Altesses divines, les cendres battent sur mon cœur.
La mort fauche au nom du Pape,
Elle fauche les hommes les meilleurs,
Elle fauche les femmes les plus mignonnes.
Elle fauche au Sud, elle fauche au Nord.
À l’Est, à l’Ouest, elle ronge de famine.
Je suis un bonhomme de pauvre mine,
Borné, imparfait, ignorant encore.
Ma mère mourut de torture et de chagrin.
Mon père mourut rôti au feu.
J’aurais tant aimé les aimer vieux.
Je les veux venger et vider le pays des assassins.
J’ai prié Dieu, mais Dieu n’entend rien.
Katheline la bonne sorcière a jeté le sort.
Me voici, ma mie à la main,
Quérant la vengeance et la mort.
Le roi et la reine répondent uniment
Et tous les esprits pareillement :
Par la guerre et par le feu,
Par la mort et par le glaive,
Cherche les Sept.
Dans la mort et dans le sang,
Dans les ruines et dans les larmes,
Trouve les Sept.
Laids, cruels, méchants, difformes,
Vrais fléaux pour la pauvre terre.
Brûle les Sept.
Attends, entends et vois,
Dis-nous, chétif, es-tu bien aise ?
Trouve les Sept.
Quand le septentrion
Baisera le couchant,
Ce sera fin de ruines :
Trouve les Sept
Et la ceinture.
Attends, entends et vois.
Aime les Sept
Et la Ceinture.
Les coqs chantent, les esprits s’effacent.
Till et Nelle s’éveillent,
Couchés comme pour dormir face à face.
Ils frissonnent au froid du réveil.
Till voit le doux corps de Nelle,
Tout doré au rayon du soleil.
La mort fauche au nom du Pape,
Elle fauche les hommes les meilleurs,
Elle fauche les femmes les plus mignonnes.
Elle fauche au Sud, elle fauche au Nord.
À l’Est, à l’Ouest, elle ronge de famine.
Je suis un bonhomme de pauvre mine,
Borné, imparfait, ignorant encore.
Ma mère mourut de torture et de chagrin.
Mon père mourut rôti au feu.
J’aurais tant aimé les aimer vieux.
Je les veux venger et vider le pays des assassins.
J’ai prié Dieu, mais Dieu n’entend rien.
Katheline la bonne sorcière a jeté le sort.
Me voici, ma mie à la main,
Quérant la vengeance et la mort.
Le roi et la reine répondent uniment
Et tous les esprits pareillement :
Par la guerre et par le feu,
Par la mort et par le glaive,
Cherche les Sept.
Dans la mort et dans le sang,
Dans les ruines et dans les larmes,
Trouve les Sept.
Laids, cruels, méchants, difformes,
Vrais fléaux pour la pauvre terre.
Brûle les Sept.
Attends, entends et vois,
Dis-nous, chétif, es-tu bien aise ?
Trouve les Sept.
Quand le septentrion
Baisera le couchant,
Ce sera fin de ruines :
Trouve les Sept
Et la ceinture.
Attends, entends et vois.
Aime les Sept
Et la Ceinture.
Les coqs chantent, les esprits s’effacent.
Till et Nelle s’éveillent,
Couchés comme pour dormir face à face.
Ils frissonnent au froid du réveil.
Till voit le doux corps de Nelle,
Tout doré au rayon du soleil.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 13/2/2016 - 18:38
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Chanson française – Le Printemps – Till et Nelle (2) – Marco Valdo M.I. – 2016
Ulenspiegel le Gueux – 29
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – I, LXXXV)
Ulenspiegel : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs, dans le texte de l’édition de 1867.
Le premier chiffre romain correspond au numéro du Livre – le roman comporte 5 livres et le deuxième chiffre romain renvoie au chapitre d’où a été tirée la chanson. Ainsi, on peut – si le cœur vous en dit – retrouver le texte originel et plein de détails qui ne figurent pas ici.
Nous voici, Lucien l’âne mon ami, à la vingt et neuvième canzone de l’histoire de Till le Gueux. Les vingt-huit premières étaient, je te le rappelle :
01 Katheline la bonne sorcière Katheline, la bonne sorcière (Ulenspiegel – I, I)
02 Till et Philippe Till et Philippe(Ulenspiegel – (Ulenspiegel – I, V)
03. La Guenon Hérétique La Guenon Hérétique(Ulenspiegel – I, XXII)
04. Gand, la Dame Gand, La Dame(Ulenspiegel – I, XXVIII)
05. Coupez les pieds ! Coupez les pieds !(Ulenspiegel – I, XXX)
06. Exil de Till Exil de Till(Ulenspiegel – I, XXXII)
07. En ce temps-là, Till En ce temps-là, Till(Ulenspiegel – I, XXXIV)
08. Katheline suppliciée Katheline suppliciée(Ulenspiegel – I, XXXVIII)
09. Till, le roi Philippe et l’âne Till, le roi Philippe et l'âne(Ulenspiegel – I, XXXIX)
10. La Cigogne et la Prostituée La Cigogne et la Prostituée(Ulenspiegel – I, LI)
11. Tuez les hérétiques, leurs femmes et leurs enfants ! Tuez les hérétiques, leurs femmes et leurs enfants !(Ulenspiegel – I, LII)
12. La messe du Pape, le pardon de Till et les florins de l’Hôtesse La messe du Pape, le pardon de Till et les florins de l’Hôtesse(Ulenspiegel – I, LIII)
13. Indulgence Indulgence (Ulenspiegel – I, LIV)
14. Jef, l’âne du diable Jef, l’âne du diable (Ulenspiegel – I, LVII)
15. Vois-tu jusque Bruxelles ? Vois-tu jusque Bruxelles ? (Ulenspiegel – I, LVIII)
16. Lamentation de Nelle, la mule et la résurrection Lamentation de Nelle, la mule et la résurrection (Ulenspiegel – I, LXVIII)
