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Les Trois Complaintes du soldat

André Jolivet
Language: French


André Jolivet


La complainte du soldat vaincu

Me voici donc sans armes et nu,
Me voici donc sans haine et muet,
Me voici donc vide et pauvre
‎ comme des mains d’abondance qui n’ont pas assez donné.
Me voici maintenant
comme une image inutile de la souffrance de l’Homme,
me voici comme un cœur sans frère,
comme un grain de blé sans terre et sans eau.
Je suis au milieu d vous, pressés autour de mon corps sans pensée,
et vous interrogez mes paupières brûlées.
Mes amis, je vous dirai:
‎«Me voici donc sans armes et nu,
Me voici donc sans haine et muet,
Me voici donc vide et pauvre
comme des mains d’abondance qui n’ont pas assez donné.
Mais si je suis resté en vie
C’est pour maintenant partager vos souffrances,
Et si Dieu m’a gardé la vie
C’est pour travailler et construire avec vous,
Nous tous nous avons à refaire la vie,
Nous tous nous serons bâtisseurs de ce monde.
Et si je suis sans armes et nu
Et si je suis sans haine et muet,
Nous serons tous forts et riches
comme des mains de misère qui savent tout donner.»‎

La complainte du pont de Gien

Et voici le soldat sur la route,
Il recherche les siens.
‎(Et marche, et marche, use-toi les pieds!)
Il regarde à gauche et à droite,
Et ne voit toujours rien.
‎(A droite, à gauche, ouvre bien les yeux!)
‎«Ohé ! bonnes gens du village,
Les avez donc pas vu passer,
Une femme et deux gosses en bas âge,
Finirai-je par les rencontrer?»
Je suis pressé de leur dire:
‎«Bonjour, Mademoiselle la Fille,
Bonjour, Monsieur le Fils,
Bonjour, Bonjour, Madame la Mère,
Bonjour à tous, ma douce famille.
Après la Tempête, Nous voilà donc enfin réunis,
Tout contre moi vos trois têtes,
Réchaufferont mon cœur, mes chéris.
Bonjour, Mademoiselle la Fille,
Bonjour, Monsieur le Fils,
Bonjour, Madame la Mère,
Bonjour à tous, ma douce famille.»‎

Le soldat reconnaît sa voisine
Qui a longtemps marché.
‎(Marie, Marie, dis-lui qu’ils sont là!)
Il lui voit la figure chagrine,
Craint de l’interroger.
‎(Marie, Marie, qu’as-tu donc appris?)
‎«Hélas! Je vais te briser l’âme,
Tu ne dois plus chercher les tiens,
Disparus, tes enfants et ta femme,
Au passage du Pont de Gien!»
Et le soldat ne peut que dire :
‎«Adieu, Mademoiselle la Fille,
Adieu, Monsieur le Fils,
Adieu, Adieu, Madame la Mère,
Adieu à tous, ma douce famille.
Souffle la Tempête,
Adieu l’espoir d’être réunis,
Sous la mitraille vous êtes
Tombés sans souffle et privés de vie.
Adieu, Mademoiselle la Fille,
Adieu, Monsieur le Fils,
Adieu, Adieu, Madame la Mère,
Adieu à tous, ma douce famille.»‎

Le soldat s’agenouille au calvaire,
Il implore Jésus.
‎(Bon Dieu, Bon Dieu, écoutez-le bien!)
‎«Prenez soin des enfants, de la mère,
Près de vous revenus.»
‎(Et prie, et pleure, mon pauvre soldat!)
‎«Maman! Vois le soldat qui pleure!»
Dit près de lui un petit enfant.
‎«Est-ce vrai? Serait-ce encore un leurre?
Mon Dieu ! non, c’est bien eux et vivants!»
Et le soldat peut enfin dire:
‎«Bonjour, Mademoiselle la Fille,
Bonjour, Monsieur le Fils,
Bonjour, Madame la Mère,
Bonjour à tous, ma douce famille.»‎

La complainte à Dieu

Mon Dieu, c’est plein des larmes et des souffrances humaines
que je suis venu m’arrêter ici.‎

J’ai vu les larmes des enfants,
J’ai vu les larmes des mères,
J’ai entendu les cris de la peur,
J’ai entendu les cris de la souffrance de la chair.
J’ai pleuré les larmes des yeux privés de ce repos en vous,
Le sommeil…‎

J’ai ciré les cris de la chair meurtrie,
J’ai hurlé ces ordres de la Mort qui commande la Mort,‎

Et vous m’avez accueilli dans vos bras de Nature,
Et cette eau, ces herbes,
cette terre m’ont ouvert tout grands vos bras,
Et ces arbres et le chant des oiseaux
m’ont baigné dans votre sourire,
Et ce ciel et ce soleil se sont épanchés pour moi
comme votre cœur infini,
Comme votre cœur infini
où je retrouve l’Amour et la Paix
où je retrouve l’Amour et la Paix
et la sublimité divine des mystères.‎

Mon Dieu, j’étais en vous comme un enfant malade,
Et me voici tout ruisselant de votre gloire;
Mon Dieu, je sais que nos chemins seront de durs chemins
Mais c’est avec vous que je les gravirai
et ils me mèneront auprès de vous, je le sais…‎

Mon Dieu, lorsque vous aurez choisi de m’abattre,
ce sera pour me permettre de me rapprocher de vous,
Je le sais…
Faites qu’à cette heure-là je sois dans une sérénité
pareille à celle que je vous dois aujourd’hui…‎

Je m’en remets à vous;
Mon Dieu, je m’abandonne à vous,
A votre sourire, vos bras, votre cœur infini,
A votre cœur infini pour toujours
Ainsi soit-il!‎



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