Le gorille
Georges BrassensOriginal | La traduzione inglese di Dennis Criteser della versione italiana... |
LE GORILLE C'est à travers de larges grilles, Que les femelles du canton, Contemplaient un puissant gorille, Sans souci du qu'en-dira-t-on. Avec impudeur, ces commères Lorgnaient même un endroit précis Que, rigoureusement ma mère M'a défendu de nommer ici... Gare au gorille !... Tout à coup la prison bien close Où vivait le bel animal S'ouvre, on n'sait pourquoi. Je suppose Qu'on avait dû la fermer mal. Le singe, en sortant de sa cage Dit "C'est aujourd'hui que j'le perds !" Il parlait de son pucelage, Vous aviez deviné, j'espère ! Gare au gorille !... L'patron de la ménagerie Criait, éperdu : "Nom de nom ! C'est assommant car le gorille N'a jamais connu de guenon !" Dès que la féminine engeance Sut que le singe était puceau, Au lieu de profiter de la chance, Elle fit feu des deux fuseaux ! Gare au gorille !... Celles là même qui, naguère, Le couvaient d'un œil décidé, Fuirent, prouvant qu'elles n'avaient guère De la suite dans les idées ; D'autant plus vaine était leur crainte, Que le gorille est un luron Supérieur à l'homme dans l'étreinte, Bien des femmes vous le diront ! Gare au gorille !... Tout le monde se précipite Hors d'atteinte du singe en rut, Sauf une vielle décrépite Et un jeune juge en bois brut; Voyant que toutes se dérobent, Le quadrumane accéléra Son dandinement vers les robes De la vieille et du magistrat ! Gare au gorille !... "Bah !", soupirait la centenaire, "Qu'on puisse encore me désirer, Ce serait extraordinaire, Et, pour tout dire, inespéré !" ; Le juge pensait, impassible, "Qu'on me prenne pour une guenon, C'est complètement impossible..." La suite lui prouva que non ! Gare au gorille !... Supposez que l'un de vous puisse être, Comme le singe, obligé de Violer un juge ou une ancêtre, Lequel choisirait-il des deux ? Qu'une alternative pareille, Un de ces quatres jours, m'échoie, C'est, j'en suis convaincu, la vieille Qui sera l'objet de mon choix ! Gare au gorille !... Mais, par malheur, si le gorille Aux jeux de l'amour vaut son prix, On sait qu'en revanche il ne brille Ni par le goût, ni par l'esprit. Lors, au lieu d'opter pour la vieille, Comme l'aurait fait n'importe qui, Il saisit le juge à l'oreille Et l'entraîna dans un maquis ! Gare au gorille !... La suite serait délectable, Malheureusement, je ne peux Pas la dire, et c'est regrettable, Ça nous aurait fait rire un peu ; Car le juge, au moment suprême, Criait : "Maman !", pleurait beaucoup, Comme l'homme auquel, le jour même, Il avait fait trancher le cou. Gare au gorille !... [Nous terminerons cette histoire Par un conseil aux chats-fourrés Redoutant l’attaque notoire Qu’un d’eux subit dans des fourrés : Quand un singe fauteur d'opprob’e Hante les rues de leur quartier Ils n’ont qu’à retirer leur robe Ou mieux à changer de métier. Gare au gorille !...] [1] | THE GORILLA On a city plaza people were looking with admiration at a gorilla brought there by the gypsies of an amusement park. With little sense of shame, the neighbors of that district contemplated the animal, I’m not saying where or how. Beware the gorilla! All of a sudden the large cage where the animal lived burst open, I know not why, perhaps they had closed it poorly. The beast heading out of there said, “Today I’ll take it off!” He spoke of virginity, to which he was still enslaved. Beware the gorilla! The owner began to shout “My gorilla, watch out everyone!” He’d never seen that an ape could cause such confusion. Everyone present at this point fled in every direction, even the women, demonstrating the difference between idea and action. Beware the gorilla! All the people ran hurriedly here and there with great determination. Only a little old lady lingered behind, and a young judge with robes. Seeing that the others had melted away, the four-handed ape sped up and on the old lady and the magistrate he descended with four leaps. Beware the gorilla! “Bah,” sighed the lady, “that I could still be desirable would be something rather strange and, more than anything, unexpected.” “That I am taken for an ape,” thought the judge with a short breath, “is impossible, this is certain.” The following proves that he was wrong. Beware the gorilla! If some one of you had to, forced with your back against the wall, to violate a judge or a little old lady, of your choice I would be certain. But as it happens, the gorilla, considered a grand hunk by whosoever tried him, did not shine, neither for his spirit nor for his taste. Beware the gorilla! In fact, scorning the old lady, he set upon the magistrate. He seized him firmly by one ear and dragged him to the middle of a meadow. That which transpired amidst the tall grass I can’t tell you in its entirety, but the spectacle was engrossing and “suspense” was truly there. Beware the gorilla! I will say only that at the climax of the unpleasant and gloomy drama the judge wept like a calf, and in the intervals cried “Mamma,” cried “Mamma,” like that one who the day before, as if he were a chicken, with a sentence a bit unusual he had ordered "Cut off his neck." Beware the gorilla! |
[1] La strofa "autocensurata" viene ripristinata qui nel testo. |