Lingua   

Ballade de celui qui chanta dans les supplices

Louis Aragon
Lingua: Francese


Louis Aragon


Et s’il était à refaire, ‎
Je referais ce chemin ‎
Une voix monte des fers ‎
Et parle des lendemains. ‎
‎ ‎
On dit que dans sa cellule ‎
Deux hommes, cette nuit-là, ‎
Lui murmuraient : « Capitule, ‎
De cette vie es-tu las ? ‎
‎ ‎
‎«Tu peux vivre, tu peux vivre, ‎
Tu peux vivre comme nous; ‎
Dis le mot qui te délivre, ‎
Et tu peux vivre, à genoux.» ‎
‎ ‎
Et s’il était à refaire, ‎
Je referais ce chemin. ‎
Ta voix qui monte des fers ‎
Parle pour les lendemains. ‎
‎ ‎
Rien qu’un mot, la porte cède, ‎
S’ouvre, et tu sors. Rien qu’un mot, ‎
Le bourreau se dépossède; ‎
Sésame, finis tes maux ! ‎
‎ ‎
Rien qu’un mot, rien qu’un mensonge ‎
Pour transformer ton destin : ‎
Songe, songe, songe, songe ‎
A la douceur des matins.» ‎
‎ ‎
Et si c’était à refaire, ‎
Je referais ce chemin. ‎
La voix qui monte des fers ‎
Parle aux hommes de demain. ‎
‎ ‎
J’ai tout dit ce qu’on peut dire: ‎
L’exemple du roi Henri; ‎
Un cheval pour mon empire; ‎
Une messe pour Paris. ‎
‎ ‎
Rien à faire! Alors qu’il parte, ‎
Sur lui retombe son sang! ‎
C’était son unique carte, ‎
Périsse cet innocent. ‎
‎ ‎
Et si c’était à refaire, ‎
Referait-il ce chemin? ‎
La voix qui monte des fers ‎
Dit : «Je le ferai demain.» ‎
‎ ‎
Je meurs et France demeure ‎
Mon amour et mon refus. ‎
Ô mes amis, si je meurs, ‎
Vous saurez pourquoi ce fut ! ‎
‎ ‎
Ils sont venus pour le prendre, ‎
Ils parlent en allemand; ‎
L’un traduit : «Veux-tu te rendre?» ‎
Il répète calmement: ‎
‎ ‎
Et si c’était à refaire, ‎
Je referais ce chemin. ‎
Sous vos coups chargés de fers, ‎
Que chantent les lendemains! ‎
‎ ‎
Il chantait, lui, sous les balles, ‎
Des mots «sanglant est levé». ‎
D’une seconde rafale ‎
Il a fallu l’achever; ‎
‎ ‎
Une autre chanson française ‎
A ses lèvres est montée, ‎
Finissant la Marseillaise, ‎
Pour toute l’humanité. ‎



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