien il faut se méfier de ces moments de relâchement.

Oh oui, dit Lucien l’âne. Comme on dit chez nous, ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace ; et puis, s’il raconte ça, c’est aussi pour informer de cette pratique ceux de ses amis qui lui succéderont entre les mains de la police fasciste. Finalement, que dit-il d’autre dans cette lettre ?

En fait, Lucien l’âne mon ami, tu fais bien de poser cette question, car la fin de cet envoi n’est pas négligeable du tout. Les deux derniers quintains annoncent l’écrivain et ce petit cahier vert est le premier volume de son œuvre ; une œuvre qu’il créera durant les quarante années qui vont suivre, mais c’est là, toute une autre histoire, même si en effet :

« Un livre infini, circulaire
Qui englobe toutes les choses,
Une vision unique, unitaire,
Comblant le désordre élémentaire
En une sphère totalement close. »


est une description assez précise et prémonitoire de son dernier livre, intitulé curieusement « Quaderno a cancelli » – en français : « Cahier à grilles ou cahier à barreaux ». Je le connais assez bien ce livre infini, dont j’ai tiré les trois volumes de Chansons lévianes : « Le Guerrier afghan », « Le Grand Rat » et « L’homme en Pain d’Épice ».

Quand même, conclut Lucien l’âne, ce Cahier à Grilles paraît sous un autre jour quand on a lu ces lettres. Pour le reste, attendons la suite et tissons le linceul de ce vieux monde rusé, toxique, létal et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Quand vous recevrez ce courrier,
J’aurai déjà quitté
Rome et ses quartiers,
Sans les avoir vus,
Pour un paysage inconnu.

Où ce sera ? Près, loin ?
À la mer, à la montagne ?
Dans les collines ? Dans la campagne ?
Vraiment, je n’en sais rien.
Je le saurai demain.

À la promenade, on est trois.
Moi et deux garçons
En attente de relégation.
On fait la conversation,
C’est toujours ça.

J’ai mon cahier vert
Et je vais écrivant,
Mais lentement.
L’inertie est un ver
Qui vous ronge en dedans.

J’écris trois pages par jour.
J’y mets tout l’art,
J’y insère tout le savoir
Et La Loge de Renoir.
Pour le finir, il faudra beaucoup de jours.

Un livre infini, circulaire
Qui englobe toutes les choses,
Une vision unique, unitaire,
Comblant le désordre élémentaire
En une sphère totalement close.

inviata da Marco Valdo M.I. - 1/8/2019 - 19:00




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