La jarado de décembré
Casimir GarcinLa versione francese "non letterale" di René Merle. | |
LA JARADO DE DÉCEMBRÉ Qu saou si l’hiver d’aquest an Fara pa may qu’oouqo jarado, Lioura ben léou vinto noou an N’en sigué uno desgranado. Erian tout prochi dé Noué, Ooutour doou fuè fasian de cendré Nous roustissai qu’oouqeys prefets Per la jarado de Décembré. Si nous aviè tua leys oliviés, Oourian coupa lou tier deis branco Lou Buou Flori Clement Laurier Aourien agu la gaougno blanco Dévoun agué lou répenti Dè temps en temps devoun s’entendré Dè cè qè fasien eys prouscrit Per la jarado de Décembré. Oou joun si diré brave jen Aquello raço de despoto Dèvoun sachè qu’ou poun d’argen Leys fasien soouta a cou de crosso Aven escri seys souvenir Oou samentéri sus seys cendré Per si rappella deys amis qé nous an tua lou dous Décembré. Voou canta un fet é mé raisoun D’oou sier Giraoud di l’espéranço Soun ami Gero de Vinoun leys fairoun sourti de la bando A Salerno mêmé a Sant Clar Dous coou dè fuo leys vengue estendré May lou bouen Diou deys Mountagnard Leys revengues lou dous Décembré. Per puni nouestey citoyen Leys fasien saisi per la troupo Per fayre riré leys carlen Leys fusillavoun su la routo A L’orgue s’en rappelaran L’enfan lou pero émé lou gendré N’en passéroun la couardo eys man Per la jarado de Décembré. Républicain de cinquant’un Si sias pa sour devès v’entendre Eyci nin d’ou agué qu’ouqun Qé si rappellé de Décembré Iou per ma part aviou sieys ans Quan moun pèro si layssé prendré N’en faray part a meys enfant Deys crime doou més de Décembré. Crési qé su jararen plus De la jarado dé Décembré Ara ques mouar nouesté gran gus E soun aiglo reduito en cendré L’arc-en-ciel ven de se fourma En signé de grando espéranço Lou ven d’Ameriquo a souffla Per nous veni embaouma la Franço. | LA JARADO DE DÉCEMBRÉ LA GÉLÉE DE DÉCEMBRE Qui sait si dans l’hiver de cette année ne surviendra pas à nouveau quelque gelée. Il y aura bientôt vingt-neuf ans, il y en eut une dévastatrice. Nous étions tout près de Noël, autour du feu nous faisions des cendres. Et quelques préfets nous « roustissaient » par la gelée de Décembre. 1 Si le florissant Clément Laurier nous avait tué les oliviers, nous aurions coupé le tiers des branches, et ils en seraient restés pâles : ils doivent avoir le repentir, et de temps en temps ils doivent s’entendre rappeler ce qu’ils faisaient aux proscrits, par la gelée de Décembre. 2 Ils osent se dire braves gens, cette race de despotes. Mais ils doivent savoir qu’au pont sur l’Argens ils les faisaient sauter à coups de crosse. Nous avons écrit leur souvenir, au cimetière, sur leurs cendres, pour se rappeler des amis qu’ils nous ont tués le deux décembre. 3 Je vais avec raison chanter un fait concernant Giraud dit l’Espérance : avec son ami Pato de Vinon ils les firent sortir de la bande: à Salernes, et plus précisément à Saint Clair, deux coups de feu les ont étendus, mais le bon dieu des Montagnards, leur a rendu la vie le deux décembre. 4 Pour punir nos citoyens, ils les faisaient saisir par la troupe. Pour faire rire les Carlins, ils les fusillaient sur la route. À Lorgues ils s’en rappelleront : l’enfant, le père et le gendre, qui passèrent les mains liées, par la gelée de Décembre. 5 Républicains de Cinquante et un, si vous êtes sourds vous devez entendre cela. Ici il doit bien y avoir quelqu’un qui se rappelle de Décembre ! Pour ma part, j’avais six ans quand mon père se laissa prendre. J’en ferai part à mes enfants des crimes du mois de décembre. 6 Je crois que nous ne gèlerons plus de la gelée de Décembre. Maintenant que notre grand gueux est mort et que son aigle est réduit en cendre. L’arc-en-ciel vient de se former en signe de grande espérance. Le vent d’Amérique a soufflé pour venir embaumer notre France. 7 |
Les NOTES ORIGINELLES de René Merle.
[1] Le texte est donc daté. Mais on peut se poser la question d’une reprise d’une composition antérieure, datée de 1869-70, (19 ans remplacés par 29 ans), où la censure est ainsi contournée.
[2] Ils: Les Conservateurs
Belle illustration encore du recours aux jeux de mots et aux allusions ironiques dont raffole la culture populaire : certes, le froid terrible de décembre a menacé les oliviers, mais ici, dans sa métaphore végétale, Garcin pointe l’élection de 1869 dans la 1ère circonscription du Var (Draguignan), où le radical gambettiste Clément Laurier affronta sans succès l’homme du Tiers-Parti, Ollivier. Deux pointures nationales « parachutées » dans le Var. Si Laurier avait battu Ollivier, et plus tard écarté Thiers, quelle défaite pour les Conservateurs ! Mais le jeu de mot se poursuit sur « florissant », car « flòri » a aussi un double sens en provençal : « florissant » mais aussi par glissement « fier », « trop fier », et finalement « fat », « méprisable ». C’est rappeler ainsi que « l’intransigeant » radical Laurier, élu député du Var en 1871, avait ensuite brusquement viré casaque et s’était rangé dans le camp conservateur.
[3] Ici commence le rappel des horreurs de la répression, que les républicains de 1869 jugeaient d’autant plus nécessaire que les populations du Haut Var avaient été majoritairement sensibles à l’argumentation d’Ollivier, rallié à l’Empire. Et que le Var avait donné la victoire à l’Empereur lors du référendum de 1870.
[4] Gero: Pato (?)
Il s’agit ici de l’épisode célèbre, longuement relaté par Blache dans son ouvrage, de l’exécution de Giraud, dit l’Espérance, et Bon, dit Pato : les deux républicains, laissés pour morts, purent survivre à leurs blessures et s’enfuir.
[5] Terrible rappel de l’exécution de quatre insurgés sous les acclamations des légitimistes majoritaires à Lorgues.
Nota del trascrittore: Si tratta della strofa attribuita in seguito a Charles Dupont (v. Introduzione) – Note du transcripteur: c'est le couplet qui a été attribué à Charles Dupont (v. Introduction).
[6] Vent d'Amérique: Républicaine
Belle preuve de l’occultation de l’événement sous l’Empire, de l’ignorance de beaucoup, de la nécessité du rappel à une opinion qui est loin d’avoir retrouvé l’unanimisme républicain de 1848. Cette strophe confirme le sentiment que la chanson a été lancée dans les luttes de 1869-70 et reprise encore dans les luttes pour la défense de la République entre 1871 et 1878.
[7] Couplet terminal de victoire qui entérine l’affermissement définitif de la République, mais dans le seul face à face Empire - République.