17. Hérétique le Bonhomme Hérétique le Bonhomme (Ulenspiegel – I, LXIX)
18. Procès et condamnation Procès et condamnation (Ulenspiegel – I, LXIX)
19. La Mort de Claes, le charbonnier La Mort de Claes, le charbonnier (Ulenspiegel – I, LXXIV)
20. Le Talisman rouge et noir Le Talisman rouge et noir (Ulenspiegel – I, LXXV)
21. La Vente à l’encan La Vente à l'encan (Ulenspiegel – I, LXXVI)
22. Telle est la Question Telle est la Question (Ulenspiegel – I, LXXVIII)
23. Charles et Claes Charles et Claes (Ulenspiegel – I, LXXIX)
24. Trois cents ans de torture Trois cents ans de torture (Ulenspiegel – I, LXXIX)
25. Au bord du canal Au bord du canal (Ulenspiegel – I, LXXXIV)
26. Le Géant Hiver Le Géant Hiver – Till et Nelle (1) (Ulenspiegel – I, LXXXV)
27. Le Roi Printemps Le Roi Printemps – Till et Nelle (2) (Ulenspiegel – I, LXXXV)
28. Le Printemps Le Printemps – Till et Nelle (3) (Ulenspiegel – I, LXXXV)
« Vengeance et mort », voilà des mots bien terribles pour un titre de chanson. On dirait un appel au meurtre, une invitation à l’assassinat. Pour un peu, on croirait le titre d’un roman russe, une de ces histoires effroyables telles qu’en imagina Dostoïevsky à son retour de relégation en Sibérie.
Eh bien, Lucien l’âne mon ami, dit Marco Valdo M.I. en souriant, tu as bien perçu le sens de cette injonction et je ne puis que te donner raison pour ce qui est de Fiodor Dostoïevsky, car figure-toi qu’il publie son « Crime et Châtiment » exactement la même année que celle où Charles De Coster publie la Légende d’Ulenspiegel. Ce qui fait que, du point de vue de leur naissance éditoriale, Till Ulenspiegel et Rodion Romanovitch Raskolnikov sont des contemporains. Mais comme pour toutes les histoires de vengeance et de mort
C’est vrai aussi pour celles de crime et de châtiment, ajoute sentencieusement l’âne Lucien.
Lucien mon ami l’âne, ne m’interromps pas, sinon je ne saurai plus où j’en suis dans ma présentation. D’ailleurs, j’ai perdu le fil. Je reprends : Comme pour toutes ces histoires de vengeance et de mort – et pour te satisfaire, de crime et de châtiment, il faut d’abord en rechercher l’origine et la cause, qui parfois, mais pas toujours, se confondent. Dans le cas de cette chanson, il s’agit de situer le propos. Qui dit quoi ? Ce sont Till et Nelle qui expliquent au Roi Printemps leur survenue dans le monde des esprits. Ils expliquent qu’ils viennent réclamer vengeance contre ceux qui ont brûlé Claes, fait mourir Soetkin, torturé Till…
Cependant, Marco Valdo M.I. mon ami, tu me diras bien pourquoi Till n’en appelle pas à une autorité, à un pouvoir supérieur chez les humains pour rendre justice.
Précisément, c’est là le nœud de l’affaire. En principe, dans une société libre et juste, c’est ce qu’il faudrait faire et c’est ce que Till a essayé de faire. Comme il ne pouvait en appeler au pouvoir temporel, à la justice publique, elle-même cause des méfaits dont il a à pâtir, il s’est adressé à Dieu, mais, comme dit Till, Dieu n’entend pas.
Ah, dit Lucien l’âne, c’est qu’il est sourd… à son âge.
Oh, ce n’est pas qu’il est sourd… Till découvre tout simplement, comme toutes les personnes de bonne foi, que si Dieu n’entend rien, c’est que Dieu n’existe pas. Et dans un monde religieux, c’est une découverte dangereuse… Découverte car Till comme les gens de son temps sont évangélisés et de toutes bonnes fois, ils croient à la toute puissance et à la bonté divines, ils croient en la justice divine. Ils croient aux enseignements des religieux. Ils s’y fient et c’est seulement la réalité des choses qui les conduit à remettre en cause tout ce bel édifice. Ils découvrent que tout cela est factice, qu’on les a trompés et que Dieu n’est rien d’autre que le « Deus ex machina » du pouvoir temporel et non l’inverse. Voilà pour les faits. Et puis, il y a la mystérieuse réponse du Roi Printemps, aussi énigmatique qu’une réponse de la Pythie.
La Pythie ? Ne m’en parle pas, il n’y avait rien à comprendre à ce qu’elle racontait. Je dis ça, car comme bien tu penses, je l’ai rencontrée plusieurs fois. Oui, oui, plusieurs fois, car c’était un vrai spectacle, plein de mystère, haut en couleurs, plein de parfums. Moi j’adorais ça. Alors, j’y ai été plusieurs fois. Quel cinéma, elle faisait, celle-là ! Finalement, on n’y comprenait rien, mais la sagesse populaire avait conclut qu’il suffisait d’attendre et voir pour comprendre ces incantations.
Nous suivrons donc ton conseil et celui de Printemps :
« Attends, entends et vois.
Aime les Sept
Et la Ceinture. »
Donc, comme pour la Pythie, nous attendrons de voir de quoi il retourne. D’ici là, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde où les pauvres s’en vont quérant vengeance et justice, ce vieux monde dominateur, menteur, trompeur, évangélisateur et cacochyme.
Et l’aventure de Till le Gueux continue … et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane